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eucalion

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Topics I've Started

Laissez Moi Mourir

20 December 2006 - 09:56 PM

Qui êtes-vous donc pour me refuser ma mort,
Imposteurs de l'amour qui vous croyez plus forts ?
N'êtes-vous pas capables d'un peu de compassion,
Vous qui pouvez encore vivre toutes les passions ?
Ne voyez-vous donc pas que vivre m'est un enfer
Dont vous vous proclamez les plus grands des cerbères,
Et si étiez humains, si vous vouliez mon bien,
M'aideriez-vous enfin à finir mon destin ?


Qui êtes-vous donc pour me refuser ma mort,
Imposteurs de l'amour qui vous croyez plus forts ?
Faut-il que j'éternise et subisse mille maux
Sans espoir de pouvoir un jour trouver les mots
Qui pourraient vous convaincre de perdre ces certitudes
Et cette bonne conscience qui rendent vos vies moins rudes ?
Quand tous les sens du corps me restent interdits
L'idée de les quitter me semble le paradis.


Qui êtes-vous donc pour me refuser ma mort,
Imposteurs de l'amour qui vous croyez plus forts ?
Mon corps inanimé d'où sortent tous vos tuyaux
N'est qu'une pièce de prison empêtrée de boyaux
Dont je ne puis sortir sans votre permission,
Condamné à souffrir par votre démission !
Imaginez seulement, l'espace d'un instant,
De ne pouvoir pas même espérer le néant.

Tes Yeux

12 December 2006 - 11:49 PM

Lacs de montagne aux eaux saphir
Traversés de mille truites
Eclairs d'argent
Enchâssés dans de l'ambre
Paupières de miel
Diaphanes
Serties de fils d'or
Profondeurs insondables
Portes de ton âme
Où je veux me dissoudre

L'enfant Soldat

06 December 2006 - 11:26 PM

Pas plus haut que trois pommes,
Ce tout petit des hommes
A le regard perdu
Des enfants de la rue,
Les frêles genoux cagneux
D'un pauvre miséreux
Et la poitrine creuse
D'une silhouette osseuse.
Pendant que ses parents
Vont cultiver des champs
Où même entre les pierres,
On ne trouve plus de terre,
Il erre comme un jeune chien
Qui a perdu les siens.
Il n'y a plus d'école,
Pas plus que de pétrole,
Dans ce pays sauvage
Où rien ne se partage,
Où l'on meure au matin
Pour un morceau de pain,
Où règne le pillage,
Où l'on brûle les villages,
Où il n'y a plus d'église,
Où Dieu n'est plus de mise.
Autour de lui s'étalent,
Pour lui c'est très banal,
Les corps déchiquetés
Avec férocité
Des soldats ennemis
Et ceux de ses amis.
Vêtu de ses guenilles
Et d'une simple béquille
Qu'il garde comme un trésor
Plus précieux que de l'or,
Il rejoint les soldats
Qui préparent les combats,
Car depuis qu'il est né,
Les armes sont ses jouets.
C'est sur un champ de tir
Qu'il a appris à lire,
Dans le vol des corbeaux
Et le bruit des roseaux,
D'où va venir la mort
Et quel sera son sort.
Pas plus haut que trois pommes,
Ce tout petit des hommes
Ne connaît de la vie
Que ce qu'on lui a dit,
Que pour être bon apôtre
Il faut tuer les autres,
Qu'il faut avoir la haine
Et que ça vaut la peine
De mourir au combat,
C'est un enfant soldat.
Prisonnier d'une guerre
Qui a détruit sa terre,
Il a perdu conscience
De toute son innocence
Et marche sur les traces
Que fuient même les rapaces,
D'une mort qui se cache
Encore mieux qu'un apache.
Toujours sur le qui-vive,
Il avance sur la rive
Où les derniers combats
Ont fait bien des dégâts,
Où des corps torturés,
Visages défigurés,
Gisent le ventre ouvert,
Parfois couverts de vers.
Le fleuve charrie du sang,
Le terrain est puant,
Les arbres eux-mêmes pleurent
La ruine de leur demeure,
Cette vision de l'enfer
Qu'est devenue leur terre.
Pourtant dans ce mouroir,
L'enfant garde un espoir,
Il a toujours au coeur
Une flamme de bonheur
Cherchant à s'allumer
Dès qu'il se sent aimé.
Une simple poupée brisée
Gît sur l'herbe rasée,
Il est seul à la voir
Dans tout ce désespoir
Et elle réveille en lui
L'enfance qu'il avait fuie.
Un sourire s'esquisse
Sur ses joues encore lisses,
Il s'écarte du chemin
Et de tous ses défunts,
Se penche sur le jouet
Dont un bras est cassé,
Et quand il s'en saisit
C'est la fin de la partie.
Cachée sous la poupée,
Dans le dos découpé,
Une mine était placée
A la poudre bien tassée
Qui lui saute au visage
Pour mieux faire ses ravages.
Dans ce monde bien blasé
Qu'on dit civilisé,
Où l'on fabrique des bombes
Pour mieux remplir les tombes,
Que l'on vend aux états
Aux chefs renégats,
C'est ainsi qu'on abat
Tous les enfants soldats.

