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NoMorgan

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Topics I've Started

Café Kb

12 October 2006 - 09:31 PM

Demain soir au café Kremlin-Bicêtre, un stylo un goût amer et six pieds sous terre éclairé aux néons de plafonds salis. L'air est enfumé dans ce bar tabac. Le vieux manège, qui passe les tubes des années 80, est toujours là place de l'hôpital. Le Brazil sert toujours son café à 1 euro 50 et Air siffle à mes oreilles « Cherry Blossom Girl ». « Travel is Dangerous » et les rues aux néons violacées tranchent le trottoir est gris léger les murs, il pleut à travers les vitres. Une seconde glisse vers ailleurs.
J'ai l'odeur du tabac sur mes doigts, je penche le visage appuyé sur une main et je repasse la porte de Damas en mémoire. Aller-retour. Les yeux ouverts sur la rue, je traverse le coude en pierre s'ouvrant sur la vieille ville. Ces dalles au sol qui sentent le vieux et dès le midi noir de monde et d'odeurs. La porte passée, à pas traînés pour se frayer un chemin, le début du souk s'étale sur une rue en pente. Sur la gauche, un minaret dans le dos la vieille muraille devant légumes fruits bric broc ou cigarettes. De chaque coté boutiques et échoppes rivalisent en couleurs parfums drapes et olives. Assises au sol, deux femmes vendent et pèsent à l'aide d'une balance qu'elles suspendent à bout de bras. Shekels cris et bruits, 7 shekels le Lucky Strike, et la rue se sépare en deux autres. A l'embranchement, falafel chawarma épices pâtisseries.
J'emprunte la voie de droite. Celle-ci est à moitié couverte de prolongements de préaux des devantures. Là, des passages voûtés. Beaucoup de commerces de gens de toiles, le temps est suspendu pour un étranger. Régulièrement, escaliers en ruelles montantes s'étirent de chaque coté. Je m'arrête à un croisement en puits de lumière, entrecoupé de charpentes de bois. La forte luminosité se réverbère au sol sur les pavés. Palestine bouge terne se bouscule mais, contre le mur, rien ne s'arrête. En face, un homme est assis sur une chaise proche de son étale. Et des chaises il y en a souvent une ou deux au coté d’un étalage, parfois vides. Mais je suis à coté, un café turc en main acheté l’instant avant, je suis assis au sol les yeux mi-clos. Le liquide chaud me brûle les lèvres. Un mouvement de tête en arrière par réflexe, et c’est une serveuse asiatique qui me frôle le visage, pour servir un autre client…
Retour, oui retour. Non pas de sucre, pas de sucre jamais, l’amertume en est bien meilleure. Et je revois apparaître ce gris délavé. Il coule sur les vitres entraîné par la pluie parisienne. Avant de m’installer à cette table ronde de cafetier, j'ai piétiné mes converses noires sur le trottoir rue Anatole France la nationale 7 plus loin. Et cette nouvelle boutique "de Paris à New York" d'articles de mode douteuse. Là aussi du bric et du broc mais à la devanture rose. Je repense aux locaux apparemment trop souvent déserts d'Art Kane et l'Amandine Café qui s'est refait une terrasse avec bâche rouge un peu tendance. Les carreaux au sol, façon ancienne épicerie, en perdent de leur vieillerie. Place à un brin de neuf. La lune sera entière ce lundi.
La nuit, il n'y a personne la rue le métro. La nuit, lumière publique blanche. Et je rentre, reprendre la rue de mon appartement. Demi-tour, demi-tour vers Damascus Gate. L’hôtel ferme à une heure et, la nuit, il n’y a personne la rue le vieux quartier. Tout est rouge, ocre, terre le soir sur les vielles pierres. Il faut remonter plusieurs marches avant d’arriver à la place, les palmiers les travaux et enfin, le Jerusalem Faisal Hostel qui m’ouvre sa porte. Mais je suis chez moi, l’interrupteur enclenché, le canapé est bien là. Un whisky et pas d'alcool, les volets fermés.
« Broken » en vinyle, j'aime ce morceau ; elle prend une aspiration toute discrète à la première seconde. A gauche, la télé récite un périple version bitume du trans-sibérien, 10000km de route du Kremlin au pacifique. Il est 22 heures à celui de Bicêtre. Sur la table foncée, ce roman de Marguerite Duras sur fond de pacifique Vietnam. Flash, un essai nucléaire en Corée du Nord. Bukowski, enterré. Abidjan et Dakar drainent elles aussi leurs auras, j'y pense pour un an. Je n'ai pas lavé mon jean depuis que je suis rentré de Palestine, mon lave-linge me guette d’un œil suspect…

Good Morning Bus 323

10 October 2006 - 11:50 PM

Les matins entre deux tonalités, les matins entre deux chromes,
Des nuages gorgés de rayons tièdes traînent lentement en buées blanches.

