COMPLAINTE DU GRAND INQUISITEUR
#1
Posted 25 November 2005 - 03:26 PM
Je ne fais pas ça pour m’amuser
Mais parce que c’est mon métier
De ne pas désespérer l’humanité
Ni Billancourt d’ailleurs
(Ah non ! il est bien terminé, ce temps-là !)
1.
Soir
Soir triste
Si sinistre soir de la
Conscription
L’âme exsanguée
En tranche
Sanglée sans espoir
On repart à la guerre
Dès ce soir
Tragédie pathétique
De l’inutile mobile humain
Aux pornographiques dimensions
De cathédrale
Ce long soir des funérailles
Et des défilés
L’esprit hérétique et fêlé
Six pieds dansants impénitents
Effondrés sous les cœurs
Apostats
Débordés par des nuées
Calcinées d’acides
Ces incultes terres d’exil
2.
A l’intérieur
S’allonge un vaste continent de misère
A perte de vue
Bien après les tanières des monstres
Ecaillés
L’œil interne promenant
Nonchalamment
Aux steppes orientales
Beuglant des insultes
Plaquant approximativement des accords gourds
Claquant des portes
Grossièrement
Je me souviens
Je me souviendrais toujours
Des rythmes aphones
Des mélodies dévastées
Gammes de notes de silence
Je n’oublierais jamais
Ni le son des tambours
Ni celui tonitruant des canons
Cognant aveuglément
Celui de la chair déchiquetée
Corps en pièces carbonisés
S’agitant frénétiquement forcenés
Et après bien après
Les gravats encore fumants
La faim
L’absence de la lumière
Des lambeaux de murs désorientés
Et le vent
Croisant aux ultimes fenêtres
Orphelines de façades
Cours encore après les carreaux brisés des hier dévastés
Lancés comme des rasoirs
Dans l’air devenu bolide
3.
Horlogesque poésie rouillée de la conscience
Théâtre électrique
Quand gémissent d’égorgement les moutons
Sacrés simulacrons
Arme automatique
Tirant en rafales insouciantes
Ses théories tactiques insomniaques
Impacts ancrés
Les signes décillant de la mitraille
Sur le regard arriéré
Cri transcrit dans une marge inusitée du langage
Flux impur à tous
Babel !
4.
Il n’y a plus de chaîne
Toute la conscience
Concentrée
Dans un seul
Même
En exil en lui-même
Je ne suis plus aucun homme
Car j’ai endossé le sort
De tous
5.
Lue
J’ai lu
La répugnante prose dévergondée
Les tableaux rupestres de mes songes
Des champs incultes où s’enracinaient stériles des squelettes comme des hameçons agrippants dérisoires crochets impuissants le dais du ciel
La rage féroce dans les regards démâtés de haine
Des survivants
Conspuant l’être de seulement encore pouvoir être
6.
Là gît
L’homme
Volcanique îlot solitaire
Surnageant périlleusement
Au beau milieu
De la multitude humaine
Bataillons porcins
7.
J’ai crevé mon regard dans l’abîme de la nuit
J’ai entrevu
Derrière ses bannes kaléidoscopiques
La chair dévastée du Dieu mort
Terre aride
Improbable désir de pierres dissolues
Au loin
Un peu en deçà l’horizon désert
Je pouvais
Des meurtrières gonflées que faisaient mes paupières asséchées
Percevoir nettement les éclats de la bataille et les rugissements des pillards les agonistiques gémissements des femmes profanées et de leurs progénitures avortées dedans leurs rêves
Mes narines hennissaient de dégoût en reconnaissant le parfum écoeurant des festins humains
Mes yeux pleurnichaient le vent rabattant sournoisement les fumées noires des dernières bourgades en immolation
Je pouvais par mes félinesques pupilles voir des loups des rapaces avides de charognes putréfiées des scorpions tapis dans les recoins reposants du sable de vastes bandes de rats cannibales et pouilleux mais d’hommes
.
Voilà ce qu’il y avait à voir
Je suis tombé à genoux priant de rages
Crispé sur mon arpent de sol ardent protégé par mon souffle
J’ai hurlé à la lune des testaments entiers de psaumes inédits parodiant des jets d’envies
Déjections de vies
Dédites
8.
