Ô nids d'aigles qui berceront nos nuits...
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Et nous plongerons dans les nuages...
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Hauts plateaux de Sanaa.
Inti
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Invitation Au Voyage...
22 December 2006 - 02:06 PM
Le Perchoir
19 December 2006 - 08:31 PM
Vint un jour où il ne se souvint plus quand ni comment il était arrivé là. Ni de son âge. Ni de son nom. L’arbre l’appelait par un simple bruissement dans son feuillage. Perdu, l’usage de la parole, perdue, sa langue maternelle. Remplacés petit à petit par le verbe de la Terre, le langage des couleurs, des sons, des bruits et du toucher.
Il fut pris alors du désir de voir son corps. C’était la première fois. Il n’y parvint pas. Rien que de l’écorce, rugueuse, craquelée, odorante, sans âge. Ou plutôt, dans un effort intense de concentration, une image par intermittence, celle d’un corps nu, enfermé dans une chambre insalubre, foetalement couché sur un matelas rongé par les années d’hibernation, posé à même le sol, contre un mur de moisissures.
Mais les questions n’existent pas dans la langue originelle.
Quels sens auraient-elles ?
Il savait son besoin de diriger, mais n’avait pas à le combattre. Son être n’était que pures sensations, souvenirs éternels, un cœur que ses yeux transperçaient d’éclairs, torturé par la finesse de sa peau, mais libéré des serres de la conscience, sorti du labyrinthe cérébral. Il pouvait s’élever à sa guise au dessus du Monde, et le contempler de ses sens aiguisés à l’extrême : il le sentait à travers chaque ramille, chaque feuille, jaune et desséchée ou tendre et verte, et la sève rapportait à son esprit somnolent images, odeurs et mouvements.
Il avait vu des villes émerger, gonfler, se tendre, bouillir, grouiller, dormir puis se réveiller, pour exploser enfin dans une acre odeur de poudre, dans un murmure vibrant d’uranium. Il avait vu des fourmis dévorer des géants, des tours s’écrouler sous des rafales d’avions, des mendiants étrangler des bourgeois hautains et indifférents devant leurs mains suppliantes, le monde terrorisé par quelques oppressés ayant perdu leur foi dans le martyre salvateur. Le soleil avait soulevé mille fois ses brûlantes paupières et les avait emportées au gré de ses rayons étincelants se rafraîchir à l’onde de cascades scintillantes, les larmes de la Lune mourante avaient coulé sur ses joues frissonnantes, la Terre lui avait susurré ses secrets d’un bruissement d’herbe, rugi ses colères dans de titanesques feux d’artifices, pleuré ses souffrances du bleu profond de ses immenses yeux noyés de pétrole.
Il avait goûté le sang sur le poignard des assassins, sur les machettes rwandaises, sur la peau des nouveaux nés ; il avait vu des couples s’enlacer au détour de ses racines, senti les désirs les plus noirs, vécu la terreur la plus mortelle. Les lances du pouvoir lui avaient crevé les artères, et le dégoût avait suinté de ses blessures. Il s’était effacé derrière le bouclier d’écorce.
Il n’était plus que douleur, passion, bonheur, ennui, sagesse. Arbre. Il avait appris ; il allait comprendre. Profonde certitude dans l’attente. Parfait laisser aller dans les moyens, ignorance absolue du comment. Les faits n’avaient plus d’importance, seul comptait le fond de l’Idée, l’impression laissée, l’encre déposée par l’instant sur les pages vierges de la mémoire, timides, fraîches comme l’aube rosée des printemps malaisiens, laissant pourtant pressentir le amok monstrueux, inexorable, la Mousson de pointes effilées prête s’abattre sur leurs poitrines dévoilées.
Une dernière goulée de sève l’arracha à ses méditations tortueuses. L’éther était pur et profond, la Terre plongée dans un silence enivrant, couverte d’un lourd manteau de brume qui le cachait pudiquement à la foule migraineuse des hommes, et le présentait, comme l’on présente un nouveau né à sa mère, aux brillantes pupilles des cieux. Elles semblaient l’accepter un instant dans leur scintillement maternel, puis détourner mélancoliquement le regard, pour disparaître aussitôt, happées par un mystérieux tourbillon aux eaux de jais. La sève engourdissait ses sens, ses paupières craquaient doucement sous le poids de ses cils noueux où naissaient les premiers bourgeons printaniers.
