Dans l'état de Bahia, je louais une case à Trancoso, un petit village de pêcheurs situé sur la latitude dix-sept degrés sud, non loin du lieu sacré où le marin portugais Pedro Alvares Cabral retrouva la terre ferme, un peu par hasard par un matin d'avril…
Je gagnais ma vie en exerçant sans le moindre scrupule le singulier métier d'astrologue. J'avais une clientèle composés de natifs et d'étrangers. Seuls, les gringos payaient leurs consultations en dollar. Les indigènes m'offraient en retour, poissons gras ou fruits juteux...
Lorsque le gringo m'était plutôt sympathique, je le conviais à la maison le lendemain. Nous discutions en anglais tout en sirotant une caïpirinha dans le petit jardin au sein duquel s'épanouissaient citronniers et autres bananiers. Parmi les hibiscus, les colibris papillonnaient en butinant le nectar des corolles vermeilles. De gros lézards séchaient au soleil. Un après-midi, un cobra jaune traversa même le jardinet, provocant une peur panique à mon hôte allemand qui manqua presque de s'évanouir. J'eus toutes les peines du monde à le calmer, moi qui savais que ce serpent est utile et inoffensif pour l'homme puisqu'il détruit les autres reptiles venimeux ! J'ai préparé une salade, un riz pilaf et j'ai grillé une belle dorade. La jolie métisse est allée nous chercher des bières glacées au bar du coin. L'Allemand était ravi. Il avait oublié sa grosse frayeur et riait aux éclats ; Telle une grosse crevette cuite, il était rouge de coups de soleil mais insistait avec entêtement pour rester sous l'astre divin quand nous décidâmes des places autour de la table en acajou. Vivre trois semaines sous les tropiques constituait un véritable privilège bien trop éphémère à son goût; le fait d'être sur une plage, dévoré par le soleil, devant un rafraîchissant cocktail de lime et au beau milieu de séduisantes natives se déhanchant avec frénésie, au son d'un joyeux orchestre de samba reggae, était l'authentique incarnation du jardin d'éden pour une majorité de touristes! ...
Voila comment, je séduisais mes amis de passage pour leur louer une chambre pour quelques nuits. C'était de bonne guerre et cela mettaient un peu de beurre dans les épinards! La seule règle à respecter pour continuer à nourrir cette frivole amitié était d'ignorer subtilement les charmes de la métisse qui s'évertuait à vouloir m'ensorceler du même coup...