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Ariel

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Via Dei Riari

22 December 2006 - 04:18 PM

Via dei Riari

(Au delà de l’indigo)



Les murs de l’appartement sont couverts de tes dessins. De ton histoire.

Les couleurs sont tracées en fines parallèles, dans un lignage sérié où le motif achève son mûrissement. Un portrait au crayon, encore marqué par l’enfance ; dans la chambre, face à l’éveil, des paysages dont les teintes se diluent doucement dans le lait de l’aube. Ce sont des collines toscanes. Les plus anciennes à la pâleur homogène. Puis le trait trouve son assurance et vient appuyer l’horizon sur le contraste sombre d’un cyprès, ou d’une façade. Qui a vu le jour derrière ces pierres, qui dormira au pied de cet arbre, dans une juste paix ?

L’appartement est patiné comme un vieux costume, dont tu as reprisé chaque pièce, choisi chaque meuble, chaque éclairage ou contre-jour, sans luxe, sans rigueur, dans le ton. Tout l’étage est à l’abri de la lumière, jusqu’au crépuscule où les rayons se faufilent dans la diagonale du Trastevere.

La pluie d’un hier gris est venue doubler le ciel de tes rideaux. J’ai choisi de visiter ta bibliothèque, y retrouvant çà et là entre les guides touristiques, de vieux amis. Dante. Virginia Woolf, dont les vagues ont pu s’échapper vers la mer. Tu as du étudier un temps l’anglais à la Talbot University toute proche, il te reste des blocs-notes couverts de vocabulaire, et des polycopiés. M’excuseras-tu toutes ces indiscrétions ? Pourtant, tout ici invite à suivre ces morceaux choisis de ta vie, à en reconstituer comme une ébauche de céramique, une jarre, peut-être.

Ce matin la lumière froide de la Lungara appelle à remonter son col. Un petit vent pousse les cheveux couleur café de Galatée à travers les vitres de la Farnesina. Raphaël aussi aimait le pain chaud.

Le Tevere est un fleuve que l’on traverse plus qu’on ne le longe. Là où pourtant, tout le romantisme du monde viendrait écrire son nom à la surface des eaux. La lumière en a gardé beaucoup, captifs à jamais confiés aux chats de la pyramide de Cestio. Byron gravera le pied de sa statue comme les parois d’une prison. « But I have lived, and have not lived in vain. My mind may loose its force, my blood its fire, and my frame perish even in conquering pain. But there is that within me which shall tire torture and time, and breathe when I expire.”



Journey on the Rainbow.

J’ai trouvé ce texte manuscrit entre deux livres. Tu as ajouté des corrections au crayon rouge. Par moments je préfère le texte original où l’anglais hésitant guide le voyageur.

As I ascended the rainbow, the soil became more solid.
Under my feet, and before my eyes I distinguished the seven coloured streams, very clearly.
For a while I kept to the middle and walked on the green which, as it reminded me of meadows was more familiar to me. On my left the yellow colour, and on my right the blue gave out reflections which spread like two luminous guides on either sides.
As I went on, those reflections became higher and formed nearly two hedges, and through each of them the othor colours appeared. On the left beyond the yellow, I saw the orange and red coloured eddying vapours; on the right beyond the blue, violet and indigo haves hovered into one another.
The path had got steeper and I had to slacken my face.


De nombreuses fenêtres de Rome, et surtout de ton quartier sont tendues d’une bannière arc-en-ciel, barrée du mot PACE. Elles ne parleront qu’au vent, mais referont surgir à chaque ruelle la lumineuse incitation à la paix intérieure de ton texte. Peut-être en avais-je besoin. Peut-être le monde a-t-il besoin parfois de petites feuilles de papier oubliées entre deux livres.



J’ai croisé le soir qui tombait vers la montée du Gianicolo. Les arbres abritent des voitures y garant des rendez-vous discrets. Des réverbères s’allument impromptu. Ils viennent à éclairer entre les statues des dignitaires de la république, des banquettes où j’imagine des serments fiévreux et de touchants abandons -deviendrais-je romantique ?…- Le phare des Argentins envoie une lumière verte de cette Rome vivante sur les murs aux barreaux désaffectés de l’ancienne prison, en contrebas de la colline -…Mais ai-je jamais cessé de l’être ?-.



