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Revuelta


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3 replies to this topic

#1 Ariel

Ariel

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  • TLPsien
  • 538 posts

Posted 09 December 2006 - 09:06 PM

reVuelta


Il y a vers l’Ouest une sorte d’Amérique dont chaque ligne de collines montant vers l’horizon perd une part de bleu à l’encontre du couchant.
Au col se croisent dans une baratte de chauds et froids des vapeurs d’adrets et d’ubacs.

Ce soir la nature du dire frissonne, comme sentant passer sur elle le vent venant du pays autre. Un à-peine-souffle, à tout juste soulever les poussières du chemin. Quelques unes un peu plus grises. Fines et blêmes au dispersé du sac, tièdes encore, toute corde déliée, elles ont la pâleur de l’enfance quand un matin, elle s’en va rejoindre le monde qui grouille.

Descendre ...

Les ombres s’étirent. Auprès d’elles, dans l’allongée du jour, j’aurais voulu me coucher, juste sur le rebord de la nuit.
Mais n’est-ce pas là que tout commence ?
Là où toute goutte doit choisir une séparation d’entre ses sœurs, une vallée à creuser.



Ce n'est qu’un éveil de fulgurance, un soleil bref s’immisçant au sein de la ramure, grand rapproché des mains du jour autour de la matière endormie, motte brisée promise au gel.
Et le sang retrouvant sa piste parmi les rides, attaque au pic des veines grinçant entre les os.
Et la sagesse, celle dont la définitive ne se résolut qu’à emprunter le droit de la seule voie droite, se désarme, dissoute parmi les ombres.
Une à une elles émergent, fictives, reflets ou refuges, fantasmes, esbroufes, et le clair visage de Twin qui me dit alors la main posée sur l’épaule :
« Ne veux-tu pas être celui-là ? »

...

La descente a posé son rythme sur les aiguilles d’un matin calme.

Pas une voie perdue, une sente borgne ou un passage escarpé qui me soit inconnu. Tout semble familier le long de ce sol modelé, comme la trace des doigts sur le souvenir griffé là, dans la mémoire. Parfois se ressent l’heure d’un genou douloureux, et le souffle se reprend sur ces rives d’attente où les regards s’échappent vers le passé.
Par le sous-bois, une roue de soleil joue dans les strates de feuilles, chaque rayon en fuite. Les ombres se dispersent comme une liberté retrouvée. Elles s’offrent à la quête, à la dénégation, s’éclipsent par un chemin de traverse.
Et Twin est là, qui m’accompagne, triste et sage.

...

Twin me donnait l’impression de le connaître depuis un toujours qui n’avait pas révélé ses origines. Il avait une conscience parfaite de son avenir, de son effacement programmé. De là peut-être, ce parti pris vers un questionnement patient de son passé, de sa mémoire, explorés avec la minutie d’un engrenage. On le voyait alors s’absenter du regard, les yeux plissés comme une pensée qu’on essore. Devait-il voyager sur les cartes d’un monde enfoui, explorant ses envers, oubliant la plupart du temps sa propre latitude, l’idée même du sommeil et toute autre quête que celle d’une sorte d’étymologie personnelle.

Il m’avait offert un chronomètre, dont j’enroulais souvent la chaîne autour de mon poignet pour en écouter dans le creux de la paume la litanie d’une histoire simple, enfin comprise.
Du moins le croyais-je, jusqu’à cette conversation, que nous entretoisâmes de longs silences prudents.

« De temps en temps, n’oublie pas de le remonter.

- Jouerais-tu sur les mots …

- Mais là est pourtant tout le sens de notre histoire », m’avait-il concédé, dans un de ces sourires qui savent abattre les murs.

Son étoffe n’était que nudité, sans pudeur, sans honte. Certes pas celle d’un héros, et d’une complaisance extrême, quand il me présentait mes ombres, et semblait presque les élire ou en répudier les fausses pistes à ma place. »


...

Au soir, nous arrivons en ville par des fumées épaisses. Faubourgs en friches, d’usines, d’entrepôts, tout ventail ouvert et grinçant, friches d’armoises, vitres brisées et pavés disjoints.
La vie semble ici comme un wagon abandonné.
Twin marche devant, mains dans les poches. Assoiffé d’insouciance, descendre l’a vu devenir heureux, renaître.

