
Souriez
#1
Posted 15 June 2006 - 06:09 PM
L’oiseau commun se pose à l’extrémité d’une fine branche… oscillant sous son poids. Presque… la branche le berce ou peut-être elle le secoue. L’oiseau tient bon, fier, le bec en l’air et l’œil ingénu.
Le mouvement rocking chair attire mon regard. Un déhanchement irrésistible. Et l’oiseau dessus. Je repense à cette piste : « pour le créateur, rien n’est pauvre ». Je souris.
J’avais pensé qu’ici était vide. Des herbes, des arbres, l’étang et moi au milieu. Les rayons du soleil de midi qui appuient sur ma peau. Rien de particulier.
Or, s’ouvre le monde. Le bruit des ailes qui battent. Les ailes qui écartent des murs et élargissent les atomes. Des sons inconnus, retrouvés.
Les oiseaux colorés. Les oiseaux gris. Leurs chants utiles annoncent la pluie ou le danger. L’affection peut-être… je souris. Les oiseaux du matin et ceux du soir. Voyez l’ironie : seule je suis et seule je fais la différence.
Eux rebondissent sur les branches.
Je fixe le grand arbre. Dans cet ici que je vois s’emplir. Le grand arbre. Ses bras cherchent l’entrée de ses racines dans la terre. Maman. Sa tête, masse gigantesque de vert que je croyais uniforme… le grand arbre.
Je le fixe. Je le fixe encore de toute l’attention dont je suis capable. Et comme les yeux s’habituent à l’obscurité, mon regard mutant s’aiguise. Lame tranchante qui découpe une vie au plat de l’inattention.
J’aperçois toujours le mouvement des branches… ou est-ce celui du vent ? Je souris. L’oiseau novice arrive en trombe, ses serres en cadenas enlacent le rocking chair… et berce, berce. Les flocons de soleil dégoulinent en stries. Ou sont-ce des rainures ? Je souris.
L’arbre aussi, du fond de moi, se transporte vers le son. Un grand-père. Un vieux professeur agrégé… je souris. Je croyais tant à son inertie…Pourtant il se déploie et perce le plastique. Déchire la chrysalide sur mes yeux.
Même son écorce se tortille contre lui.
Je souris. Le jour est encore jeune dans les jupons de la nuit.
#2
Posted 15 June 2006 - 07:38 PM
belle création Felice...
en plus il y avait des jupons....
Henri
#3
Posted 15 June 2006 - 08:12 PM
c'est réussi
et ça se lit, ça se voit ça s'entend...

Charlie
#4
Posted 15 June 2006 - 08:32 PM
Il y a toujours des jupons aux alentours de mes mots, je crois. N'est-ce pas ? Merci de votre présence aux côté de ce texte. Les deux me sont chers... le texte et votre présence.
Le texte parce qu'il est peut-être l'un des premiers que je crois écrire.
Votre présence parce que vous êtes toujours prêt à rêver, à monter dans le train.
Heinrich,
Je ne sais pas ce que donneront les commentaires. Mais j'ai entrevu quelque chose au creux de moi en écrivant ce texte. C'est chouette si ça peut faire évoluer mon écriture... je n'en suis vraiment qu'au début, je pense.
Jaguar.
#5
Posted 15 June 2006 - 08:37 PM
Heinrich
Il y a aussi tant de choses que j'aime dans ton texte que je peux pas toutes les dire
mais mis à part les jupons

#6
Posted 15 June 2006 - 09:06 PM
Je souris...
Devant le silence imposé par cet arbre qui vit sous tes yeux, devant le vide que tu remplis de ton silence, devant l'attention portée au moindre mouvement, devant l'équilibre nécessaire à l'oiseau, et devant l'aptitude à percevoir ce qui peut l'être pour peu que l'on s'y attarde, simplement quand l'image à portée de vue et de sens s'imprègne doucement, extérieur jour, intérieur nuit...
Je souris...
Devant la paix qui règne dans ce paysage et tout ce qu'il génère au travers de tes mots.
Je souris...
Devant cette si jolie pensée "Le jour est encore jeune dans les jupons de la nuit"...
Un beau chemin tracé, ouvert, aérien...
balila
#7
Posted 15 June 2006 - 10:23 PM
Amitiés Bohémia
#8
Posted 15 June 2006 - 10:36 PM
#9
Posted 15 June 2006 - 10:51 PM
t'as capté alors!
t'as capté, ma Félice!
tu vois...
tous mes poèmes sont reliés par cette même 'philosophie'
le haïku aussi..
ha!
t'as capté alors!
t'as capté, ma Félice!
