Venise au temps du Carnaval

Irons-nous à Venise au temps du Carnaval
Démasquer les amours de nos rêves d'enfant,
Suspendre au vent d'hiver ce splendide intervalle,
Broder rires et pleurs au bonheur triomphant ?

Tu joueras l'inconnue en parme et moretta,
Dans ton blanc Domino tu resteras mystère.
Je serai ton galant caché sous la bauta,
Drapé du Tabarro d'un noir toujours austère.

Irons-nous à Venise hanter le Grand Canal,
Masquer le désespoir des amours dévoyées,
Surprendre l'infidèle éprise d'un banal
Pierrot lunaire et beau dans ses larmes noyé ?

Tu verras Bucentaure, élégant ornement,
Comme un soleil levant glisser sur son lit d'eau
Au large de Saint Marc filer comme l'amant
Si pressé d'effeuiller Marguerite au Lido.

Irons-nous à Venise écouter les soupirs
Des cœurs brisés d'antan sous le pont Rialto,
Jurer fidélité le meilleur et le pire
Au son du violon et de son frère alto ?

Mais où es-tu ma belle ombre de Francesca
Qui oublie qu'à Venise aimer est passager ?
Je suis ton Paolo et de moi tu fais cas
Pour un baiser maudit aux Enfers partagés.

© Janvier 2008