Pour venir à eux
J’ai traversé des mers de déserts
Mangé des racines plus sèches que du bois mort
J’ai résisté aux mirages
Certains plus suaves que des lèvres avides d’aimer
Depuis le commencement de l’algèbre des corps
Il n’y avait tout autours
Que des cailloux agressifs entrecoupés d’entrechats hallucinatoires
Quelques lézards des scorpions pâles des vipères
L’envie se dévorant
La volonté vaincue et la défaite consommée
Dans l’orgueil victorieux de l’acète triomphant
Les paradis artificiels du jeûne
Et ceux interdits
Des jouissances de la mortification
L’extase
Coït sacramentel
9.
J’ai découvert l’Humain
Prostré sous les stalactites de la raison
En faisant tomber
Un à un
Les pans maladroitement peinturlurés
De ma conscience
Maintenant
Je puis revenir à eux
10.
Je ne me suis pas présenté comme un libérateur
Ni en annonçant un quelconque avènement
Mais sous la pourpre bannière de mon Dieu de souffrance
Ils n’ont vu que la bête écornant les peuples et ravageant la chair du monde
Ils se sont soumis à mes armées de colères
Car moi seul savait la soumettre
Nos rîtes sont magiques et cannibales
Nos cultes et nos encens
Livrent aux transes hypnotiques
Les meutes d’hommes
Et font apparaître en filigrane sur leurs faces déformées
Le visage grimaçant de souffrance
Du rut
Du Sauveur
Moi
Je suis
Le Grand Inquisiteur
11.
Ils croient
Ils croiront en notre Dieu
Parce qu’ils connaîtront la puissance de nos canons
Et ils auront peur
Et ils nous remercieront
De porter leur fardeau
De soigner leurs plaies
De caresser leurs chagrins
Par nos mains crues et sans conscience
Par notre cruelle volonté
Nous édifierons patiemment
Aux siècles des siècles
Le fragile édifice de l’Humain
Dérisoire ingouvernable fatras
12.
Je ne suis plus si semblable du reste des hommes
Nos étoffes ne sont pas filées aux mêmes métiers
Je n’aspire ni à la quiétude ni au confort
Mais aux rudes conditions d’une armée en manœuvres
Mes vers n’appellent pas d’applaudissement
Mais des jets de pierres des crachats des coups
Des pendez-le ! Au milieu des lamentables hourra !
13.
Ces poèmes
Je les dirais
Toutes mes partances
Je n’ai plus besoin de vos dieux
Ni de votre compagnie
J’ai vécu toutes les vies
Vu tous les cieux
Agrippé la totalité du temps dans chaque gouttelette d’instant
Sirotant l’existence amère
Fortune tout autant qu’infortune
Ses moindres moments
Jusqu’aux pires tourments
L’enterrement d’un Dieu
Que l’on croyait sien
Que l’on croyait immortel
Ma lanterne est éteinte
Fanée depuis longtemps
Mais je me suis fabriqué
Des yeux de chat
Et une ouïe de chauve-souris
Puis surtout
Sur la nappe au pique-nique des étoiles
Il y a
Le grand festin insomniaque
De la lune
14.
Tu vois l’absence
La présence intime du manque
Touche l’inqualifiable sceau de l’exilé
Le désir nourrit de l’attente d’être satisfait
Délicieux supplice
De l’ironique démesure du vide
Sens l’axe
Vois-le
Ses angles abscons
Et leurs récifs aigus sur une crête venteuse de la conscience
Etre finitude désappointée
Réfléchie sur les granits étincelants
Des derniers souterrains increusés
De l’éternité
Immense dépotoir désaffecté de la matière
Aculturés
Les pilotes syphilitiques
Couchés au port asséché
Machines ignifuges
Surarmées âmes désâmées
Ces ministres apostats
15.
Voilà le beuglement des tambours
Majors leurs marches triomphales
Ecrasants de leurs plantes insensibles
Nos indolentes vestales sacrifiées
Scarifiées
Ventres en débords des coulures inhésitantes
Allant directement
Aux delta égoutiers
Fosses où décomposent
La morale et la pensée
16.
Je range
Je veux commencer à inscrire des souvenirs
Qui nous sont importants
Un homme était là
Expirant sa missive universelle
De ceux qui étaient pour ceux qui seront
Et par-delà sa chair putréfiant
Le frisson parcourant vibratile l’échine rauque
Face aux survivants paradoxaux des énigmes
Traque
Traque
Renifle
Souviens-toi
Sisyphe en ce temps-là
Etait heureux
En son exil consenti
Grasseyant grinçant
Son alphabet dérisoire
Ses primitifs balbutiements
Résonnantes
Peintures de sang
Jusqu’aux infinis élancements
Flux électriques
Architecturant fumigènes
Le Cosmos
17.
