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[grandvent]

Voyez vous cette femme assise à même le sol
Revêtue d'une robe encrassée et déchirée
Laissant apparaître sa poitrine et ses épaules
Ainsi que deux sortes de poches plissées

En chair molle que sont ses seins
Ne contenant aucune goutte de lait
Et tétés avec rapacité par un poupon
A moitié nu, qu'elle tient dans ses mains
Tout en essayant de le calmer
En lui fredonnant une vieille chanson

Qu'il semble ignorer tellement la faim
Lui ronge l'estomac en lui faisant
De temps à autre pousser des hurlements sans fin
Sous le regard des passants indifférents

Voyez vous ces gens étendus sous les réverbères
En présence des chats de gouttière
Tendant leurs mains à longueur de journée
En quête de quelques pièces de monnaie

Auprès de ceux qu'ils considèrent humains
Et lesquels dévient de leur chemin
En affichant une arrogance
Mal placée en guise de réponse

Voyez vous ces vieux complètement effacés
Qui se meuvent comme des escargots
Tremblant, la tête basse et l'échine courbée,
Portant le fardeau de leur passé sur leur dos

Et qui semblent vouloir dire
Aux plus jeunes et forts
De se préserver d'un tel martyr
S'ils venaient à vivre encore

Voyez vous ces enfants hideux, pieds nus
Culottes déchirées et cheveux touffus
Se disputant les poubelles dans les rues

Comme le font les oiseaux de mauvais augure
Ces charognards qu'on appelle corbeaux
Et qu'on reconnais à leurs sales figures
Parce que plus moches que beaux

Voyez vous ces adolescentes dans les marchés
Traînant le pas et demandant la charité
Au milieu d'une foule où se côtoient
Les voleurs, les dealers et les impudiques
Qui en font facilement leurs proies
Parce que sans pitié, parce que sadiques

Voyez vous ces gens qu'on surnomme communément fous
Parce qu'ils ne parlent pas le même langage que nous
Qui vivent dans une totale anarchie
Et que pourtant dieu prédestine au paradis

Voyez vous ces morts vivants
Ayant pour couvertures leurs haillons
Le sol pour lit et pour matelas du carton,
Recroquevillés sur eux-mêmes et grelottants de froid
Et auxquels le croque-mort ne s'y intéresse pas
Combien même ils venaient de passer à trépas

Voyez vous tous ceux là!
Les voyez vous vraiment!
Non, vous ne les voyez pas
Vous ne pouvez les voir à juste raison

Parce que vous ne ressentez pas leur misère
Parce que vous ne ressentez pas leur faim
Parce que vous ne ressentez leur malheur
Et cela tant que vous êtes saint

C'est un peu comme la foi en dieu
On y croit lorsque la mort se fait présager
Sinon à part cela pourquoi s'inquiéter

Et puis ! qu'importe ! n'est ce pas leur fatalité !
Alors qu'on ne s'amusent pas à vous en vouloir
Qu'on ne s'amusent pas aussi à vous faire un procès
Sous prétexte que vous êtes leur espoir

Et d'ailleurs pourquoi vous demandent t'ont de les voir
Alors que vous faites tout pour les ignorer
Vous aiment-on à ce point pour vous rappeler votre devoir !
Et quoi encore ! c'est votre affaire ! c'est votre vie privée

Et pendant qu'on y est, pourquoi ne s'adressent-ils pas à qui de droit
Celui qui les défendra mieux que vous et l'état
Celui qui a bon coeur et porte le nom de Père Lachaise
Lui au moins il saura comment les mettre à l'aise

Alors là ! celle là c'est la meilleur
Pourquoi doit-il y avoir toujours des trouble-fête
Qui viennent vous casser la tête
Avec des histoires bêtes
En vous cataloguant de malfaiteur
Tout en s'autoproclamant bienfaiteurs

Enfin plaise à dieu vous n'êtes pas comme eux
Vous au moins vous êtes heureux
Touchez de suite du bois
Pour éviter de vivre leurs cas

Tous ceux là, sur eux j'ai une totale emprise
Ils m'appartiennent et j'en suis fière
C'est des proies que j'ai conquises
Grâce à l'indifférence des tiers
Qui les laissent choir
Dans mon vaste territoire

D'ailleurs ne m'appelle t'on pas Dame misère

Chenikel Le 18/01/2006

[Merqur]

Chair de poule. Poignant.

[grandvent]

Chair de poule. Poignant.

C'est gentille à toi Merqur
chenikel