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C’est pour bientôt
C’est pour bientôt

Je prendrai un sac à dos bleu
Non pas mon gros sac noir
Non il ne faut pas s’encombrer

Je prendrai Paul Eluard sur mes épaules
Pour l’amour des paupières
Je prendrai Antonin Artaud
Pour les angoisses et les tripes cervicales
Je prendrai Arthur Rimbaud
Pour les chemins et les crachats
Je prendrai Blaise Cendrars dans la poche
Pour les trains à vapeur perdus
Je prendrai aussi Tristan Tzara
Pour détacher les mots les vérités
Je prendrai Crime et Châtiment
Pour la fièvre maladive et la Russie
Et je prendrai Romain Gary
Pour l’espoir tout simplement

Dans ma tête j’aurais Lou Reed
Et des ballades
Et des guitares
Charles Aznavour me chantera
Directement dans le cœur
Et d’autres milliers de voix
Se chargeront de mon sexe

- Chaque pont
Je l’écroulerai
Sans voir autre chose
Que la mer des villes -

Je boirais souvent
Pour m’habituer
Je goûterai vodka rhum whisky
J’avalerai des 1664
- Ô non monsieur l’épicier arabe -
Ne me regardez pas prendre ce couteau
Ne me regardez pas
Je décapsule ma vie
Passez moi juste l’addition et le pack
Laissez moi juste boire les nerfs de la nuit



J’aurai laissé une lettre poétique
Adressée à papa maman petit frère
(Tout bat trop fort si seulement le volume de la vie était un peu moins fort je demande juste un décibel de moins je vous en prie et alors je ne m’en irai pas je ne fuguerai pas je ne ferai de mal à personne que j’aime et je n’écrirai plus promis je serai normal j’irai acheter les journaux pour voir des génocides et de la vie furieuse qui disparaît je verrai à la télé de l’humanité qui ne respire plus qui se déteste je verrai la distance l’emporter le nombre l’emporter je sentirai chaque débris d’intolérance en plus sur mes joues quand je me lève mais où est le facteur où est le facteur où est le facteur il a disparu je me suis réveillé pourquoi n’y a t-il plus personne pourquoi j’ai encore votre sang à tous qui crie famine dans mes tympans pourquoi je dois porter sur le dos la tendresse qui rétrécit comme un rein malade.)
Je leur aurai jeté toute l’envie furieuse
De m’échapper aux vents
Par la poste

Je n’étudierai plus à la faculté
Les mathématiques ni l’informatique
Je vivrai de petits métiers
Ici et là
Vers le seul Sud


…


Et je m’allongerai un matin
Jetant dans les eaux
Quelques mots bien simples

[Carla.]

S'il reste une place dans ton sac à dos, je t'accompagne, pour l'amour des paupières et des mots simples, quelques gorgées de vrai sud et ces trains à vapeur qui se perdent ...

[Artemisia]

ouah.

he bé.

Bien.

Là il faut que je me ressaisisse.

Touchée dans les tripes.

j'ai failli m'envoler

Ce qui m'a retenu ?

Je suis la maman, celle qui a rangé l'autre sac à dos
dans l'armoire
pour qu'il ne traine pas dans la poussière de l'entrée.

Je suis la maman qui fait signe derrière la fenêtre, en souriant
en pleurant à la fois

Je suis la maman qui offre son fils à la Vie...
Bon voyage, sois prudent, donne des nouvelles, je t'aime...

Artemisia

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ce ne sont que des paroles, encore...