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Une Vraie Boucherie


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5 replies to this topic

#1 gilonimo

gilonimo

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Posted 03 September 2006 - 07:44 PM


Jamais bouchère n’était plus à croquer que la bouchère de la rue des Pinsons.
Elle était aussi belle qu’une entrecôte dans le filet,
et quand elle portait ses bas résilles,
elle s’arrangeait toujours pour me faire voir un peu du haut de ses cuisses ainsi lardées,
dans le seul but, je suppose, de me mettre encore davantage l’eau à la bouche et le sexe à la main ;
en un mot comme en sang, on ne pouvait pas dire que c’était du boudin ;
non, la bouchère de la rue des Pinsons était belle comme un cœur.

Elle tenait la caisse pendant que son gros boucher de mari taillait dans la barbaque.
Dire que j’étais tombé amoureux serait un euphémisme aussi sûr que je ne sais pas ce que ça veut dire.
Chaque jour, je venais acheter une belle tranche de cœur dans l’unique but que de m’approcher de la belle.
Depuis mon enfance, le cœur est mon morceau préféré avec les choux de Bruxelles.

Ce petit manège durait depuis un mois,
et ma bouchère n’avait pu manquer l’émoi qu’elle me causait,
ne serait-ce qu’à travers les regards enflammés que je lui lançais et qu’elle ne faisait rien pour éteindre.

Un jour, je pris mon courage à deux mains,
et alors que sa grosse vache de mari était dans ses frigos,
je lui donnais rendez-vous pour le soir même dans l’impasse derrière sa boutique.
" Minuit " qu’elle me fit pour toute réponse.

Dire que j’y étais à minuit serait un euphémisme ( j’ai regardé dans le dictionnaire) puisque j’y étais à onze heures bien saignantes.
Elle ouvrit la porte de derrière la boucherie à minuit dix,
et me fit signe de la suivre en silence.
Ce que je ne manquais pas de faire et plutôt deux fois qu’une.

Je pénétrais à sa suite dans un immense frigo avant d’en faire de même avec elle.
Le froid n’avait pas calmé mes ardeurs,
bien au contraire,
et dire qu’elle était chaude comme de la braise,
à faire cuire un troupeau entier de bœufs argentins,
serait un euphémisme que je ne franchirais pas davantage.
Permettez-moi de ne pas vous en dire plus et de faire ainsi planer sur nos ébats un certain mystère ; votre imagination débordante se chargera de vous entraîner sur un terrain fangeux et salace pas très loin de la vérité.

Alors qu’elle me raccompagnait,
je la suppliais de quitter son gros boucher de mari pour me suivre au bout du monde où je m’occuperai aux petits oignons de ses escalopes.
Elle m’a rit au visage en me déclarant que je pourrais avoir son corps autant que je le souhaiterais mais que jamais je n’aurais son cœur.
Je ne sais pas ce qui m’a pris,
alors que je passais devant une étrange machine pleine de tubulures,
j’ai saisi un os de gigot qui traînait dans une poubelle et lui fracassait la tête avec.
Elle est morte sur le coup d’une rupture dans l'échine.
Elle s’est affalée dans la sciure comme un vieux jambon de pays.

J’allais me sauver comme un lapin de La Garenne Colombes quand j’avisais que la machine tuburulesque n’était autre qu’un broyeur incinérateur de déchets organiques.
Comme vous vous en doutez, mon ingénieux cerveau qui me sert à réfléchir m’a suggéré d’y enfourner la bouchère et tous ses accessoires, ce que je fis sans me prier.
Mais avant, j’ai procédé à une petite opération vengeresse de mon acabit.
Il n’a pas fallu plus de cinq minutes pour faire disparaître la cochonne ; c’est beau le progrès.
Je suis rentré chez moi, le cœur léger.

Le lendemain, je me suis rendu à ma boucherie favorite.
Le boucher était tout seul dans la boutique, la belle bouchère ne tenait pas la caisse,
un autre cas de figure aurait pour le moins été fortement étonnant.
- Qu’est-ce que je vous sers ? qu’il me demande.
- Comme d’habitude, si vous avez, lui répondis-je .
- J’ai justement, et c’est le dernier. Et avec ça ?
Je clôturais la vente sur un " Ce sera tout " sans équivoque.
- Madame n’est pas là aujourd’hui, j’espère qu’elle n’est pas malade, m’inquiétais-je poliment.
Il poussa un long soupir, très triste pour un boucher.
Une lueur de meurtre traversa son regard comme une comète de Halley dans un ciel d’été.
Ah, comme je la connais bien cette comète, je la reconnaîtrais entre mille.
- Non, elle n’est pas malade, je pense même qu’elle doit péter la santé à l’heure qu’il est, et tel que vous me voyez là, je serais bon pour le rôle de Raimu si j’étais boulanger et si j’avais un chat à la con, enfin, si vous voyez ce que je veux dire.
Je voyais.
Pauvre boucher.
Mais, je n’ai de ma vie, jamais dégusté un cœur aussi tendre que celui de la bouchère de la rue des Pinsons.

Toto.

Edited by gilonimo, 05 September 2006 - 08:20 AM.


#2 comtedormestconti

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    Monsieur le Comte

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Posted 04 September 2006 - 03:32 AM

Parfait a mon gout!

Tout est bien dit et ce qui ne l'est pas aussi...


wink.gif

#3 mounette

mounette

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Posted 04 September 2006 - 03:39 PM

Cela me rappelle une virée avec un de mes derniers amants, dont je dois bien avoir gardé quelques photos.
Ah, les voilà :


Bises

Manon

#4 le hamster

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Posted 04 September 2006 - 09:34 PM

Excellent. Comme un tartare à la bouchère !

J'ai particulièrement apprécié l'allégorie avec "la petite tranche de coeur".

Une suggestion pour parfaire l'oeuvre sur l'étal :

"Elle est morte sur le coup d’une rupture de l'échine" au lieu de "rupture de nuque". Ca me plairait bien car me rappelant les tendres côtes de porc... wink.gif

#5 gilonimo

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Posted 05 September 2006 - 08:23 AM

merci le Hamster pour l'accommodement de ce morceau

#6 Marygrange

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Posted 06 September 2006 - 12:25 PM

C'est excellent... et j'adore ton utilisation du mot "euphémisme" wink.gif

Amitiés,
Béa




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