Ben-du-Toit

J'ai rêvé cette nuit d'un poème
Un petit poème pour le matin
Pour se lever d'un bon pied

Qui donnerait du courage
A ceux qui travaillent dehors en hiver
A ceux qui travaillent sur les toits en été

Qui dirait quelque chose
Au prisonnier dans sa cellule
Au marin parti pour longtemps

A la mère qui élève seule ses enfants
A la femme noire qui en plus travaille aux champs

Qui redonnerait espoir
A celui qui une à une voit
Toutes les portes se refermer

Mais je n'ai pas pensé ainsi
Pouvoir vraiment aider

Celui que certains font souffrir
Et que tous les autres oublient
Celle qui un à un
A perdu tous ses enfants
Ni l'enfant qui chaque jour dans une cave
Entend passer les avions
De gens qu'il ne connait pas
Et qui lui jettent une bombe.

J'ai rêvé d'un poème pour enfants
Un petit texte pour le matin
Un poème avec des mots très simples
Pas trop bavard et facile à lire

Quand je me suis éveillé
Je n'avais pas le moindre petit début
Du moindre petit vers et pas même un mot

Mais je me suis dit que dans la vie
J'avais encore bien des choses à faire
Et que peut-être je l'écrirai mon poème
Pour aimer les arbres les oiseaux les fleurs
Et se contenter de ce qu'offre une journée
Les paroles les sourires échangés
Et le café du midi

Alors je me suis levé d'un bon pied

Il faisait beau en ce 1 septembre 2004.
C'était jour de rentrée à la grande école de Beslan.
Et ce jour là, ici, on le fête entre enfants, parents
et instituteurs.

Il faisait chaud en ce 1 septembre 2004.
Pourtant les inconnus qui ont surgi en criant portaient
des cagoules...

Enfance, scandale

Il était joli le sourire de la femme qui tenait son bébé.
L'enfant aussi souriait.
Pourquoi fait-on des enfants ?
Il y en a tant déjà,
trop !
Pourquoi nait-on au juste ?
L'enfant faisait cogner son hochet
contre la tablette dans le wagon.
Sa mère, heureuse, s'en amusait plus que lui
qui se lassa.
Celui-là au moins était bien entouré.

J'ai eu cette pensée :

L'enfance, oui l'enfance
  Voilà le vrai scandale
Hasard de la naissance
  Jeté dans le dédale
Dehors vois-tu : Soldats
  Eaux stagnantes ? Malchance !
Si faible, placé là
  Qui prendra ma défense ?

L'enfant s'était endormi, lui et sa mère étaient si paisibles.
J'eu un peu honte d'être aussi pessimiste.

"Nous avons travaillé pour les fromageries Bel, afin de
remplacer par 111 variables un expert spécialisé dans
la tartinabilité de La vache qui rit "






(Zyed Zalila, IntelliTech )

Le surréaliste

Dans un train bondé, de bon matin
Un homme quelconque voulut monter
Fut-ce la foule vraiment qui l'arrêta
Pourquoi d'un coup
L' indifférence ?
Le banc, sur le quai, le recueillit

On n'eut pas pensé
Mais c'est ainsi qu'aux artistes
Viennent les visions.
Et c'est de jour
Non en dormant
Que se conçoivent les rêves féconds

Regardant s'éloigner le convoi
Par l'arrière des apparences
D'un monde très sérieux
Il a vu la grande vanité
Des très vains mobiles humains

Il a vu tous les moyens sérieux
Que l'on met en oeuvre pour arriver
A la perpétuation de l'ordre logique
d'une froide société

Alors il a pris sa plume
Ou son pinceau
Et il s'est mis à décrire
Dans le même geste
Les moyens et les fins.

Et l'on vit

Des voitures inimaginables
Très propres dans des décharges
Où jouaient des cravates
Très habillées

Des enfants noirs et des fusils
Dans des boutiques
Place Vendôme à Paris

Il y avait des convois
remplis de footballeurs assis
Qui regardaient des écrans plats
Jouer au ballon

Il y avait aussi et encore
D'autres télés de toutes les tailles
Avec des culs et vu de l'arrière
Dans tous les recoins d'une maison

Et un homme seul qui avait trois voitures
Et dont la femme en avait deux à six roues
Partir au travail par les fils de son téléphone

Et aussi et encore
Des tas de systèmes électroniques
De Guidage Positionnel Satellitaire
Pour aller pisser de nuit
Sans allumer la lumière.

Alors tous gens très importants
En apparence
Mais qui ne sont souvent
Que bestiaux sur canapés de cuir

Ont dit : "c'est ridicule"