De nulle part vers l’ailleurs, le double rail de fer traverse la ville de son vaisseau propre, luisant de certitude retrouvée. Le dernier tram est passé, emmenant avec lui sa cargaison de visages absorbés. Mes derniers reflets ont saisi l’occasion d’une figure collée à la vitre pour l’échapper belle, grimpant là sans que je n’aie eu à poinçonner un ticket pour une ombre.

Nous remontons l’avenue, baignés dans sa grande rumeur de cœur qui bat, sans jamais savoir l’unique du trajet de la moindre goutte de sang. Il faudrait s’arrêter pour comprendre. Et toujours l’alarme sonne …
La vie circule à la surface, fluide, lumineuse dans les éclats bleutés des murs rideaux qui ferment les façades. Mais sous la mince pellicule d’asphalte, sait-on que des générations de coquillages sommeillent. Twin les piétine d’une cheville si respectueuse, presque flottante, que les passants s’étonnent de sa démarche empruntée, murmure de pas premiers.

...

La voie s’est élargie, devenue d’élégance.
Notre dénuement erre entre les parfums et les soies, les semblants et les essences. Il rêve de voyages devant les bleus de Méditerranée fondus en reflets de ciel chauds et salés comme des murs de Grèce, et les sables africains égrenant le ventre réglé de la terre dans l’agencement d’une séduction à l’escrime stricte et pure.

Twin, curieux de tout, et en particulier de ce que ceci peut à proprement parler recouvrir, traverse la chaussée pour examiner à travers la grille un regard de béton captant les eaux du caniveau vers le sous-sol, auprès de qui il cultive une sorte de connivence.
De la vitrine suivante, un magasin de fleurs coupées, je ne me souviens que des fragrances. Vertes et blanches. Humides, fraîches comme une aube. Juste avant, très chic, l’enseigne de prêt-à-porter.  

Derrière le verre, je vois une femme très belle déshabiller la silhouette crème des mannequins qui vont recevoir la nouvelle collection. Les émanations du fleuriste viennent revêtir, à merveille, l’enchaînement de ses gestes précis, butineurs. Elle bataille les quelques épingles qui ajustent au col le pli d’une étoffe dont la chute se devait d’être irréprochable. J’imagine une aiguille rouge, invisible, à fleur d’épaule. Mais où serait le sang ?
Nos yeux se croisent. Je lui chaparde un sourire. Le temps que s’évapore cet instant de distraction, et le visage de Twin est venu superposer son reflet à celui du mannequin, trait pour trait.

Sans faire de bruit, il s’est approché, et jusqu’à la pointure de la chemise que je lui prêtai le matin même, il s’est ajusté sur le buste. Passage du tangible sur le virtuel, dans le simple de leur présence composée, de part et d’autre du verre.
Il m’aurait semblé à tout autre moment, devoir manifester de l’amusement ou de la curiosité pour cette coïncidence, mais je ne le pus. Je restai pétrifié par l’intensité de l’instant. Il en profita pour disparaître. Mes yeux ne fixèrent plus que la neutralité du polymère, s’interrogeant longuement sur ce qui avait bien pu siéger, à la fois d’infini et de furtif, dans ce « juste-là ». A ne percevoir que l'épaisseur de la transparence, immense, profonde, et le silence absolu.

Je me retournai vers l’avenue, pour entrer dans une sorte de déjà-vu. Les rails du tram étalaient du Nord au Sud les avant et les après ce qu'il m'est apparu, plus tard, avoir été un point zéro. Savoir pour quels « x », quels « y », et quelle ordonnée parmi quels désordres ? Sur les trottoirs circulaient les silhouettes des passants, formatés A4, les visages clos sur des formules de politesses, agréant qui de l’assurance, qui de la considération, parfois une salutation respectueuse.

Twin semblait ne jamais avoir existé.

...

Je ne me revois pas avoir repris ma marche, que j’avais déjà quitté la ville pour ses banlieues calmes, en des ruelles de grande maigreur, où pourtant chaque fenêtre ouverte aurait pu être un étonnement. Mais à qui aurais-je pu dés lors le confier, tant il semblait me faire défaut toute une partie de moi-même ? A cheval sur le calleux d’un diamètre, je vivais pleinement la circonférence du geste, sans celle du dire, et sans la conscience de cette ignorance, au-delà d’une sorte de gêne : certes … ma jambe gauche n’avançait plus.



Il y avait des cris d’enfants, des rires. On entrait dans l’enfance comme le soleil traversant les grilles du jardin. Jeux de quête et d’esquives, bras tendus sur le vide, ou saisissant un cri au passage. Le chemin de clarté se cherchait par les feuillages des arbres, éclairant jusqu’au voile sur les yeux, bandeau tiré sur l’oubli.

