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[ALTAR]

PASSAGE EN REVUE.


Je m’étais récemment fait licencié de mon boulot minable. En fait, je n’étais pas le seul à m’être fait virer de cette entreprise. La boîte avait en effet embauché un jeune coréen qui remplaçait moi et quatre de mes collègues. Il travaillait 80 heures par semaine, dormait dans les bureaux même et n’était pas payé puisque considéré comme stagiaire. Pour cela, Raffarin avait accordé à la direction une subvention, une déduction de taxes et sa bénédiction…
Bref, j’avais beaucoup de temps à perdre, et beaucoup de choses à ne pas pouvoir faire. Et c’est donc à ce moment que Thierry Savatte m’encouragea à reprendre mes activités de poète et me recommanda de tenter ma chance chez les revues poétiques. Savatte lui-même, était directeur d’une de ces revues, intitulée « La Revue qu’est rien qu’à Savatte ». Il y avait des centaines de millier de revues. De celle fait à la va vite à l’aide d’une simple photocopieuse à celle en papier glacé, illustrée et accompagnée de noms prestigieux appartenant à « l’Académie du Cercle des Amis du Club et de leurs Copains ». Mais toutes ces revues avaient un point en commun : aucune n’était disponible en librairie. Elles circulaient par la poste, fonctionnaient grâce aux abonnements des lecteurs, lectorat qui lui-même était composé uniquement par des aspirants poètes et des directeurs de revues. Plus underground que ça, tu meurs. Le paradis de Kurt Cobain pour plonger dans l’anonymat… et y rester.
Je m’étais donc mis à envoyer des lettres, des poèmes, des demandes de renseignements ou de conseils. J’avais écrits à environ 256 revues et, je reçu quatre réponses. La première fut : « je n’ais pas de temps à perdre avec vos poèmes, j’ai déjà assez de mal avec les miens ! d’ailleurs, je vous envoie le bon de commande de mon dernier recueil… »
La deuxième me remonta un peu plus le moral : elle accepta de publier un de mes poèmes ! Mais, il s’avéra que la revue se résumait à une feuille froissée, photocopiée recto-verso, bourrée de fautes d’orthographe et distribuée à cinq exemplaires…
La troisième me désarçonna. Cela donnait à peu prés : « ne nous ennuyez plus avec vos textes stupides ! nous, à la rédaction de « La Revue de la Vraie Poésie qu’est la plus Merveilleuse », nous connaissons la vérité, et vous n’êtes pas poète, nous le savons, nous sommes les seuls vrais poètes ! »
Le directeur de la quatrième revue, « Le Ferme-Boîte », me donnait rendez-vous dans un bled paumé.
J’avais donc décidé de me rendre à ce rendez-vous, chez Monsieur François Fourniquer. A la gare, j’assistai à un rassemblement de défenseurs de la morale qui manifestaient contre le monstrueux personnage de Shreck. En effet, quelques temps auparavant, un gamin avait assassiné ses parents tout en regardant ce dessin animé. Certaines personnes avaient donc découvert qu’en passant le film « Shreck » à l’envers, on y entendait un message satanico-islamo-communiste et, que c’était la seule et unique raison de ce fait divers…
Après trois heures de train, j’arrivai chez Monsieur François Fourniquer qui me reçu dans son bureau. Je lui donnai les quelques poèmes que j’avais apporté. Il les posa sur son bureau sans y jeter un coup d’œil. Puis, il me dit :
- Vous avez un chéquier sur vous ? Parce que vous n’êtes pas sans savoir que nous ne publions que nos adhérents et que l’abonnement est de 50 euros !…
- Heu… oui… je sortis un chèque et, à peine ais-je eu le temps de le signer qu’il me l’arracha des mains et le contempla avec une sorte de jouissance. Un silence s’installa et, pour le briser, je lançai :
- J’aime beaucoup Baudelaire…
- Oui, c’est très bien ça. Quelques fois, avec nos adhérents, nous organisons des soirées, l’entrée est à 10 euros.
- Heu… vous savez, les réunions, c’est pas trop mon truc, répondais-je en rougissant. Le silence de nouveau repris sa place. Et je relançai :
- Récemment j’ai découvert Buckowski…
- Oui, c’est très bien ça. Ecoutez, j’ai à faire. On reparlera de ça une prochaine fois.
En sortant de son appartement, je ressentis comme des scrupules d’avoir dû débourser 50 euros, vu qu’à ce moment je n’avais aucune source de revenue (l’ASSEDIC menaçait de fermer mon dossier d’inscription si je ne leur fournissais pas le ticket de métro avec lequel je m’étais rendu à une mission d’intérim d’une journée, il y a quatre ans…).
Sur le chemin du retour, je recroisai les manifestants de l’ordre moral et, je me mis à penser au procès de Damal. Damal était un jeune poète qui, plus par provocation et par jeu, avait écrit des poèmes sur le monde de la poésie. Quelqu’un, choqué par sa violence verbale avait porté plainte contre lui, comme tout bon poète-citoyen collaborateur se devait de faire. Et le verdict fut sans appel : « monsieur Damal, pour avoir écrit des poèmes, nous vous condamnons à de la prison où vous apprendrez ce qu’est la vraie violence et d’où vous en sortirez encore plus violent ! »
En recevant mon premier numéro de « Le Ferme-Boîte », je fus très excité. Malheureusement, je n’étais pas publié dedans. J’écrivis donc une lettre à Fourniquer pour lui demander si je serai dans le prochain. Dans le suivant, trois mois plus tard, il y avait deux vers de moi. Après cela, je ne reçu plus jamais de nouvelles de la revue « Le Ferme-Boîte »…
Pendant un moment, au compte-gouttes, je reçu encore quelques réponses de revue dans le genre :
- « désolé, cher ami, nous ne publions que des textes écrits par des poètes blonds ayant un grain de beauté à la cheville droite ; ci-joint l’adresse où envoyer des dons pour notre association… »
- « nous espérons pouvoir vous publier dans le numéro de juillet 2153, nous vous tiendrons au courant. »
- « vous n’êtes pas digne d’être publié dans notre revue, « Poussière, le journal des vieux de la vieille », en effet, il est reconnu que les poètes de moins de 85 ans sont de mauvais poètes, abonnez-vous à notre journal et vous découvrirez ce qu’est le vrai talent… »
Au final, sur les 3223 revues que j’avais contacté, je reçu quinze réponses. Je décidais donc d’arrêter de dépenser de l’argent et du temps à cette activité. Je téléphonai alors à Thierry Savatte pour le remercier de ses conseils mais aussi, pour l’avertir que j’abandonnais la voie des revues.
- Alors tu ne t’abonneras jamais à la mienne, me demanda-t-il à l’autre bout du fil ?
- Bin… non…
- Achète au moins mon dernier recueil !
- Je voudrais bien, mais j’ai toujours pas retrouvé de boulot et, je n’ai rien mangé depuis plus d’une journée…
- Tu n’es vraiment qu’un ingrat, un égoïste ! et il me raccrocha au nez…
Depuis, je n’ai plus eus de nouvelle de mon cher et tendre ami…
Je pense souvent au monde de la poésie. La dernière fois, après avoir passé un entretien d’embauche, pour un poste de technicien de surface, où j’avais été refusé car je n’avais pas dix ans d’expérience ni un DEUG de mathématiques de l’espace et de physique quantique, j’eus une envie dépressive d’envoyer des poèmes. Mais, à quoi bon ? Pour avoir accès au statut de poète, il faut d’abord avoir une bourse pleine…