Il laissa l’écorce se refermer langoureusement. Bercé par la bise, il glissai mollement dans les bras voluptueux de la ténébreuse Morphée.
La première aiguille le sortit de sa torpeur matinale. Elle lui avait transpercé la cheville. Un grondement strident vrilla ses tympans feuillus. L’éclair d’une lame giratoire l’aveugla. Sa peau s’ouvrit sous les dents affamées du monstre fumant et la sève s’épancha sur le sol spongieux. Les milles aiguilles remontaient le long de ses veines, la douleur le submergeait telle une marée d’acide. Les images tourbillonnaient devant ses yeux encore embués par la rosée matinale, ses oreilles sifflaient, la terreur cerclait sa gorge. Dans un hurlement de fibres arrachées, le sol tournoya, et les eaux noires l’emportèrent dans leur danse envoûtante.
Son cœur se mit à briller d’une lumière apaisante.
*******
De temps à autres le journal matinal apporte aux foules asservies autre chose que la mort d’un peuple lointain, ou bien que les discours nauséabonds des tyrans au sourire adipeux… Aujourd’hui Newsweek publiait une anecdote comme sortie d’un rêve :
« Des ouvriers de la société de destruction chargée de raser la partie est du Bronx eurent hier matin une étrange surprise. Alors qu’ils inspectaient une tour à moitié effondrée depuis les bombardements contre la guérilla terroriste, ils découvrirent sous un tapis de feuilles, recroquevillé sur un matelas, dans une chambre recouverte par la moisissure, le corps nu de Francis Kirmânn.
F. Kirmânn, ex-PDG de la multinationale Tombclark inc, symbole de la suprématie américaine dans les années 1990, prototype du self-made man, qui avait défrayé maintes fois la chronique internationale par ses discours grinçants, son sarcasme, sa suffisance insolente, puis par sa mystérieuse disparition à la veille du onze septembre.
Le rapport d’autopsie précise quelques détails intrigants ; la mort semble avoir précédé de quelques heures à peine la découverte du corps. Le sang contenait un taux anormalement élevé en certaines substances à effet légèrement hallucinogène, présentes dans la résine de certains arbres tropicaux, disparus pour la plupart lors des grandes déforestations en Amazonie ; et les feuilles qui couvraient son corps provenaient indiscutablement du saule pleureur multi centenaire abattu quelques heures plus tôt sur Central Park. »
Il fut pris alors du désir de voir son corps. C’était la première fois. Il n’y parvint pas. Rien que de l’écorce, rugueuse, craquelée, odorante, sans âge. Ou plutôt, dans un effort intense de concentration, une image par intermittence, celle d’un corps nu, enfermé dans une chambre insalubre, foetalement couché sur un matelas rongé par les années d’hibernation, posé à même le sol, contre un mur de moisissures.
Mais les questions n’existent pas dans la langue originelle.
Quels sens auraient-elles ?
Il savait son besoin de diriger, mais n’avait pas à le combattre. Son être n’était que pures sensations, souvenirs éternels, un cœur que ses yeux transperçaient d’éclairs, torturé par la finesse de sa peau, mais libéré des serres de la conscience, sorti du labyrinthe cérébral. Il pouvait s’élever à sa guise au dessus du Monde, et le contempler de ses sens aiguisés à l’extrême : il le sentait à travers chaque ramille, chaque feuille, jaune et desséchée ou tendre et verte, et la sève rapportait à son esprit somnolent images, odeurs et mouvements.
Il avait vu des villes émerger, gonfler, se tendre, bouillir, grouiller, dormir puis se réveiller, pour exploser enfin dans une acre odeur de poudre, dans un murmure vibrant d’uranium. Il avait vu des fourmis dévorer des géants, des tours s’écrouler sous des rafales d’avions, des mendiants étrangler des bourgeois hautains et indifférents devant leurs mains suppliantes, le monde terrorisé par quelques oppressés ayant perdu leur foi dans le martyre salvateur. Le soleil avait soulevé mille fois ses brûlantes paupières et les avait emportées au gré de ses rayons étincelants se rafraîchir à l’onde de cascades scintillantes, les larmes de la Lune mourante avaient coulé sur ses joues frissonnantes, la Terre lui avait susurré ses secrets d’un bruissement d’herbe, rugi ses colères dans de titanesques feux d’artifices, pleuré ses souffrances du bleu profond de ses immenses yeux noyés de pétrole.
