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L'atelier


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2 replies to this topic

#1 sgpsgpsgp

sgpsgpsgp

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  • TLPsien
  • 63 posts

Posted 03 December 2005 - 11:06 PM

L'atelier


Le tumulte de la métropole résonne comme un lointain ressac
Et on se croit au coeur d'un village de province
Quand on emprunte la rue dite des trois grâces et du prince
Qui n'est même pas une ruelle, plus étroite qu'une venelle et se termine en cul-de-sac

Je m'essouffle rien que de vous en parler car elle est un peu pentue
Donne sur le mur d'un cloître et à certaines heures de la journée
Est traversée par l'ombre d'un édifice au toit pointu
L'asphalte posé sur le sol inégal de ce petit passage
Laisse apparaître les vestiges d'un très ancien dallage
C'est ici que s'ouvre un porche taillé dans de la pierre rendue luisante par les années
Qui débouche sur un jardinet où survivent quelques maigres herbes folles ;
Un artiste peintre y a installé son atelier
Loin de toutes les modes et ne voulant suivre aucune école.
On s'y laisse entraîner par curiosité, intrigué par la quiétude apparente
Qui tranche avec la créativité qu'on imagine impatiente
Alors qu'une fécondité molle et paresseuse donne à l'atmosphère
Une illusion d'impréparation et de laisser-faire

De grandes toiles sur leur chevalet sont laissées à l'abandon
On devine sur l'une d'entre elles l'ébauche d'une scène du grand pardon
A moitié cachée sous une enveloppe de chiffon
Pour l'abriter de toutes les agressions
A travers le feuillage d'un marronnier famélique
La lumière du printemps s'est frayée un chemin oblique
Et reproduit sur les murs du fond de l'atelier
Le dessin de multiples toiles d'araignées
Tissées à la surface des grandes baies vitrées
Où vient rôder une propice luminosité

Une fille gracile accroupie sur un tabouret
Serre ses chevilles entre ses mains et appuie son menton sur ses genoux
La douceur de sa peau est soulignée par l'éclat de ses cheveux roux
Elle attend docile que le maître soit prêt
Enchassés tels une pierre précieuse ou un diamant encore brut
Dans l'étoffe d'un habit qui dévoile plus qu'il ne cache
Les appas de la nymphe dont en secret l'artiste s'amourache
Au point de vouloir traduire sur la toile son envie de rut
S'esquissent sur plusieurs planches d'essai
Où peu à peu le projet se transforme en portrait

Des fioles transparentes et des pots de pâte colorée
Jonchent un meuble bas et garnissent les étagères
Où parfois l'aquarelliste laisse vagabonder ses pensées imaginaires
Alors apparaît le maître des lieux au détour d'une porte dérobée
Poursuivi par un rai de lumière où se déversent les grains de pollen et l'odeur du goudron fondu par
l'été
Il se campe à l'entrée de la pièce puis marque un temps d'arrêt
On dirait qu'il scrute l'endroit pour la première fois
Qu'il a décidé de s'imprégner de son ossature
Dans le but inavoué d'en dessiner une épure

Son regard fond soudain sur la jeune fille apeurée
Soupèse les volumes, brosse les ombres et caresse les formes naissantes
D'un oeil vif il a déjà arraché l'étoffe dont elle s'était entourée
Faisant naître à cet instant une atmosphère indécente
A grands gestes saccadés, il trace dans l'espace de sa main experte
Une ébauche où l'on devine facilement
La cambrure de la belle ingénue aux sens en alerte
Saisie au bord de son abandonnement

C'est le moment que je choisis pour quitter l'atelier
Discrètement et sur la pointe des pieds

#2 Nautrel

Nautrel

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  • TLPsien
  • 252 posts

Posted 04 December 2005 - 12:16 AM

Ambiance bien rendue mais "l'abandonnement " " de la jeune fille apeurée" devant "l'envie de rut" de l'artiste et ce manque de complicité entre le modèle et le peintre me laissent perplexe quant au professionalisme de celui-ci. Le promeneur n'attribuerait-il pas au peintre ses propres sentiments?

#3 sgpsgpsgp

sgpsgpsgp

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  • TLPsien
  • 63 posts

Posted 04 December 2005 - 10:56 AM

Citation (Nautrel @ Dec 4 2005, 12:16 AM) <{POST_SNAPBACK}>
Ambiance bien rendue mais "l'abandonnement " " de la jeune fille apeurée" devant "l'envie de rut" de l'artiste et ce manque de complicité entre le modèle et le peintre me laissent perplexe quant au professionalisme de celui-ci. Le promeneur n'attribuerait-il pas au peintre ses propres sentiments?

Toutes les interprétations sont possibles et ta lecture est intéressante, mais je n'avais pas l'intention de donner au promeneur un rôle différent de celui d'un curieux qui, au dernier moment laisse la pudeur reprendre le dessus pour ne pas briser l'instant fragile qui se construit. De plus, j'admets que la complicité entre les deux personnages ne m'avait pas paru utile au scénario. Merci en tout cas de m'avoir fait part de ta vision...
sgp




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