Bon je l'ai parcouru a une heure plus que tardive et après d'apres discussions toutes les plus sancées les unes que les autres sur l'avenir de notre jeunesse et ses pensées bucoliques...
enfin bref la premiere lecture m'a beaucoup plu...
Op en haut de page...
Je reviendrais y faire une halte demain
Amitié
Xavier

Moi aussi, j'ai beaucoup aimé, excellent !!

[ALTAR]

wouah... au moins deux qui ont lu en entier! merci. Je tiens a préciser que je ne critique pas toutes les revues de poésie. Il y a de trés belles revues et des gens qui font beaucoup pour ceux qui écrivent de la poésie... (même une certainne personne qui se reconnaitra dans cette nouvelle...) Cependant, leur dévouement et leur tache ingrate est mise à mal par d'autre personnes assez... disons louches... illogiques... de mauvaise foi... bon, aller encore merci à vous deux!...

[Mouet]

J'ai tout lu . . . ça fera 25 Euros pour la lecture . . .

25 autres pour le commentaire . . .

Plus que 25 Euros et je te fais même entrer dans mon anthologie . . .

Pour être publié et vendu, c'est la bourse ou la vie . . .

Mais pas pour être lu ici . . .

Cordialement,

Jean-Michel .

PS : J'ai bien reçu tes 100 Euros, mais ne sais pas te rendre la monnaie . . . il reste aussi la solution allongée . . . mais il y est aussi question de bourses . . . il faut (parfois-souvent) coucher pour réussir soit dans un lit soit au cercueil . . . ainsi naissent certains recueils . . .

Re PS, une noble très riche à un jour loué toute une salle d'opéra (plus les services d'un pianiste, pour assasssiner Mozart, applaudie par ses invités qui n'ont bien sur rien du débourser pour ce massacre au champagne et caviard . . .

100euros? ben chez moi c'est 110 euros mais la couverture est dorée & tu reçois un certificat "mr altar c'est lui aussi fait niquer dans ma revue d'intello de la rime"
a toi de voir, vien donc faire une halte (ar)...lol

[ALTAR]

Heu ok, vous pourriez pas me faire credit pour cette fois?

[heloise]

J'ai lu mon ange et j'ai beaucoup aimé. Bien écrit et très amusant.
Alors hop, en première ligne.
Bises pour toi

[Mary14]

Avec toi on est toujours sûr d'avoir du bon à déguster ! encore bien servi ... il en un beau talent notre jeune poète ! bisous mon Nico à bientôt

[Quercus]

Salut Altar,

Ah... quel régal ton texte ! Pour une nouvelle c'est une nouvelle !
Ça fait un bien fou de lire de la prose bien écrite... de la vraie : avec un début, un milieu et une fin :wink:

Amitiés

Quercus

PS : Je prends 50 € pour la correcton orthographique... Je sais c'est pas donné, mais si tu veux avoir une réponse rapide, il me faut acheter la dernière Freebox à 4048Bp/sec... lol

bravo et si juste... j'ai beaucoup aimé.

[ALTAR]

Et bin... Merci! avec tout ça, j'vais prendre la grosse tete! surtout que ça fait pas tres longtemps que j'écris des nouvelles...
coucou Mary, content de te recroiser par ici... bisous à toi aussi.