Il avait goûté le sang sur le poignard des assassins, sur les machettes rwandaises, sur la peau des nouveaux nés ; il avait vu des couples s’enlacer au détour de ses racines, senti les désirs les plus noirs, vécu la terreur la plus mortelle. Les lances du pouvoir lui avaient crevé les artères, et le dégoût avait suinté de ses blessures. Il s’était effacé derrière le bouclier d’écorce.
Il n’était plus que douleur, passion, bonheur, ennui, sagesse. Arbre. Il avait appris ; il allait comprendre. Profonde certitude dans l’attente. Parfait laisser aller dans les moyens, ignorance absolue du comment. Les faits n’avaient plus d’importance, seul comptait le fond de l’Idée, l’impression laissée, l’encre déposée par l’instant sur les pages vierges de la mémoire, timides, fraîches comme l’aube rosée des printemps malaisiens, laissant pourtant pressentir le amok monstrueux, inexorable, la Mousson de pointes effilées prête s’abattre sur leurs poitrines dévoilées.
Une dernière goulée de sève l’arracha à ses méditations tortueuses. L’éther était pur et profond, la Terre plongée dans un silence enivrant, couverte d’un lourd manteau de brume qui le cachait pudiquement à la foule migraineuse des hommes, et le présentait, comme l’on présente un nouveau né à sa mère, aux brillantes pupilles des cieux. Elles semblaient l’accepter un instant dans leur scintillement maternel, puis détourner mélancoliquement le regard, pour disparaître aussitôt, happées par un mystérieux tourbillon aux eaux de jais. La sève engourdissait ses sens, ses paupières craquaient doucement sous le poids de ses cils noueux où naissaient les premiers bourgeons printaniers.
Il laissa l’écorce se refermer langoureusement. Bercé par la bise, il glissai mollement dans les bras voluptueux de la ténébreuse Morphée.
La première aiguille le sortit de sa torpeur matinale. Elle lui avait transpercé la cheville. Un grondement strident vrilla ses tympans feuillus. L’éclair d’une lame giratoire l’aveugla. Sa peau s’ouvrit sous les dents affamées du monstre fumant et la sève s’épancha sur le sol spongieux. Les milles aiguilles remontaient le long de ses veines, la douleur le submergeait telle une marée d’acide. Les images tourbillonnaient devant ses yeux encore embués par la rosée matinale, ses oreilles sifflaient, la terreur cerclait sa gorge. Dans un hurlement de fibres arrachées, le sol tournoya, et les eaux noires l’emportèrent dans leur danse envoûtante.
Son cœur se mit à briller d’une lumière apaisante.
*******
De temps à autres le journal matinal apporte aux foules asservies autre chose que la mort d’un peuple lointain, ou bien que les discours nauséabonds des tyrans au sourire adipeux… Aujourd’hui Newsweek publiait une anecdote comme sortie d’un rêve :
« Des ouvriers de la société de destruction chargée de raser la partie est du Bronx eurent hier matin une étrange surprise. Alors qu’ils inspectaient une tour à moitié effondrée depuis les bombardements contre la guérilla terroriste, ils découvrirent sous un tapis de feuilles, recroquevillé sur un matelas, dans une chambre recouverte par la moisissure, le corps nu de Francis Kirmânn.
F. Kirmânn, ex-PDG de la multinationale Tombclark inc, symbole de la suprématie américaine dans les années 1990, prototype du self-made man, qui avait défrayé maintes fois la chronique internationale par ses discours grinçants, son sarcasme, sa suffisance insolente, puis par sa mystérieuse disparition à la veille du onze septembre.