#10
Posted 15 June 2006 - 11:24 PM
magique même, ... car,
si je ne lis (pas par économie !) que les premières phrases de chacune des strophes
le texte reste vivant !!! sublime
Tu es...
Félice quoi !
très amicalement,
Ambréance
#11
Posted 16 June 2006 - 08:21 AM
A écrire ainsi
C'est ciselé
Et puis l'arbre...
Tu connais comme moi l'arbre
Nous étions végétales toi et moi
Que s'est-il passé ?
Alors n'oublions jamais de parler de l'arbre
Bien à toi
#12
Posted 16 June 2006 - 09:43 AM
#13
Posted 16 June 2006 - 10:43 AM
Heinrich,
Alors comme ça, on abrège ses com's ? Oui, merci pour cette pharse sur les ailes qui ouvrent des mondes... je sais pas si j'ai vraiment atteint mon but avec ces mots-là... mais je suis pleine d'espérance.
Balila,
L'arbre vit sous mes yeux. Là, tu vois, ça me touche ce que tu dis... c'est exactement ce que je suis en train de comprendre. Il ne s'agit plus de décrire ce qu'on ressent mais bien de donner vit à ce que l'on observe, par la force des mots. C'est con, hein, mais je suis en train de le comprendre.
Le jour est encore jeune... sais-tu qu'on dit ça, en anglais... pour dire que la journée ne fait que commencer "the day is young" ?
Grand merci de ton soutien, Balila.
Bohemia,
il ou elle ne croyait pas vraiment "plus en rien"... c'est juste que l'action de créer doit se mettre en place dans l'écriture. Ce qui est commun banal, devient rare, unique et vivant. Nous sommes-nous déjà arrêtés sur les chemin que nous empruntons tous les jours... pour observer les petits détails qui font le fourmiement de la vie ?
Merci, merci.
Nico,
Carson Mc Cullers... ah oui ? Des romans, il y en a déjà, des centaines de pages, il y en a déjà... j'écris plus lentement maintenant. A mon propre rythme... ça ouvre des portes bien mystérieuses.
Merci de ta lecture.
Mon loup,
C'est absolument un jetzt jaillissant. C'est un bonheur de constater comme tu t'es approprié ce mot de manière très... très... de manière très. Voilà.
(j'y pense, j'y pense... don't worry, je suis un peu prise ce week end, mais je vais bosser notre projet)
Cloud,
Capté... c'est un mot bien définitif (donc apoétique), mais j'entrevois un morceau de ce vers quoi je veux tendre en écriture. C'est très intérieur. C'est chouette que cela transparaisse peut-être un ch'tit peu et que tu puisses le dire comme ça. Merci.
Ambréance,
Fini le temps où tu préférais un jaguar plus vindicatif ! ;-)
les premières phrases... oui... c'est étonnant comme les autres peuvent lire nos mots jusque dans le détail de leur oragnisation. Je voulais un texte fédérateur... enfin... un texte qui exprime la beauté de l'ensemble naturel. Merci de ton com.
Comtesse,
"il faut que tu continues à écrire ainsi". Amen. Surtout venant de toi... dont les orchestrations verbales sont toujours d'une intensité "poignante". J'ai trouvé un fil, comtesse, je vais le suivre, je verrai bien où il me mène.
Que s'est-il passé... not a clue my dear... et je préfère garder le mystère. L'arbre... je dirai son nom tous les jours de ma vie, comme celui de Jaguar. Et je dirai à mes enfants de dire aussi son nom tous les jours de leur vie. Et dans 100 ans, quand il ne restera plus qu'un arbre dans un vague musée d'Amérique du Sud... nos descendants prendront conscience de leur propre fin.
J'en suis chagrinée d'avance, comtesse.
Pallio,
'jour pialliounet ! c'est chouet' de t'revoir par là ! 'jour !
Félice.
#14
Posted 16 June 2006 - 11:06 AM
toutefois ce grand haiku
qu'aurait pu en faire peut être trois quatre
reste emprunt enfin a mes yeux d'une "culture de divan"
#15
Posted 16 June 2006 - 12:06 PM
Je souris, sans impatience.
#16
Posted 16 June 2006 - 12:58 PM
hihihi... grand haiku ? Mais pourquoi grand haiku ? Je ne demande qu'à apprendre en cette matière, hein, mais pourquoi haiku ? Dis m'en plus.