Le cœur de l’appartement est une pièce plus claire, sans porte, où les fauteuils, larges, attendent l’échange. Ils ont sans doute beaucoup à conter, en toutes langues. Entre de longs silences, dont ils peuvent aussi témoigner. Là se propose, à mon avis, le petit chef d’œuvre. Tu sais, celui qui se dévoile à qui le cherche dans les circuits trop bien tracés des musées entre les toiles des grands maîtres.

C’est un cadeau. Une boîte cartonnée, à peine ouverte, les papiers de soie colorée tout juste déplissés. Il en émerge une silhouette enfantine, pâle et souriante, radieuse même, dans son regard qui me dévisage. Sa joue est posée sur un ballon, aux quartiers colorés, qu’elle enserre de ses bras. Tu as dispersé tout l’arc-en-ciel en coups de crayons précis, éthérés, en contrepoint de l’objet noir qu’elle tient dans sa main. Un méticuleux revolver, le chien aux aguets. Sur le devant de la boîte, tu as écrit « My mother ».

Longtemps suis-je resté à réfléchir devant ton dessin, que nous vivions dans de petites boîtes en carton, des tresses de comédies et de drames, si décalés avec les couleurs qui les tapissent.



Les appels du finir, et de l’infini.
Appia Antica, sans espoir, sans traverse. Droite est la voie, impitoyablement. Savoir l’encre obscure versée sur chaque pierre, lisse de tous les regards posés, sans comprendre, comment, pourquoi. Voir les anges cacher dans le silence transi des arbres les tremblements de leurs épaules. Ils ont balayé de leurs ailes toute trace de beauté vers les dalles noires. Ils montent la garde maintenant dans le sombre des cyprès, dessinant l’absence de part et d’autre de la seule issue vers un horizon en fuite. Un trop de vie, trop de temps trop de tout. Oser le visage quitter le sombre du pavé. Est-ce que la désespérance saurait tourner ses pas à cette infinitude, revenir poser sa joue sur le mur sombre et sans fenêtre du mausolée de Metella, arracher ce baiser froid qui scelle ses lèvres sur le silence.



Un (ton ?) visage.
Il est sans complaisance avec celui qui le dépeint. Un trait d’irritation pour ce qu’il gênerait de la concentration de ton regard vers un point de fuite. Tu es étrangère à la scène, déterminée ; toute l’énergie du front soulignée par une frange à l’insolence têtue que je vois réapparaître ici et là sur les murs, les albums. Au dos du dessin, 1966. Tu dois y avoir 10 ans. Nous avons le même âge, et combien de mondes visités.

Questo e un germoglio del cervello,
Un piccolo seme in corsivo
Piantato da un disegno
Doloroso,
Esitante come il vento
Nelle mi …
Rapido come la lingua del torrente


… as-tu écrit sur un champ de chevelure, sous un horizon de clochers, de tours, de minarets. Par quelle porte aurais-je pu entrer dans ton histoire, au moment où je referme celle de chez toi. Je vais quitter ton appartement. Un dernier regard pour cette feuille de chêne, que tu as encadrée d’une calligraphie diluée dans l’aquarelle, au point de la rendre quasi illisible pour qui n’aurait pas ma patience. J’ai traversé Rome en migrateur, refaisant cent fois pourtant le chemin de ta rue, ne trouvant le calme qu’entre tes murs étranges. J’y ai laissé un peu de mon âme. J’espère qu’elle ne te dérangera pas.




- Avril 2003 -

Revuelta

09 December 2006 - 09:06 PM

reVuelta


Il y a vers l’Ouest une sorte d’Amérique dont chaque ligne de collines montant vers l’horizon perd une part de bleu à l’encontre du couchant.
Au col se croisent dans une baratte de chauds et froids des vapeurs d’adrets et d’ubacs.

Ce soir la nature du dire frissonne, comme sentant passer sur elle le vent venant du pays autre. Un à-peine-souffle, à tout juste soulever les poussières du chemin. Quelques unes un peu plus grises. Fines et blêmes au dispersé du sac, tièdes encore, toute corde déliée, elles ont la pâleur de l’enfance quand un matin, elle s’en va rejoindre le monde qui grouille.

Descendre ...

Les ombres s’étirent. Auprès d’elles, dans l’allongée du jour, j’aurais voulu me coucher, juste sur le rebord de la nuit.
Mais n’est-ce pas là que tout commence ?
Là où toute goutte doit choisir une séparation d’entre ses sœurs, une vallée à creuser.