Le rapport d’autopsie précise quelques détails intrigants ; la mort semble avoir précédé de quelques heures à peine la découverte du corps. Le sang contenait un taux anormalement élevé en certaines substances à effet légèrement hallucinogène, présentes dans la résine de certains arbres tropicaux, disparus pour la plupart lors des grandes déforestations en Amazonie ; et les feuilles qui couvraient son corps provenaient indiscutablement du saule pleureur multi centenaire abattu quelques heures plus tôt sur Central Park. »
La Fissure
11 December 2006 - 07:23 PM
Une ruelle telle que l’on n’en voie que dans les villages andins les plus reculés, à l’instant où le soleil au zénith a ses aiguilles profondément plantées dans les bras dorés des hommes, y injectant à flots sa brûlante morphine. Les geckos ruissellent le long des murs, et les maisons, les kioskos, les tiendas semblent transpirer le peu de vie épargné par le brasero incandescent.
Mon corps moite marche de lui-même, automate emballé, dont les fils ont fondu. Je me force à reprendre son contrôle. Mon esprit semble émerger d’un profond coma, et se raccroche avec peine à mes muscles, excitant au hasard mes neurones englués.
Une sensation m’emplit, déborde et me noie... Une présence envoûtante, un ouragan qui me suit, à pas de loup. Regard circulaire. Mes membres se vrillent, mon cou se tord, ma chair se met en orbite, mes yeux s’exorbitent. Je suis seul. Pas même mon ombre pour m’accompagner. Passons… Je me laisse guider par le néant, laissant derrière moi, une par une, les façades immaculées, faciès insolemment durs et indifférents. Le glas des gouttes qui tombent de mon front pour s’évanouir dans la poussière rouge et brûlante, résonne dans mon crâne. Songer au Petit Poucet.
L’air cotonneux m’aspire et me refoule, mes semelles de plomb foulent les fonds d’un océan cristallin. Je distingue à présent nettement le paysage qui me berce de son ampleur étouffante. Le pueblo étincelant s’est subitement éloigné, la ruelle s’est effacée dans un haut plateau sablonneux surplombé de deux collines diaphanes, sensuelles. La chaleur brouille la ligne d’horizon, me confinant dans l’immensité aride. Une pente douce guide mes pas puis mes foulées, alors que la pente s’accentue. A moins que le reflux ne m’emporte. Non, il ne s’agit que d’un caprice de la gravité, ou de la Terre qui s’essaie à la valse.
Je m’agrippe à la paroi. L’ocre me rougit les doigts. Le vertige s’empare de moi, et mes doigts tremblants tâtonnent, cherchent les interstices, glissent, trouvent enfin une lézarde, puis fondent et se fondent à la glaise humide et tiède qu’est devenu le roc poli.
Soudain, la prise se dérobe, et le gouffre s’ouvre, gueule béante et humide, emplie de ténèbres.
Un choc molletonneux m’ouvre brutalement les yeux. Une main m’effleure, irréelle. Une main accrochée à un bras, que je ne connais plus. Sous une cascade capillaire, deux océans me fixent intensément, me dévisagent avec passion. Les yeux d’une femme.
Ma femme...
La lumière de l’ampoule nue est tamisée par de chaudes volutes ; transpiration, mêlée de fumée. Une odeur acre et exotique s’échappe du cendrier en bois de quebracho. Ma main gauche est encore affalée, tremblante, sur la cuisse humide de ma femme, se gardant doucement de glisser dans l’ombre enivrante.
L’amour brûle encore.
Mon corps moite marche de lui-même, automate emballé, dont les fils ont fondu. Je me force à reprendre son contrôle. Mon esprit semble émerger d’un profond coma, et se raccroche avec peine à mes muscles, excitant au hasard mes neurones englués.
Une sensation m’emplit, déborde et me noie... Une présence envoûtante, un ouragan qui me suit, à pas de loup. Regard circulaire. Mes membres se vrillent, mon cou se tord, ma chair se met en orbite, mes yeux s’exorbitent. Je suis seul. Pas même mon ombre pour m’accompagner. Passons… Je me laisse guider par le néant, laissant derrière moi, une par une, les façades immaculées, faciès insolemment durs et indifférents. Le glas des gouttes qui tombent de mon front pour s’évanouir dans la poussière rouge et brûlante, résonne dans mon crâne. Songer au Petit Poucet.
