13 replies to this topic

[Vasavoirsi]

Monsieur Stanislas aime le piano. Il adore en jouer pendant les pauses. Avant de reprendre ses cours de musique qu’aucun élèves n’écoutent. Ils n’entendent rien. A part ces musiques tonitruantes aux accords dissonants. La musique de nos jours est d’une pauvreté affligeante. Des paroles sans aucun sens. Des notes dans tous les sens. Des voix qui n’appartiennent pas à la personne qui chante. Le génie ne sortira jamais d’un mannequin de cire. La beauté est dans les choses simples.
Ce matin, Monsieur Stanislas est triste. Il a perdu un être cher. Son meilleur ami. Il est mort d’un long cancer. Un cancer du poumon. Il sait bien que c’est mieux ainsi. Qu’enfin il ne souffrira plus. Mais c’est difficile l’absence.
Tous les soirs, depuis une semaine, il allait le veiller à l’hôpital. Il passait de longues heures auprès de lui, juste pour lui donner un peu de présence. Il ne disait rien. Il n’a jamais su trouver les bons mots. Il s’embrouillait toujours. Même hier, il n’a pas su quoi dire à la femme de son ami. Parfois, il y a encore moins de mots pour expliquer. C’est le silence qui hurle à votre place.
A chacune de ces visites, il restait juste là sur le fauteuil en cuir à le regarder respirer. Il respirait mal mais il respirait encore. C’est ce qu’il se disait. Et puis, il détournait les yeux. Trop difficile de regarder un homme qui s’étouffe. Ca finit par vous étouffer aussi. Il le revoit. Hier. La main de son ami a bougé. Il pose la sienne dessus doucement. Il lui tient la main. Edmond ouvre les yeux. Il le voit. Il dit quelque chose. Monsieur Stanislas n’a pas compris. Mais il répond. Moi aussi idiot, je t’aime. C’est sorti comme cela. Il ne sait pas comment mais c’est sorti. C’est la première fois qu’il le lui dit. Il se demande pourquoi il a attendu aussi longtemps pour le lui dire. Son ami a souri. Lui, il a envie de pleurer. De pleurer de sa bêtise. On ne dit pas aux êtres qu’on aime qu’on les aime le jour de leur mort.
Monsieur Stanislas revit la scène, assis sur le tabouret, devant son piano. Lui qui ne parle jamais. Lui qui dit tout avec les notes. Tellement de choses. C’est sa façon à lui d’exprimer ses sentiments. Ses mains caressent le piano. Et il se met à jouer. Les premières notes sont lourdes. Pesantes.
Il pleure. Il ne se rend pas compte qu’il pleure. Le drame est cruel, le puits sans fond, mais on ne tombe pas. On ne peut pas tomber. On se voit marcher. La marche est lente et douloureuse. A chaque note, la pression sur le cœur se fait de plus en plus forte. Chaque pas est lourd. Chaque note écrasante. Il est très difficile d’avancer mais il le faut. Continuer. Aller jusqu’au bout. L’apercevoir. La regarder en face. La mort est là. La mort est au bout.
Il joue. Il frappe contre un mur de notes qui montent crescendo. Il n’y arrive pas. C'est un mur tellement infranchissable. On ne peut pas voir derrière. Il n'y a plus aucune vision. Il n'a plus le droit de voir derrière. Plus aucun droit sur cette vie prise. Plus aucune possibilité de revenir en arrière. C'est inéluctable. Sa tristesse est impuissante. Et pourtant. Pourtant les notes changent. Le rythme se fait plus tendre. Un léger sourire éclaire son visage. Il aime l’infini douceur des nouvelles notes. Il sent quelque chose de lumineux dans l’obscurité. Une présence douce et rassurante. Un petit air tendre, une légère présence. Il est là. Oui. Il est encore là. Partout. Il l’écoute. Il l’entoure. Le réconforte. Il ne le quittera jamais. Il vit dans sa mémoire. Dans son coeur.
Les notes sont des devenues des souvenirs. De précieux trésors. Même si la Marche Funèbre reprend.
Tout ira peut être bien finalement. C’est un appel à la vie. Un appel à résister, à se battre, à écouter le chant du vent, la douceur des notes qui s’échappent en volutes et filent vers la porte entrebâillée.

