TROIS ANGES
Nos hivers battent là, pendant que mourir naît
Partout dedans nos yeux d’enfants qui s’engourdissent
L’ange sur les collines, rabat in extremis
Ce vers comporte 13 syllabes extremis (rime masculine) ne peut rimer avec "engourdissent" (rime féminine) Des grappes tièdes de chair contre nos gués
Ce vers comporte 11 syllabes gués (é fermé) ne peut rimer avec naît (è ouvert) - mais rimerait avec nez (é fermé) Il déplace les pierres de ses vertes lueurs.
ce vers comporte treize syllabes - de plus, "pierreu" à l'hémistiche est à éviter L’autre, aux oreilles éclatées de l’harmonie
la césure est mal placée (l'autre aux oreilles é//clatées de l'harmonie) Promise, cherche des rivages pour que meurent
la césure est mal placée (promise cherche des//rivages pour que meurent) meurent (rime féminine) ne peut rimer avec lueurs (rime masculine) Bientôt l’effroi serré qu’enflent nos démentis
démentis (rime masculine) ne peut rimer avec harmonie (rime féminine) S’avance le dernier, pattes criblées d’épines
Il porte jusque dans l’au-delà, les morceaux
Recousus de nos rêves : épaule clandestine
ce vers comporte 13 syllabes (à cause de la liaison obligatoire : de nos rêves-zépaule clandestine) Singulier unisson d’un instant surhumain
Les anges bâtisseurs saccagent nos tombeaux,
Erigent des espoirs sur nos vides défunts.
Ce tercet ne comporte aucune rime masculine. Les remarques ci-dessus relèvent de la prosodie pure. Chacun est libre de s'asseoir dessus, car la poésie est, à mon avis, d'essence supérieure aux règles de forme.
Toutefois, à mon avis encore, on a toujours intérêt à respecter strictement ces règles dès lors que l'on choisit d'adopter une forme fixe de poème, ou un mètre défini. La longueur d'un alexandrin ne se négocie pas, et les règles de la métrique sont quasi absolues. Il suffit de les connaître et de les appliquer, ce qui implique des sacrifices (par exemple, foutre en l'air un vers qu'on aimait bien, mais qui se refuse absolument à entrer dans le moule des douze syllabes).
A propos de syllabes, il est bon de savoir que le terme de "pied" est considéré par la plupart des grammairiens comme impropre en prosodie française . Ce terme s'applique exclusivement à la poésie classique grecque ou latine, les pieds sont des mesures rythmiques comportant un nombre variable de sons brefs ou courts (ils se nomment, par exemple : le dactyle, l'iambe, la trochée, etc.). Il convient donc de parler de "syllabes" et non de pieds.
Le poème ci-dessus commenté revèle, de la part de l'auteur, une large méconnaissance des règles de la métrique, ainsi que de celles relatives aux rimes (masculines, féminines - disposition : rimes plates, croisées, embrassées).
De même, l'arrangement des rimes dans le poème n'est pas conforme aux règles applicables au sonnet : deux quatrains à rimes embrassées identiques : ABBA ABBA (alors que nous avons ici ABBA - rimes embrassées ok - CDCD - rimes croisées irrégulières, et non identiques à celles du 1er quatrain), puis deux tercets comportant, pour le premier deux rimes plates, pour le second deux rimes croisées : CCD EDE (alors que nous avons ici EFE GFG). De plus, les rimes doivent être alternées (masc/fém, ou fém/masc) ce qui n'est pas le cas pour les deux tercets.
Tout ceci n'empêche pas le poème d'être agréable à lire, et de révéler, chez l'auteur, un vrai sens de la poésie (ou en tout cas, un vrai désir d'accéder à un monde poétique).
Persévérance, donc, et bon courage.
Jakolarime