L’air cotonneux m’aspire et me refoule, mes semelles de plomb foulent les fonds d’un océan cristallin. Je distingue à présent nettement le paysage qui me berce de son ampleur étouffante. Le pueblo étincelant s’est subitement éloigné, la ruelle s’est effacée dans un haut plateau sablonneux surplombé de deux collines diaphanes, sensuelles. La chaleur brouille la ligne d’horizon, me confinant dans l’immensité aride. Une pente douce guide mes pas puis mes foulées, alors que la pente s’accentue. A moins que le reflux ne m’emporte. Non, il ne s’agit que d’un caprice de la gravité, ou de la Terre qui s’essaie à la valse.
Je m’agrippe à la paroi. L’ocre me rougit les doigts. Le vertige s’empare de moi, et mes doigts tremblants tâtonnent, cherchent les interstices, glissent, trouvent enfin une lézarde, puis fondent et se fondent à la glaise humide et tiède qu’est devenu le roc poli.
Soudain, la prise se dérobe, et le gouffre s’ouvre, gueule béante et humide, emplie de ténèbres.
Un choc molletonneux m’ouvre brutalement les yeux. Une main m’effleure, irréelle. Une main accrochée à un bras, que je ne connais plus. Sous une cascade capillaire, deux océans me fixent intensément, me dévisagent avec passion. Les yeux d’une femme.
Ma femme...
La lumière de l’ampoule nue est tamisée par de chaudes volutes ; transpiration, mêlée de fumée. Une odeur acre et exotique s’échappe du cendrier en bois de quebracho. Ma main gauche est encore affalée, tremblante, sur la cuisse humide de ma femme, se gardant doucement de glisser dans l’ombre enivrante.
L’amour brûle encore.
Soleil Rouge Sur Tas De Cendres
11 December 2006 - 09:47 AM
La soirée était déjà mure lorsque ma sieste se dissipa. J’avais dormi d’un sommeil sans rêves. Je me sentais comme une momie antique que des pilleurs auraient arrachée à son tombeau immuable. Les bandelettes s’arrachèrent les unes après les autres. Une sourde douleur envahissait mon corps. Mon immobilité devenait insupportable. Mes membres grésillaient.
Je me levai d’un bond. L’instinct gouvernait mes mouvements. Un pantalon m’enfila les jambes, et mon buste se retrouva moulé dans un pull-over qui avait mystérieusement sauté du sol vers mes épaules. Mes pieds entreprirent une cadence saccadée. J’ouvrai la porte dans un laps momentané de raison, avant que mon crâne ne bute.
Les néons du couloir m’éblouirent ; je retrouvai le chemin vers mon cerveau. Où aller ? Pourquoi m’étais-je endormi ? L’escalier m’attirait. Je couru vers les marches, et les avalai d’un trait. Cul sec ! L’ironie estudiantine revenait. Rassuré, je crachai un poumon par-dessus la rambarde. Puta droga !
Mais déjà un doux fumet taquinait mes narines subitement frénétiques. Le couloir hopitalier était brouillardeux. Je marchais. Non, je sautillais vers la porte du clapier caverneux qui semblait incendié. La chambre de mon binôme.
La lumière était trouble. Atom Heart Mother. Certainement en boucle depuis quelques heures, vu l’état de la chambre. Atomisée, c’était le terme exact. Je mis quelques temps à découvrir François et Jérôme, affalés sur le lit. Dans d’autres conditions, la position eut été tendancieuse. Mais le cendrier la justifiait. Je les laissai à leurs voyages, et me mit à l’œuvre, assis sur un ampli.
Trouver les feuilles… Dans une main qui dépassait du lit. A qui appartenait-elle ? Qu’importe. Le zippo resta allumé quelques minutes, le Maroc s’émiettait et coulait à flots dans ma main, pour se mélanger à cette substance nuisible aux spermatozoïdes, bien que nécessaire à ma survie. Un cône interminable prit doucement forme entre mes doigts, pendant que, fixant le vide, ou plutôt le cendrier, qui n’était pas exactement vide, je tentais de me remémorer l’enchaînement fatidique qui m’avait laissé sonné sur mon lit, sans doute vers quatorze heures, étant donné que mon portable affichait dix heures de communication vers mon répondeur à mon réveil. Un cours de mécanique quantique. C’était sûrement çà…
Une flamme. Le papier brûlant comme une robe de tulle. J’allumai le joint. Une bouffée épaisse me provoqua un léger mouvement de recul. Je m’étirai.