[mistral]

J'aime la simplicité de tes textes et à travers cette simplicité la sensibilité avec laquelle tu abordes la vie.
Martine

[Vasavoirsi]

Merci Martine. D'avoir aimé mon Monsieur Stanislas. C'est un vieux monsieur très touchant. Un homme passionné. Il aime la vie malgré tous les coups du sort. La musique lui apporte tellement de joie. Quand il s'assoit devant son vieux Pleyel, il est si heureux. Il aimerait tellement faire partager son amour des notes aux autres. Mais dans la cour de récréation, il y a le tam tam incessant des baladeurs mp3 qui chantent des airs étranges. Des voix de petite fille électronique. Les enfants chantent à tue tête ces chansons sans queue ni têtes. Il se dit qu'il faut être un peu bête. Mais le principal c'est bien que les enfants rient et s'amusent.

Bien à toi

[Vasavoirsi]

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Bon. Rires. Un volontaire pour m'expliquer comment on insère bêtement des liens. Merci.

[Artemisia]

J'ai entendu la marche funèbre de Chopin, celle qui commence avec ces quatre notes détachées si poignantes, et puis qui se termine dans une légèreté, une lumière d'espoir merveilleuse...


Pour les liens, il faut cliquer juste au dessus de la fenêtre du texte, sur l'icône avec la petite terre. ensuite tu copies l'adresse sur la fenêtre qui appareit, puis une autre fenêtre apparait pour copier le titre.
Voilà, quand on a compris le truc on peur frimer !


bisous
Artemisia

[Carla.]

Je l'aime bien ce Monsieur Stanislas et sa belle humainité sur fond musical.

[Vasavoirsi]

J'ai entendu la marche funèbre de Chopin, celle qui commence avec ces quatre notes détachées si poignantes, et puis qui se termine dans une légèreté, une lumière d'espoir merveilleuse...

Tu as entendu La marche funèbre dans mon texte ? Si c'est le cas, j'en suis heureuse.
J'écrivais en écoutant l'interprétation de Martha Argerich. Tu connais ?
C'est l'une des plus expressives de toutes. A mon humble avis.
Son enregistrement de 1974 est une référence. Sa virtuosité lui permet d'atteindre des tempos effrayants sans le moindre accroc. Son interprétation du finale est magnifique. C'est véritablement enivrant.

Merci pour le côté technique. Cela me permettra de frimer moi aussi la prochaine fois. Rires.

[Vasavoirsi]

Je l'aime bien ce Monsieur Stanislas et sa belle humainité sur fond musical.

Enchantée Carla.
Moi aussi, j'aime mon Monsieur Stanislas. Ces personnes là, il faudrait toujours prendre le temps de s'assoir avec eux et de les écouter. Avant j'aimais me promener dans les rues du village de mon enfance. Je me baladais toujours avec ma grand mère. Elles avaient des ami(e)s partout alors forcément on s'arrêtait à chaque coin de rue. Et on partait en 1930. On rigolait. La vie était belle. Puis un peu plus loin en 1935. C'était le beau temps des amours et des étreintes dans la paille. Des secrets. Au bout de la rue, on pleurait en 1939. On restait longtemps sur ces années terribles où mon grand père se battait. Pendant qu'elle, toute seule, protégeait ses enfants. Elle se taisait toujours en 1958 et 1960. Elle ne parlait jamais de cela. Cela la rendait si triste. On a du mal à croire qu'on peut survivre à la mort de ses enfants.
Alors on reprenait notre route et en 1973, elle souriait. Un magnifique sourire.

[Sebastian1980]

L'histoire de ce Monsieur Stanislas est belle parcqu'elle est simple, tellement loin
de celle de ces hommes qui marchent trop vite et que je peux suivre. Alors le
soufle court moi aussi je me suis arrêté sur la banquette en cuir rembouré d'un
vieux piano Pleyel. Un piano noir bien entendu. Un piano ou là Chopin, Ferré,
Barbara certains soir sont venu me narrer cette histoire. Elle est belle l'histoire
de Monsieur Stanislas car elle nous ressemble.

Sébastien.

Ps : Martine aurais-tu des dons de voyances, nous parlions justement de cette
sensibilité avec Vasavoirsi (faute d'un prénom plus familier j'utiliserais celui-ci)
il y a quelques jours. Je t'embrasse au passage.