Ce n'est qu’un éveil de fulgurance, un soleil bref s’immisçant au sein de la ramure, grand rapproché des mains du jour autour de la matière endormie, motte brisée promise au gel.
Et le sang retrouvant sa piste parmi les rides, attaque au pic des veines grinçant entre les os.
Et la sagesse, celle dont la définitive ne se résolut qu’à emprunter le droit de la seule voie droite, se désarme, dissoute parmi les ombres.
Une à une elles émergent, fictives, reflets ou refuges, fantasmes, esbroufes, et le clair visage de Twin qui me dit alors la main posée sur l’épaule :
« Ne veux-tu pas être celui-là ? »

...

La descente a posé son rythme sur les aiguilles d’un matin calme.

Pas une voie perdue, une sente borgne ou un passage escarpé qui me soit inconnu. Tout semble familier le long de ce sol modelé, comme la trace des doigts sur le souvenir griffé là, dans la mémoire. Parfois se ressent l’heure d’un genou douloureux, et le souffle se reprend sur ces rives d’attente où les regards s’échappent vers le passé.
Par le sous-bois, une roue de soleil joue dans les strates de feuilles, chaque rayon en fuite. Les ombres se dispersent comme une liberté retrouvée. Elles s’offrent à la quête, à la dénégation, s’éclipsent par un chemin de traverse.
Et Twin est là, qui m’accompagne, triste et sage.

...

Twin me donnait l’impression de le connaître depuis un toujours qui n’avait pas révélé ses origines. Il avait une conscience parfaite de son avenir, de son effacement programmé. De là peut-être, ce parti pris vers un questionnement patient de son passé, de sa mémoire, explorés avec la minutie d’un engrenage. On le voyait alors s’absenter du regard, les yeux plissés comme une pensée qu’on essore. Devait-il voyager sur les cartes d’un monde enfoui, explorant ses envers, oubliant la plupart du temps sa propre latitude, l’idée même du sommeil et toute autre quête que celle d’une sorte d’étymologie personnelle.

Il m’avait offert un chronomètre, dont j’enroulais souvent la chaîne autour de mon poignet pour en écouter dans le creux de la paume la litanie d’une histoire simple, enfin comprise.
Du moins le croyais-je, jusqu’à cette conversation, que nous entretoisâmes de longs silences prudents.

« De temps en temps, n’oublie pas de le remonter.

- Jouerais-tu sur les mots …

- Mais là est pourtant tout le sens de notre histoire », m’avait-il concédé, dans un de ces sourires qui savent abattre les murs.

Son étoffe n’était que nudité, sans pudeur, sans honte. Certes pas celle d’un héros, et d’une complaisance extrême, quand il me présentait mes ombres, et semblait presque les élire ou en répudier les fausses pistes à ma place. »


...

Au soir, nous arrivons en ville par des fumées épaisses. Faubourgs en friches, d’usines, d’entrepôts, tout ventail ouvert et grinçant, friches d’armoises, vitres brisées et pavés disjoints.
La vie semble ici comme un wagon abandonné.
Twin marche devant, mains dans les poches. Assoiffé d’insouciance, descendre l’a vu devenir heureux, renaître.

De nulle part vers l’ailleurs, le double rail de fer traverse la ville de son vaisseau propre, luisant de certitude retrouvée. Le dernier tram est passé, emmenant avec lui sa cargaison de visages absorbés. Mes derniers reflets ont saisi l’occasion d’une figure collée à la vitre pour l’échapper belle, grimpant là sans que je n’aie eu à poinçonner un ticket pour une ombre.

Nous remontons l’avenue, baignés dans sa grande rumeur de cœur qui bat, sans jamais savoir l’unique du trajet de la moindre goutte de sang. Il faudrait s’arrêter pour comprendre. Et toujours l’alarme sonne …
La vie circule à la surface, fluide, lumineuse dans les éclats bleutés des murs rideaux qui ferment les façades. Mais sous la mince pellicule d’asphalte, sait-on que des générations de coquillages sommeillent. Twin les piétine d’une cheville si respectueuse, presque flottante, que les passants s’étonnent de sa démarche empruntée, murmure de pas premiers.

...

La voie s’est élargie, devenue d’élégance.
Notre dénuement erre entre les parfums et les soies, les semblants et les essences. Il rêve de voyages devant les bleus de Méditerranée fondus en reflets de ciel chauds et salés comme des murs de Grèce, et les sables africains égrenant le ventre réglé de la terre dans l’agencement d’une séduction à l’escrime stricte et pure.