Le crissement d’une flûte égratignant la nacre pastel du début du jour
Eveil déçu bras brassant le vide d’un marin assoiffé d’écume
Ventre en gargouille et crâne en compression
Coincé à l’immobile lupanar amoché des déboutés du port
Sur des paillasses pleines de poux et humides encore
D’étreintes fauvesques dégainées à la pièce
Cervelles vaines avinées d’opiaques millésimes
18.
Nous étions une rude bande de jeunes gens
Fines bouches fauchés et œil glauque chamaillant indélicats
Les frelatées prudes jeunes filles au bordel en campagne
A cent coudées du port un pied toujours clapotant l’océan
19.
A la vigie
Ca ballottait sévère
Plus d’un ainsi se prit à lancer
Vers l’horizon reposant
Son déjeuner
A l’assaut parabolique
Des airs
On ne craignait ni le fouet ni la potence
Juste
Effleurer
Les dorsales immenses
Des grands fauves humains
20.
Fixée
La règle du jeu
De têtard
Nous dormions tard
Nous jouions peu
Un peu
Sans jouissance
A décroisser des placards
A démâter des pneus
A autopsier des cafards
Et il court il court plein d’entrain
Ce buste scabreux aux antennes atterrées
Il fonce
Sur son ridicule
Demi train de pattes
Et éclate
Gluanteur tiédasse
Entre mon pied nu
Et le carrelage froid
21.
Il fulmine
Celui-là à
Tête de taureau
Et corps d’homme
Narines dilatées
Débordantes de vapeurs
Il se prépare menaçant
A charger
Le beuglement furieux
Du poète
Sur l’immensité sableuse
De l’arène de son pauvre cahier
22.
Je suis le corps
Qui dicte la lumière
Je tiens
Le registre des inscriptions
Au livre de la Vie
Benjamin Menasce,
2005
#2
Posted 26 November 2005 - 09:47 AM
#3
Posted 27 November 2005 - 11:03 AM
#4
Posted 27 November 2005 - 09:12 PM
à ce point ?
#5
Posted 27 November 2005 - 10:31 PM
Ne me demande pas pourquoi
je l'ai lu trois fois en deux jours avant d'oser y mettre un mot
#6
Posted 30 November 2005 - 08:40 PM
#7
Posted 30 November 2005 - 08:52 PM
#8
Posted 30 November 2005 - 09:11 PM
De peur qu'on le croit, sérieux
#9
Posted 01 December 2005 - 04:51 PM
sinon, que veux tu dire, victor rugueux ?
#10
Posted 02 December 2005 - 05:28 PM
#11
Posted 02 December 2005 - 05:58 PM
NH
#12
Posted 02 December 2005 - 10:47 PM
Un texte assez Surréaliste , que de son temps André breton n'aurais pas renié , les textes
surréaliste j'aime bien , car de temps à autre j'en fait aussi .
Amitié .
#13
Posted 04 December 2005 - 08:01 PM
#14
Posted 04 December 2005 - 08:17 PM
#15
Posted 04 December 2005 - 10:40 PM
#16
Posted 04 December 2005 - 11:38 PM
#17
Posted 05 December 2005 - 06:21 PM
#18
Posted 05 December 2005 - 06:36 PM
#19
Posted 05 December 2005 - 07:18 PM
je dirais
#20
Posted 05 December 2005 - 08:26 PM
Non
Tu ne te souviens
Alors j'obligerai mes mots
à dire
que
Tout simplement
Je ne savais
En fait je ne sais rien
#21
Posted 06 December 2005 - 12:48 PM
que ne savons nous pas...
#22
Posted 07 December 2005 - 07:24 PM
#23
Posted 08 December 2005 - 08:54 PM
#24
Posted 08 December 2005 - 08:56 PM
Je me le demande.
Le rien devient difficile...
#25
Posted 10 December 2005 - 07:41 PM
#26
Posted 11 December 2005 - 12:03 PM
rien non plus
#27
Posted 04 January 2006 - 11:33 PM
#28
Posted 04 January 2006 - 11:35 PM
#29
Posted 05 January 2006 - 03:25 PM
#30
Posted 13 January 2006 - 07:21 PM
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