De la fenêtre d'un bus, les gouttes d'eau déforment. Elles sont venues s'abattre sur le carré des vitres, beaucoup plus tôt. Espèrent-elles dérober à ton regard les structures droites ou longues des rues ? Sur le côté, une station , deux stations ; le prochain arrêt n'est pas le mien.

Un peu de jaune un peu de gris, camaïeu de gris un peu de pluie.

D'une main collée, j'espère récupérer un fil de ce rayon. Il file droit, s'échoue d'un ciel héroïne. En première classe assise, le visage encore marqué d'un sommeil apaisé, j'ai pris le premier ticket en bas de chez moi. La tête tournée à droite ou à gauche, le temps est immobile ; une sphère intime particulière autour d’un siège.

Un peu de saxo, un peu de bleu, une cabine et son téléphone.

Une ville qui s'est réveillée bien avant moi. Elle résonne déjà de gens pressés. Des trottoirs, s'accumulent les feuilles salies et s'enchaînent des façades ravalées. Des trottoirs, des panneaux, et un panneau reflète furtivement un rayon. Là, le bus tourne dans la pente, avant le jardin public. Le temps de voir la pointe d'un kiosque s'aguichant de quotidiens et, derrière, un fond de verdure urbaine qui s'époumone dès six heures.

Une radio, good morning au micro, un peu du hip hop glisse vers le jazz.

L’esprit embrumé de naphtaline s'accroche aux fils électriques. Je me prends à les suivre, peut-être mènent-ils à toi ? J'ai encore ce goût nébuleux au bout des lèvres rouges.. Du rouge ! L'"arrêt demandé" clignote, deux personnes descendent, deux autres s'asseyent. Ils ressemblent à des figures floues, ces gens-là, derrière. Des formes fantomatiques dont j'ai encore du mal à découper les contours. Je le sais, je les vois, je ne suis pas le seul à explorer la ville et ses humeurs. Devant, un quartier, deux quartiers défilent.

De la mousse déchirée un marche-pied, un peu de chaleur et un air grisant.

La route est foncée aux allures de goudrons fumants. Je frotte mes yeux pour lire le nom des rues. Une avenue plus loin, cet arrêt est le mien. J'articule mes muscles ankylosés, me réveille du siège pour l'abandonner et m'extraire de cette bulle. Je suis encore chargé de vertige dans un rêve de buée. Les portes mécaniques s'ouvrent, un courant frais m’anime le visage. Et je marche sur le trottoir, rêvant d’un autre demain.


NoMorgan 2006

Mid Tempo à Montrouge

06 July 2006 - 02:32 PM

Je me souviens de l'odeur d'un fil, délié à ses cheveux, de ses yeux d'un clair tranchant. Elle est brune et les yeux clairs. Et quand le regard est une entrée, les iris tendent à fantasmer un monde derrière. Et derrière, il y a les rencontres d'une ville dévastée, les œuvres d'un mur barbelé, une vie en panorama. Prague figée, argentique et Palestine, elle sourit. Souvent, même à la solitude. Et elle a ce grain à l'œil qu'elle plisse en me souriant.
Je me souviens aussi d'un goût de fruit rouge fugace, d'une tasse au touché de cannelle et d'un soir qui s'étire au dernier métro. Elle n'aime pas les métros des gens qui épient ; ils écoutent. Mais les bruits qui m'entourent deviennent les siens. Il ne faut pas grand chose pour que des mots, naissent ses images. Et dérivent ses pensées en mes dégradés de couleurs, un scénario sans fil. Emotion conductrice suggère, la vitrine glisse, les souffles oppressent. Elle est brune et claire, rehaussée d'une pointe de métal volontaire. Des parties sombres au barré d'une applique au mur, la jeunesse éternelle en bandoulière et la gravité des tons d'une photo. Ses mains sur une mesure de café, de la fumée laisse l'épice aux lèvres. Et des grains de beauté à la peau semblent frémir à de furtives pressions à l'abdomen, semblent se heurter aux enveloppes sonores d'un quartet de violoncelles, suivre des fréquences basses, lourdes et humides. Le regard rivé sur le mien, un fil nous relie.
Je me souviens surtout de l'idée d'être littéralement happé et des nœuds à ses mèches désordonnées. Le bus au matin d'un plaisir apaisé, franchit des rues goudronnées juchées de parcs. Montrouge défile, je la regarde elle. Pourtant je ne la vois pas vraiment… il est vingt sept heures au pays de l'étrangeté, et elle n'est pas là.