Twin, curieux de tout, et en particulier de ce que ceci peut à proprement parler recouvrir, traverse la chaussée pour examiner à travers la grille un regard de béton captant les eaux du caniveau vers le sous-sol, auprès de qui il cultive une sorte de connivence.
De la vitrine suivante, un magasin de fleurs coupées, je ne me souviens que des fragrances. Vertes et blanches. Humides, fraîches comme une aube. Juste avant, très chic, l’enseigne de prêt-à-porter.

Derrière le verre, je vois une femme très belle déshabiller la silhouette crème des mannequins qui vont recevoir la nouvelle collection. Les émanations du fleuriste viennent revêtir, à merveille, l’enchaînement de ses gestes précis, butineurs. Elle bataille les quelques épingles qui ajustent au col le pli d’une étoffe dont la chute se devait d’être irréprochable. J’imagine une aiguille rouge, invisible, à fleur d’épaule. Mais où serait le sang ?
Nos yeux se croisent. Je lui chaparde un sourire. Le temps que s’évapore cet instant de distraction, et le visage de Twin est venu superposer son reflet à celui du mannequin, trait pour trait.

Sans faire de bruit, il s’est approché, et jusqu’à la pointure de la chemise que je lui prêtai le matin même, il s’est ajusté sur le buste. Passage du tangible sur le virtuel, dans le simple de leur présence composée, de part et d’autre du verre.
Il m’aurait semblé à tout autre moment, devoir manifester de l’amusement ou de la curiosité pour cette coïncidence, mais je ne le pus. Je restai pétrifié par l’intensité de l’instant. Il en profita pour disparaître. Mes yeux ne fixèrent plus que la neutralité du polymère, s’interrogeant longuement sur ce qui avait bien pu siéger, à la fois d’infini et de furtif, dans ce « juste-là ». A ne percevoir que l'épaisseur de la transparence, immense, profonde, et le silence absolu.

Je me retournai vers l’avenue, pour entrer dans une sorte de déjà-vu. Les rails du tram étalaient du Nord au Sud les avant et les après ce qu'il m'est apparu, plus tard, avoir été un point zéro. Savoir pour quels « x », quels « y », et quelle ordonnée parmi quels désordres ? Sur les trottoirs circulaient les silhouettes des passants, formatés A4, les visages clos sur des formules de politesses, agréant qui de l’assurance, qui de la considération, parfois une salutation respectueuse.

Twin semblait ne jamais avoir existé.

...

Je ne me revois pas avoir repris ma marche, que j’avais déjà quitté la ville pour ses banlieues calmes, en des ruelles de grande maigreur, où pourtant chaque fenêtre ouverte aurait pu être un étonnement. Mais à qui aurais-je pu dés lors le confier, tant il semblait me faire défaut toute une partie de moi-même ? A cheval sur le calleux d’un diamètre, je vivais pleinement la circonférence du geste, sans celle du dire, et sans la conscience de cette ignorance, au-delà d’une sorte de gêne : certes … ma jambe gauche n’avançait plus.



Il y avait des cris d’enfants, des rires. On entrait dans l’enfance comme le soleil traversant les grilles du jardin. Jeux de quête et d’esquives, bras tendus sur le vide, ou saisissant un cri au passage. Le chemin de clarté se cherchait par les feuillages des arbres, éclairant jusqu’au voile sur les yeux, bandeau tiré sur l’oubli.

De toute pièce furetée se crée l’apparat du souvenir derrière la porte close. Cuirs, sonates et esclandres, la rumeur, les froissements et le frisson.

Ici la lumière joue ses bons offices. Dans la boîte, les ouvrages pelotonnent leur attente comme la chatte y perd ses petits. L’aiguille n’a pas sonné l’heure, - non jamais, ou alors … un peu plus tard – que la bobine, sur un premier coup de dé, dévale ses couleurs.

Une épaule de vichy adosse le poids de quelques semaines à peine dégringolées d’une première ascension. Carreaux à l’exacte alternance de bleu et de blanc, la fenêtre ouverte sur la naissance du monde sourit à l’orée des perrons. A l’huis d’un seul et simple bonjour, sans frapper, se posent le courrier et la bouteille de lait. Comme se détache la capsule, comme le cachet se dissout. Le temps d’y lire et le cœur se creuse ou accélère. Et le regard fuit dans l’angle des degrés où s’abîmeront les genoux. La vie écoule une tartine douce-amère de part et d’autre de la table longue, où les éclats de rires échangent leurs échos de porcelaine.

Hautes lumières, douces, éveillantes, sur des aubes encore transies de rêve, et la main écrit tendre sur le brouillon d’une tempe quand des chorales algiques y posent leurs canons.