Le calme m’envahissait ; mes oreilles s’ouvraient aux sons qui semblaient venir d’ailleurs, bien que rigoureusement produits par la vibration des membranes des enceintes. Etrange. Une autre bouffée. Il est chargé, t’as encore fait le con. Mon Dieu, faites que je survive ! Cette prière, c’est sans doute la seule que je connaissais encore…
Suivit un va et vient de fumée, une marée grise et voluptueuse qui m’échouait et me noyait chaque fois un peu plus loin.
Un spasme, loufoque autant qu’inattendu, m’obligea à poser le joint sur le cendrier. Un soleil rouge sur un tas de cendres. Mes sens avaient pris le dessus. L’ascension des cuivres entraîna mon corps au dessus de son siège improvisé. Dressées sur le Fender, mes jambes se mirent à onduler, puis à tournoyer, tandis que mon torse se tordait érotiquement, suivant les volutes qui s’échappaient du sol. Le soleil était tombé sur le carrelage. Mes mains s’élevaient, mystiques, vers le plafond, dans des pas de bourrée, puis de tango effréné.
La danse dura jusqu’à l’apparition de taches noires sur le mur. La lumière s’éteignit comme la foudre.
Je traversai l’espace intergalactique, évitant de justesse les étoiles qui déviaient sournoisement ; « l’orchestre entamait une montée discordante », et les baffes apparurent progressivement.
Silence obsédant, ou bourdonnement ?
Merci Dieu ! Non, mon binôme. Déception, qu’importe. Je sentais la sueur froide sur mes tempes, puis coulant le long de mes cernes, qui se creusaient à vue d’œil.
Miroir ; Oh tueur de rêves !
Je me levai d’un bond. L’instinct gouvernait mes mouvements. Un pantalon m’enfila les jambes, et mon buste se retrouva moulé dans un pull-over qui avait mystérieusement sauté du sol vers mes épaules. Mes pieds entreprirent une cadence saccadée. J’ouvrai la porte dans un laps momentané de raison, avant que mon crâne ne bute.
Les néons du couloir m’éblouirent ; je retrouvai le chemin vers mon cerveau. Où aller ? Pourquoi m’étais-je endormi ? L’escalier m’attirait. Je couru vers les marches, et les avalai d’un trait. Cul sec ! L’ironie estudiantine revenait. Rassuré, je crachai un poumon par-dessus la rambarde. Puta droga !
Mais déjà un doux fumet taquinait mes narines subitement frénétiques. Le couloir hopitalier était brouillardeux. Je marchais. Non, je sautillais vers la porte du clapier caverneux qui semblait incendié. La chambre de mon binôme.
La lumière était trouble. Atom Heart Mother. Certainement en boucle depuis quelques heures, vu l’état de la chambre. Atomisée, c’était le terme exact. Je mis quelques temps à découvrir François et Jérôme, affalés sur le lit. Dans d’autres conditions, la position eut été tendancieuse. Mais le cendrier la justifiait. Je les laissai à leurs voyages, et me mit à l’œuvre, assis sur un ampli.
Trouver les feuilles… Dans une main qui dépassait du lit. A qui appartenait-elle ? Qu’importe. Le zippo resta allumé quelques minutes, le Maroc s’émiettait et coulait à flots dans ma main, pour se mélanger à cette substance nuisible aux spermatozoïdes, bien que nécessaire à ma survie. Un cône interminable prit doucement forme entre mes doigts, pendant que, fixant le vide, ou plutôt le cendrier, qui n’était pas exactement vide, je tentais de me remémorer l’enchaînement fatidique qui m’avait laissé sonné sur mon lit, sans doute vers quatorze heures, étant donné que mon portable affichait dix heures de communication vers mon répondeur à mon réveil. Un cours de mécanique quantique. C’était sûrement çà…
Une flamme. Le papier brûlant comme une robe de tulle. J’allumai le joint. Une bouffée épaisse me provoqua un léger mouvement de recul. Je m’étirai.