Orchidée Cherche Futur

06 July 2006 - 02:31 PM

Elle, un zeste de rouge, une ligne ferrée ;
l’absolu a foutu le camp. Chacun s’y reconnaîtra, ça sert à rien de mentir.
Elle a gardé ses ailes dans le dos.
Elle aussi, pour mieux arpenter des rues déstructurées, paysages urbains de ville et banlieue, c’est toujours pour se perdre. C’est un peu foutre en l’air ses classiques.
Mais elle aime les horizons incertains, et les bottes usées sur des serpentes désertes.. Oublier pour apprendre de nouveau, c’est là bas que ça se passe. Un ticket, une route, et un peu de poussière à marcher. Deux trois moulins à prière sur le trajet et un réverbère bien trop grisonnant à fuir. Mais croyez-vous que l’espoir est permis alors que l’idéal s’impose en évidence ?

La nuit, elle se cache dans une laine, la clarté d’un tungstène et fait le tour d’elle-même. Là une station de métro, ici, son trousseau de clés, là, la porte, la serrure, la serrure.. Un petit cirque en cage. Elle file le jour, et si elle pouvait jeter leurs aberrances à la figure, affligée de l’insupportable, si seulement elle pouvait suivre le chemin de fer sur des milles.

Les capturer dans une toile de rousseur, ces illusions à mettre en bocal. Ca remplace un feu de nuit. Elle s’arrête souvent sur des morceaux d’émerveillements créatifs, s’y baigner, s’enduire d’une vérité qu’elle cherche encore. Celle d’épaisses fumées, d’arômes opiacées, d’idées suffisamment intenses et veloutées. Et toujours, s’effrite l’artifice, et le monde ne tient plus debout, et elle ne tient plus debout, il faut repartir. Champagne ou whisky ? Take it as it comes, Morrison n’est jamais loin.

Elle est vivante à avancer ainsi, la solitude l’est aussi. Toile de rêve et de liquide, retenue d’une matière malléable et d’un fragile qui transpire de ses iris. Un reflet et une grille, reste derrière-moi démon, car je m’approcherai à ton contact pour y noircir quelques mèches rousses. Un voile bleu-turquoise dans ses yeux, transpirait la frustration de ne jamais aboutir. Si ce n’est la vision apaisante de ce qu’il y aurait à la fin, et de ce qu’il y faudrait encore faire.

La décadence n’a plus le goût de la fuite. Et une sonate grinçait, et les scènes s’effondraient, les vérités intimes, les aspérités créatives, et orchidée bleue, et reste derrière-moi, démon d’idéal révolu, le chemin ne fait que commencer.

Phosphorescente

03 May 2006 - 02:48 PM

Phosphorescente


Elle irradie le noir. S'articule entre les fentes d'une robe serrée. Non, il n'y a pas que des sorties imaginaires après minuit. L'étincelle éclaire le noir, alors qu'elle profite d'un siège velours. Elle s'est allongée, laissant ses cheveux d'or s'éparpiller sur son visage. Il suffit de l'observer ; filament ondulant offert aux regards. Des lumières phosphorescentes s'agitent dans la foule mouvante. Elle prend un bain pendant que le monde autour d'elle s'efface. Elle voit des ombres humaines disparaître et revenir, de manière alternée. Ses mains déchirées sont trempées, ses membres ne tiennent plus debout. Elle ne connaît pas la suite, si ce n'est, vers où t'entraîner. Elle ne sait pas vraiment, qu'elle t'entraîne. C'est l'angoisse qui étrangle tes poumons. Le rythme est lent, sa progression langoureuse, il opère dans l'arrière tranchée des pensées. Elle s'agrippe à toutes les aspérités que tu as crues dissimuler. Les amants ne sont pas éternels, sauf dans le noir. Ses mains palpent ta peau, et tirent sur la nuque. Tu peux te voir allongé au-dessus d'elle, te voir dans le reflet de l'eau, amoureux de ses vagues dorées. L'étincelle éclaire un autre, et d'autres encore, mais tu es là, les yeux fixés aux siens. Lui souriant avec ce qu'il te reste de fragile. Le grain d'un film oscille légèrement, tu souris en continu sans connaître la scène. Ni celle qui suit ; l'étincelle s'est éteinte la seconde suivante, et, l'instant d'après, est irradié de noir.


NoMorgan - avril 2006