Cargos.
Le long des quais et le long des bassins, ils retiennent la houle par leurs ancres, figés…
A l’heure violine de la blessure du jour, étalant leurs coques pansues comme d’indécents prélats, ils exhalent les senteurs sauvagines et embaument de vapeurs océanes la ville stupéfaite.
Mais la lune les fait mystérieux comme des fantasmes – avec leurs ombres bleues, mouvantes et geignardes – Le long des quais et le long des bassins…
Et pendant que la vague s’étire comme une chatte satisfaite, que de promesses terribles et que de chants d’adieu, entre les ombres bleues, mouvantes et geignardes…
La maille des filets des chaluts assoupis entrave les étoiles du nord.
Les cris plaintifs dans le ciel sombre, les oiseaux gris et blancs aux ailes immobiles, sculpture éphémères…
Les clapotis invisibles où se perdent les heures désespérées et, dans le néon des bars, - les récits monotones des voyages accomplis.
Mais, comme ils craquent les vieux rafiots de tôle rapiécée, que de solitude et que de traversées blêmes dans le roulis léger qui donne un air d’ivrogne…
Et comme ils sont éteints les hublots rivetés – Les hublots aveuglés, la cécité d’une vie sans bois et sans collines – Où sur la passerelle luisante, le pas du capitaine martèle le présent…
Souvent, bien entendu, ils intriguent, les vieux rafiots au bord du temps…
Lorsque pour exalter leurs aventures rouillées au strass de pacotille, les touristes émus les dévorent des yeux.
Avec leurs grues d’acier comme des mains levées, ils semblent alors – les vieux rafiots, au bord du temps – des morceaux de bravoure dans l’océan du quotidien.
Le long des quais et le long des bassins, ils retiennent la houle par leurs ancres, figés…
Et quand le matin froid se pointe à l’horizon sur ce décor de cinéma, ils se redressent comme des vaisseaux de guerre ; jusqu’à la période tapageuse, où dans l’agitation vaine des hommes, le paysage étrange retombe dans un anonymat industriel, comme une scène de déjà vu, au journal de vingt heures…
Alors toute la magie s’efface, toutes les odeurs empestent et dérangent…
Seul, un jeune garçon observe, avec dans le regard des envies d’horizons frais et de ciels neufs.
A l’heure mandarine de la montée du jour…
Le long des quais et le long des bassins, ils retiennent la houle par leurs ancres, figés…
Les cargos…
Cargos...
Started by Pascal9, Jun 03 2005 01:42 PM
2 replies to this topic
#1
Posted 03 June 2005 - 01:42 PM
#2
Posted 03 June 2005 - 01:54 PM
... à bord de terre. Sont et forment cette odeur de vase clos, arrêtes aux filets crochées, parfum distillé au rythme de la java des villes chape de pétrole ébauchant des arcs en ciels huileux, collants à l'eau tels des nuages entraînés par le courant, nappe chaude s'aggrippant au quai de ses dentelles algueuse, aqueuse... cargos enracinés à fleur de terre, au large des profondeurs aérées
#3
Posted 03 June 2005 - 04:43 PM
Comment ne pas les aimer eux qui expriment tant l'évasion, l'inconnu, la découverte ? J'aime beaucoup ce texte qui les humanisent "Les cargos...". Merci Pascal !
Et jolis aussi les mots de Diesel !
Amitiés,
Béa
Et jolis aussi les mots de Diesel !
Amitiés,
Béa
0 user(s) are reading this topic
0 members, 0 guests, 0 anonymous users