Le calme m’envahissait ; mes oreilles s’ouvraient aux sons qui semblaient venir d’ailleurs, bien que rigoureusement produits par la vibration des membranes des enceintes. Etrange. Une autre bouffée. Il est chargé, t’as encore fait le con. Mon Dieu, faites que je survive ! Cette prière, c’est sans doute la seule que je connaissais encore…
Suivit un va et vient de fumée, une marée grise et voluptueuse qui m’échouait et me noyait chaque fois un peu plus loin.
Un spasme, loufoque autant qu’inattendu, m’obligea à poser le joint sur le cendrier. Un soleil rouge sur un tas de cendres. Mes sens avaient pris le dessus. L’ascension des cuivres entraîna mon corps au dessus de son siège improvisé. Dressées sur le Fender, mes jambes se mirent à onduler, puis à tournoyer, tandis que mon torse se tordait érotiquement, suivant les volutes qui s’échappaient du sol. Le soleil était tombé sur le carrelage. Mes mains s’élevaient, mystiques, vers le plafond, dans des pas de bourrée, puis de tango effréné.
La danse dura jusqu’à l’apparition de taches noires sur le mur. La lumière s’éteignit comme la foudre.
Je traversai l’espace intergalactique, évitant de justesse les étoiles qui déviaient sournoisement ; « l’orchestre entamait une montée discordante », et les baffes apparurent progressivement.
Silence obsédant, ou bourdonnement ?
Merci Dieu ! Non, mon binôme. Déception, qu’importe. Je sentais la sueur froide sur mes tempes, puis coulant le long de mes cernes, qui se creusaient à vue d’œil.
Miroir ; Oh tueur de rêves !
Les Dernières Gouttes D'encre
08 December 2006 - 07:20 PM
Aux longs pleurs de cristal
Qui vibrent aux brises du soir
D’un chant triste et clair
Aux puissants alcools verts
Qui s’écoulent dans un râle
Entre des pavés sales
Lune, mère au sourire pâle
Qui noue de lents fils d’argent
Aux cheveux au fil des ans
Aux molles gouttes de sang
Qui se figent en coulées aphasiques
Lorsque s’éteint la Musique
~~~~
Aux eaux narcotiques
Qui tremblent en silence
A la caresse des vacances
Aux rires de l’enfance
Qui sonnent, cloches fêlées
Des mémoires harassées
Aux lèvres embrassées
Les nuits ivres de Bacchantes
A leur goût qui fermente
A la braise envoûtante
Qui irradie la main du poète
Au point d’une rime muette
~~~~
Aux terribles amulettes
Qui pendent au cou des guerriers
D’un peuple sacrifié
Aux mélodies oubliées
Qui emplissent parfois l’air
De si étranges éclairs
A tous nos frères
Sur ce navire qui dessale
D’avoir trop gonflé ses voiles
A Toi, sombre Etoile,
Qui arrache à la plume,
Les dernières gouttes d’encre
Qui vibrent aux brises du soir
D’un chant triste et clair
Aux puissants alcools verts
Qui s’écoulent dans un râle
Entre des pavés sales
Lune, mère au sourire pâle
Qui noue de lents fils d’argent
Aux cheveux au fil des ans
Aux molles gouttes de sang
Qui se figent en coulées aphasiques
Lorsque s’éteint la Musique
~~~~
Aux eaux narcotiques
Qui tremblent en silence
A la caresse des vacances
Aux rires de l’enfance
Qui sonnent, cloches fêlées
Des mémoires harassées
Aux lèvres embrassées
Les nuits ivres de Bacchantes
A leur goût qui fermente
A la braise envoûtante
Qui irradie la main du poète
Au point d’une rime muette
~~~~
Aux terribles amulettes
Qui pendent au cou des guerriers
D’un peuple sacrifié
Aux mélodies oubliées
Qui emplissent parfois l’air
De si étranges éclairs
A tous nos frères
Sur ce navire qui dessale
D’avoir trop gonflé ses voiles
A Toi, sombre Etoile,
Qui arrache à la plume,
Les dernières gouttes d’encre
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