Plus loin encore, mais était-ce flou … le jour cabré, et d’une cour à l’autre enfermé, je marchai, le long des perspectives…

La nuit, campagne rase comme un couloir où l’on tâtonnait, entre la paroi glabre du vide et celle du rien, du devenu rien, lissé, des socles aux idoles disparues, tout objet absent, jusqu’aux marques de poussière, aux taches plus claires sur le mur, nettoyées, dissoutes. N’y avait-il aucune issue de part et d’autre, que dans ce sol sans trêve aspirant les yeux ?

Au piquant d’une ronce, à l’arête d’un rocher, à la saignée d’une veine, perla la fine ligne rouge, droite comme un rai de lumière filtrant de sous une porte. La méfiance pinçait mes lèvres. Toute porte est trompeuse ? Le seuil est doux au regard, séduisant la cheville, puis si douloureux au cou du franchissement.

...

Elle s’entrebailla, comme l’aube tire son rideau sur le presque-rêve. Une silhouette en blouse blanche tourna vers moi une merveille de feinte au sourcil froncé, le doigt posé sur son sourire. Elle remonta le mécanisme de la boîte à musique, comme elle aurait posé sur le chevet les gouttes soigneusement comptées au dessus d’un cœur aux variations fragiles.



"Fleur,
semée dans la graine
germée d'une lointaine Arietta,

posée
dans l'atmosphère calme
d'un juste après premier cri.

Eveil premier,
ouvert sur le silence
d'alvéoles à la soie à peine déplissée.

Va et vient de corolles blanches
qui posent sur la chambre,
leur ordre de verre.

Lumière qu'on ajuste,
ruissellement de source,
sur toute soif à venir.

Porte,
fermée silencieusement
sur les bruits insouciants d'un monde qui s'ouvre.



La mélodie se fige
dans l'exacte figure de la première,
notes imperceptiblement tenues,

écho insinué
d'une existence,
dont l'infinité s'abrège.

Va et vient
de corolles blanches
qui posent leur ordre de verre,

stores abaissés sur la lumière,
toutes eaux asséchées,
sur une éternité de soif.

Des voix, que l'on cherche,
que l'on distingue,
mais que l'on entend plus.

Froissement des draps,
sur les mains qui ont cessé de trembler
dans leur sage à-plat,

éteint,
ce frémissement dans lequel elles croyaient toucher,
de presqu'autres doigts."


...

Un silence autre était peint sur les murs, le blanc des draps, le calme des fenêtres. Twin ouvrit juste ce regard patient et curieux que je lui connaîtrais toujours, épiant les reflets sur les parois de sa couveuse, mince barque de verre où venaient d’échouer ses quelques livres. Quel geste l’avait semé dans ce juste-là, dans le fil d’une musique si simple, sans nœud, ni fermoir.

<dans La Faille Du 8ème Jour

28 November 2006 - 02:58 PM

Dans la faille du huitième jour.


"Les oiseaux sont des trous dans le ciel par où les hommes peuvent s'échapper"
Cité par Jim Harrison, dans "En marge".


Dans les engrenages s’immisce le sable :
Où est l’heure du jour, qui est un nouveau jour
Où est la nuit de la nuit …

Canku owotana
Des chemins droits qui me bercent
et leurs rives,
deux mains qui bordent les tempes du sommeil.

Le peuple nomade des rêves a levé le camp pour l’entre-temps.
Une eau noire qui aussitôt se referme, porte dont on entend le bruit sec du verrou tiré avant d’avoir pris la mesure de son franchissement,
l’éveil, à la prudence si difficile à maintenir quand toute conscience se dissout,
comme lassée d’elle-même.

Les nuages empilent leur heureux désordre dans le ciel,
Avant même qu’au pied de l’arbre la terre puisse dire : la soif est menace.
Mais lui, il ne dirait rien.

- l’arbre, et le ciel, et la terre se nourrissent de la même respiration que toi, te rassurent que tout ceci n’a pas la moindre importance, que toute pensée est aussi superflue que celui qui l’émet est négligeable. Elle ne ferait que soustraire un peu de sa vérité au réel. Elle ne serait qu’illusion là où le sentiment est  un défaut de sensation.

N’être parfois qu’une idée… Riche, pauvre.