[balila]

Monsieur Stanislas, ou tout autre... Ils partent, et puis reviennent ailleurs, un son, un silence, une image, et le sourire les accompagne, signe de vie bien au delà.

Je retiens ça, Vasavoirsi :

Moi aussi idiot, je t’aime. C’est sorti comme cela. Il ne sait pas comment mais c’est sorti. C’est la première fois qu’il le lui dit. Il se demande pourquoi il a attendu aussi longtemps pour le lui dire. Son ami a souri. Lui, il a envie de pleurer. De pleurer de sa bêtise. On ne dit pas aux êtres qu’on aime qu’on les aime le jour de leur mort.


Parce qu'il arrive, oui, que jamais l'on ait pu dire à quelqu'un qu'on l'aimait, par pudeur, par peur, par habitude, que sais-je encore. Et puis... On sent que tout s'en va, qu'il faut lui dire, qu'elle partira avec ces mots là, et que c'est tellement mieux...

J'aime tes textes pour ce qu'ils suscitent souvent de ces petits riens si grands du quotidien, merci pour cette émotion.

balila

Edited by balila, 09 August 2006 - 09:58 PM.

[Vasavoirsi]

Petite, j'ai toujours rêvé d'avoir un piano. J'entendais les mélodies des grands compositeurs et je trouvais cela magique. Magique, parce qu'elles me permettaient de partir. De voyager. Il me suffisait de fermer les yeux et je m'évadais dans des paysages somptueux. Souvent des endroits simples. Une petite colline avec un grand chêne et la vue sur un beau lac bleu. Mais cela me suffisait parce que sous le grand chêne, je me racontais des histoires.
J'ai su très vite que le piano, je ne l'aurais pas de sitôt. Enfant, on ne peut pas tout avoir, surtout quand ton père est allergique à la musique. Comment peut on être allergique à la musique ? Autant être allergique à la vie. Mais c'est comme cela. Alors tu acceptes le temps de grandir. Alors, à la place des notes, tu y mets des mots. Tu écoutes la musique sous un casque et là, tu entends que c'est encore plus beau. Que c'est encore plus fort. Que les histoires arrivent encore plus vite. Que les personnages te suivent à la trace et te demandent de vivre. Leur droit d'existence. Tu leur dis de patienter que tu n’as pas encore trouver dans un être rencontré, l’essence de la beauté. Et tu continues. Et tu avances. Et tu croises le chemin d’hommes et de femmes. Et certains te laissent. D’autres te restent. Et parfois, tu aimes. Particulièrement. Infiniment. Tu les gardes alors précieusement dans ton cœur. Dans cet endroit où rien ne moura jamais. Et ceux là, juste ceux là, donnent une essence particulière à tes mots. A tes notes de musique. Aujourd’hui, je ne suis plus une petite fille. Aujourd'hui, je suis une femme. Aujourd’hui, j’ai mon piano. J’ai ma feuille et mon stylo. Et j’ai dans le cœur, ces personnes que j’ai aimé et qui rendent mon inspiration infinie. Ma vie belle.

nous parlions justement de cettesensibilité avec Vasavoirsi (faute d'un prénom plus familier j'utiliserais celui-ci) il y a quelques jours.

J'ai oublié. Mon prénom c'est Corinne.

[Vasavoirsi]

Oui balila. On dit toujours cela trop tard. L'amour est un bien précieux et rare. On ne se rend jamais trop compte quand on le possède. On le gâche. On aime mal. On ne prend pas le temps d'apprécier. C'est toujours dans ces moments là, où tu te rends compte de ce qu'il aurait fallu faire. C'est dommage.

Corinne

[mistral]

En réponse à Seb dont je n'avais pas vu le P.S. : je n'ai pas de dons de voyange, juste une sensibilité exacerbée , ce qui me fait aimer ton écriture et celle de "Vasavoirci". Si je ne suis pas ausi douée pour la transcrire, je l'apprécie cependant.
Amitiés à tous deux !
Poursuivez!
Martine

[Joséphine]

Des phrases qui enchaînent d'autres phrases, des mots simples et forts qui coulent comme de l'eau, bref, on a chaque fois envie d'aller jusqu'au bout et l'on ne regrette pas.
Amitiés
Joséphine