La Couronne Africaine

06 December 2006 - 10:57 PM

Au loin, la côte d'Afrique s'étale sous les nuages
Comme la crête dentelée d'un serpent d'un autre âge
Dont le dos est vert bronze, le ventre couleur du sable
Sur lequel viennent mourir des moutons sans étable.
Il semble sommeiller, écrasé de chaleur,
Tandis que dans ses flancs, tenaillés par la peur,
Des hommes essayent de vivre sans rien que la misère
Compagne de tous les jours, seule maîtresse de ces terres.
Sur la flaque de plomb, océan qui la baigne,
Flotte une carcasse jaune qui couronne le règne
De cet or qu'on dit noir, qui fait tourner le monde,
Qui dévore les plages et qui irise l'onde,
Richesse convoitée mais jamais partagée
Avec ceux du pays que l'on a saccagé.
Tandis que dans la brousse, des enfants orphelins
Victimes d'une guerre qui tue tous ses témoins
Se nourrissent de singe mort porteur de l'Ebola
En rêvant de trouver une bouteille de cola,
Un immense pétrolier venu de l'Occident
Se dessine dans la brume tel un bateau géant
Avançant en aveugle au milieu des filets
Que de pauvres piroguiers ont fini de caler
Et contemplent horrifiés se faire déchiqueter
Par les hélices battantes qu'ils ne peuvent arrêter.
Le monstre aux murs d'acier, arrogant, sûr de soi,
Méprise ces ignorants qui n'ont même plus de roi,
Personne pour les défendre, ignorants des contrats
Qui vendent toutes leurs richesses à de plus grands Etats.
Comme un ogre affamé, il vient emplir son ventre
De cette huile fossile qui forme l'épicentre
De toute l'économie du monde occidental
Pour qui toute pénurie pourrait être fatale.
A la bouée couronne, symbole de son pouvoir,
Qui balance à la houle et marque son territoire,
Un cordon nourricier attend qu'il s'en saisisse
Pour vider dans ses cales gonflées aux bénéfices
Les milliers de barils de ce liquide précieux
Qui iront fructifier sous de plus lointains cieux.

Souvenir D’un Petit Matin à Aberdeen

06 December 2006 - 10:55 PM

Toute la ville est endormie.

Au loin s’éveillent quelques cris

Qui étonnent le silence rouillé

De ce petit matin mouillé.

Vieilles carcasses de fer alanguies

Qui balancent leurs flancs alourdis,

Gémissant aux intenses promesses

D’une mer qui leur caresse les fesses,

Les bateaux d’Aberdeen attendent

Que la marée enfin se rende.

Les rues du centre sont désertées

Par tous les bruits de la cité,

Livrées aux seuls oiseaux de mer

Que le vent d'Est pousse dans les terres,

Goélands repus de déchets

Récupérés dans les filets,

Véritables îles aux trésors

Dispersées sur les quais du port.

Le granite mouillé des façades

Est une invite à la ballade,

A errer le long des trottoirs,

Découvrir de nouveaux miroirs

Et jouir des reflets d’argent

Du jour qui se lève à l’Orient.

Quelques ombres comme moi se glissent

Sans attendre que la nuit palisse,

Soit pêcheurs regagnant leur bord

Pour affronter la Mer du Nord,

Soit vêtus de leur duffle-coat,

Quelques marins des supply-boats

Qui font la richesse de ce port

Enivré aux travaux offshore,

Au cœur des liaisons journalières

Avec les plateformes pétrolières.

J’aime sentir le parfum de mer

Qui accompagne ces hommes de fer,

Mélange d’iode et de gaz-oil

Accroché à leur sac de toile.

Ils portent une aura d’aventure

Comme d’autres une simple vêture

Et arborent de fiers tatouages

Comme on en voit peu à la plage.

Loin d’être nés à Aberdeen

Ils sont venus ancrer leur spleen

Apporter un supplément d’âme

D’Oslo ou encore d’Amsterdam.

Moteur ronflant, cornes brumant

Leurs navires quittent le port dormant

Tandis que la lumière du jour

S’étend enfin tout alentours

Révélant toutes les variétés

Des gris qui composent la cité.



Nulle part au monde, je n’ai pu voir,

Ni même en caresser l’espoir,

Un éclat bleu si rare de ciel

Où s’épanouit le soleil

Que les ardoises des toits reflètent

En se donnant un air de fête

Faisant oublier la grisaille

Qui toujours emporte la bataille.