L’oubli est passé au large, rebroussant jusqu’aux dernières pentes montées du col.
Abstraction faite de l’événement dans l’emporte-pièce d’un trou
il a effacé le moment du passage, le calme retrouvé du souffle
puis les longues minutes de descente
planant comme un faucon sur des chemins d’ânes ou de pèlerins.

Entre lignes, et interlignes,
toutes voix éteintes
le temps a pris la fuite parmi les éclats a capella du silence.
Paupière ouverte, comme on se hisse sur une berge,
tache rouge dans les vagues plissées du bleu,
c’est un ciel qui te tend la main

Il te resterait cette empreinte, vide qui te semblait aussi tangiblement familier que la mémoire au sein de laquelle il venait de prendre place, absence creusée, là.
Et le sommeil pour effacer de ses coups de balai, encore et encore, les traces résistantes, comme des marques de freinage à la surface de l’oubli.


- les bruits de ce freinage. Les cris de ce freinage.

Canku owotana ohna mawapi
Cet entretien de quelques secondes,
tu n’as plus aucun souvenir

Bleu - (horizon)

14 November 2006 - 03:42 PM

Bleu – (horizon)


C’est toute une lumière qui éblouit les branches quand elle rompt son vœu de pénombre. Au pied d’un clocher simple, la broussaille encore permise aux cheveux, la besse s’effeuille parmi les parures sèches de l’être

Oeil rivé sur la poésie comme une fleur à la baïonnette de la boutonnière,
c’est le chant du départ
Sonne l’heure –Est-ce le jour ?
Dans un remous de fer les lèvres trempent les armes du dire

Fatigué de la vie qu’on a pas vécue,
attendre
Attendre que siffle l’allumée de la mèche au travers du front, et bientôt vivre ne sera plus qu’une plaie où s’accrocher au rebord de la douleur
Oui, le jour monte
De l’Est un tumulte de fer et de terre retournés
porte un deuil de l’autre côté du regard
Déjà il n’est plus temps d’inquiétude.
Dans le bois l’envolée du geai lance un chant de pierre fauve et bleu,
et sous les crosses demeurent les corps allongés des ordres en déroute
à faire grincer le portail des enclos

Horizon ! Bleu.
Comme une alouette la fumée tire droit dans le ciel
le chant qui va se taire
des dernières braises du camp
Horizon ! Rouge.
Horizon ... Fer
Ce cœur que tu tiens entre tes mains liées
de haine lavée
comme par la tendresse aux flancs des volcans éteints
Bleu.
C’est le jour, te dis-je
et le genou se lève par les vallées pour une campagne triste


(Turlande, le 2 novembre 2006)

Home

27 October 2006 - 10:47 PM

Home


Ils ont dit que ce serait une belle journée,
Feuilles mouillées,
Enfance courant sur le trottoir.

- elle s’arrête au croisement de l’avenue,
Se retourne,
Et disparaît.


Dans le matin d’automne
Un vent froid venait de la direction du soleil.
Et les deux jouaient comme des gamins turbulents
A m’éblouir entre les feuilles des marronniers.

Dos tourné à la discorde,
Je déplaçai la chaise, comme pour me protéger.
Je ne saisis que bien plus tard l’importance qu’il aurait fallut y prêter.



Toutes tuiles déposées de l’abri
- cheveux qu’on arrache en repliant l’énigme -
Carrousel d’Octobre
A Mars, ces chants qu’il faudrait traverser
Ces regards que l’on croise,
Le grand ouvert de l’étonnement
L’illusoire autorité portée haut-de-forme
La pauvreté de qui ne doute plus de lui-même, confiant en sa ruine claire.
Autant d’autoportraits qu’on instruit comme des procès que l’on dresse


Que verrais-tu sur ce visage
D’autre
Que sur ces dizaines de visages
Retournés aujourd’hui, demain,
Sur ton passage « Vous êtes belle, Madame, et je vous aime …»
Et souriante tu passerais ton chemin
A chercher plus loin la voie
De l’heureusement inaccessible



Chaotique,
L’armée du Rhin hale ses vertèbres
Vers les quais de l’Arsenal,
Canons pointés sur les tempes.

Lèvres désincarnées comme des baies grand ouvertes
Qui grisent légèrement l’éminence
Dans les vapeurs rouges du Cardinal

S’étonner encore
Que d’un saut
Je pusse marcher
Sur la passerelle du hasard
Vers l’Institut de beauté


Un fleuve,
Un rail.
Toujours une rive à longer
Comme serrant ses petites mains sur l’ossature du poignet,
La Réminiscence du droit chemin.




(Paris, le 22 octobre 2006)