Après le déluge Aussitôt que l'idée du Déluge se fut rassise, Un lièvre s'arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière àl'arc-en-ciel à travers la toile de l'araignée. Oh ! les pierres précieuses qui se cachaient, - les fleurs qui regardaient déjà. Dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l'on tira les barques vers la merétagée là-haut comme sur les gravures. Le sang coula, chez Barbe-Bleue, - aux abattoirs,- dans les cirques, où le sceau de Dieublêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent. Les castors bâtirent. Les "mazagrans" fumèrent dans les estaminets. Dans la grande maison de vitres encore ruisselante les enfants en deuil regardèrent lesmerveilleuses images. Une porte claqua, et sur la place du hameau, l'enfant tourna ses bras, compris desgirouettes et des coqs des clochers de partout, sous l'éclatante giboulée. Madame*** établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières communions secélébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale. Les caravanes partirent. Et le Splendide-Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et denuit du pôle. Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, - et leséglogues en sabots grognant dans le verger. Puis, dans la futaie violette, bourgeonnante,Eucharis me dit que c'était le printemps. - Sourds, étang, - écume, roule sur le pont, et par dessus les bois; - draps noirs etorgues, - éclairs et tonnerres - montez et roulez; - Eaux et tristesses, montez etrelevez les Déluges. Car depuis qu'ils se sont dissipés, - oh les pierres précieusess'enfouissant, et les fleurs ouvertes, ! - c'est un ennui ! et la Reine, la Sorcière quiallume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu'elle sait, etque nous ignorons. Arthur Rimbaud (1854 ; 1891) Poèmes de Arthur Rimbaud
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