"culture de divan" certes... enfin, si j'entends bien la même choe que toi derrière cette expression. Oui, oui, je suis très comme ça. C'est, pour l'instant, de cette façon là que je regarde les êtres. Peut-être m'en éloignerais-je plus tard.
Belvis,
sourions espérément. Ton passage me fait le plus grand bien. J'en profite, sans impatience.
Félice.
#17
Posted 16 June 2006 - 01:36 PM
pourraient faire deux haikus
quant a culture de divan elle fait partie integrante de ta culture
que je crois grande,pointue
c'est peut-être ton handicap dans ta demarche en poesie
mais je crois te l'avoir dejà dit
pour créer
il ne faut pas être trop cultivé
c'est que mon avis
n'empêche tu "danses" bien quand meme
#18
Posted 16 June 2006 - 01:50 PM
Quant à la culture (sommes toutes restreinte chez moi... ne te fais pas d'idée), à 84 ans... j'ai toute la vie devant moi pour apprendre à m'en détacher si le besoin s'en fait sentir.
Mais je pense que tu as un avis très interessant. La culture reste, comme la critique, le regard du dehors, l'influence du dehors.
celui qui veut créer doit la tenir à distance pour ne concentrer son attention que sur "le vivant" quel qu'il soit.
Allé hop. Bon week end !
Félice.
#19
Posted 16 June 2006 - 04:15 PM
Je comprends que tu aies ressenti quelque chose au fond de toi.
Belle rêverie, pleine d'émotions...
Le jaguar est descendu de son arbre pour le contempler d'en bas, comme les nuages.
Jolie vue d'en bas, comme sous le jupon des filles, comme les hanches des femmes.
Et les oiseaux qui nous parlent... "nous parlent que de toi", mais aussi de la vie et du temps qui passent, et nous prédisent l'avenir.
Celui est pièce d'orphèvrerie.
Heureux que tu aies trouvé ton fil (et c'est une chance pour les autres.) Heureux quand nous avons trouvé notre propre fil... ; suivons-le.
Pour toi c'est bien + qu'un fil d'écriture...
Amitiés
Christophe
Edited by le hamster, 16 June 2006 - 04:22 PM.
#20
Posted 16 June 2006 - 06:18 PM
O Felice
Tu nous ouvres le regard
"Et comme les yeux s'habituent à l'obscurité."
Oui, à force de regarder la nuit, on distingue la lumière, j'y reviens, pardon. Mais les jaguars doivent y voir dans le noir, non?
Tu es là, humble, ouverte, sans rien demander, et le sacré s'offre à toi, et toi tu nous l'offres en retour, ou en cascade.
Tu es là près d'un étang, sous un arbre, et tu es soudain au centre du monde, l'univers gravite autour de toi.
Un moment d'éternité, de vraie éternité, cosmique. Un moment immémorial, parce qu'indatable, insituable, un petit moment de vie inclus dans le grand cycle de la Vie.
Respiration
Artemisia
#21
Posted 16 June 2006 - 09:14 PM
rue Mouffetard à coté d'un ... grand arbre :
L'Arbre des rues
Passant,
regarde ce grand arbre
et à travers lui,
il peut suffire.
Car même déchiré, souillé,
l'arbre des rues,
c'est toute la nature,
tout le ciel,
l'oiseau s'y pose,
le vent y bouge, le soleil
y dit le même espoir malgré
la mort. Philosophe,
as-tu chance d'avoir l'arbre
dans ta rue,
tes pensées seront moins ardues,
tes yeux plus libres,
tes mains plus désireuses
de moins de nuit.
Edited by Harry, 16 June 2006 - 09:15 PM.
#22
Posted 17 June 2006 - 01:00 AM
Les fils peuvent guider, mais trancher aussi. Je serai prudente, mais j'espère quand même me prendre moutls platanes... sinon... quel intérêt ? Grand merci de ton com attentioné.
Jolie Fleur,
Oui, nous félins, voyons dans l'obscurité. Sans difficulté. Il y a deux espèces comme ça : les félins et les romantiques.
Le sacré... oui, c'est le mot. Le sacré.
Harry,
Ca n'est pas à l'arbre de donner des leçons aux villes. C'est aux villes de disparaître pour lui rendre sa liberté.
Merci de nous faire partager ce texte de Bonnefoy.
Félice.
#23
Posted 17 June 2006 - 05:55 PM
Bravo !
Lynx
#24
Posted 18 June 2006 - 01:02 AM
Bravo !
Lynx
Lynx,
merci... "soi pur"... en tout cas j'essaye. Je ne lâche plus mon fil... peut-être me mènera-t-il encore plus à l'intérieur.
Harfang.
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