De toute pièce furetée se crée l’apparat du souvenir derrière la porte close. Cuirs, sonates et esclandres, la rumeur, les froissements et le frisson.

Ici la lumière joue ses bons offices. Dans la boîte, les ouvrages pelotonnent leur attente comme la chatte y perd ses petits. L’aiguille n’a pas sonné l’heure, - non jamais, ou alors … un peu plus tard – que la bobine, sur un premier coup de dé, dévale ses couleurs.

Une épaule de vichy adosse le poids de quelques semaines à peine dégringolées d’une première ascension. Carreaux à l’exacte alternance de bleu et de blanc, la fenêtre ouverte sur la naissance du monde sourit à l’orée des perrons. A l’huis d’un seul et simple bonjour, sans frapper, se posent le courrier et la bouteille de lait. Comme se détache la capsule, comme le cachet se dissout. Le temps d’y lire et le cœur se creuse ou accélère. Et le regard fuit dans l’angle des degrés où s’abîmeront les genoux. La vie écoule une tartine douce-amère de part et d’autre de la table longue, où les éclats de rires échangent leurs échos de porcelaine.

Hautes lumières, douces, éveillantes, sur des aubes encore transies de rêve, et la main écrit tendre sur le brouillon d’une tempe quand des chorales algiques y posent leurs canons.




Plus loin encore, mais était-ce flou … le jour cabré, et d’une cour à l’autre enfermé, je marchai, le long des perspectives…

La nuit, campagne rase comme un couloir où l’on tâtonnait, entre la paroi glabre du vide et celle du rien, du devenu rien, lissé, des socles aux idoles disparues, tout objet absent, jusqu’aux marques de poussière, aux taches plus claires sur le mur, nettoyées, dissoutes. N’y avait-il aucune issue de part et d’autre, que dans ce sol sans trêve aspirant les yeux ?

Au piquant d’une ronce, à l’arête d’un rocher, à la saignée d’une veine, perla la fine ligne rouge, droite comme un rai de lumière filtrant de sous une porte. La méfiance pinçait mes lèvres. Toute porte est trompeuse ? Le seuil est doux au regard, séduisant la cheville, puis si douloureux au cou du franchissement.

...

Elle s’entrebailla, comme l’aube tire son rideau sur le presque-rêve. Une silhouette en blouse blanche tourna vers moi une merveille de feinte au sourcil froncé, le doigt posé sur son sourire. Elle remonta le mécanisme de la boîte à musique, comme elle aurait posé sur le chevet les gouttes soigneusement comptées au dessus d’un cœur aux variations fragiles.



"Fleur,
semée dans la graine
germée d'une lointaine Arietta,

posée
dans l'atmosphère calme
d'un juste après premier cri.

Eveil premier,
ouvert sur le silence
d'alvéoles à la soie à peine déplissée.

Va et vient de corolles blanches
qui posent sur la chambre,
leur ordre de verre.

Lumière qu'on ajuste,
ruissellement de source,
sur toute soif à venir.

Porte,
fermée silencieusement
sur les bruits insouciants d'un monde qui s'ouvre.



La mélodie se fige
dans l'exacte figure de la première,
notes imperceptiblement tenues,

écho insinué
d'une existence,
dont l'infinité s'abrège.

Va et vient
de corolles blanches
qui posent leur ordre de verre,

stores abaissés sur la lumière,
toutes eaux asséchées,
sur une éternité de soif.

Des voix, que l'on cherche,
que l'on distingue,
mais que l'on entend plus.

Froissement des draps,
sur les mains qui ont cessé de trembler
dans leur sage à-plat,

éteint,
ce frémissement dans lequel elles croyaient toucher,
de presqu'autres doigts."


...

Un silence autre était peint sur les murs, le blanc des draps, le calme des fenêtres. Twin ouvrit juste ce regard patient et curieux que je lui connaîtrais toujours, épiant les reflets sur les parois de sa couveuse, mince barque de verre où venaient d’échouer ses quelques livres. Quel geste l’avait semé dans ce juste-là, dans le fil d’une musique si simple, sans nœud, ni fermoir.

#2 Tyi

Tyi

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  • TLPsien
  • 614 posts

Posted 09 December 2006 - 10:05 PM

Quel doux songe !
On oublie ce qui est autour de soi,
Juste soi, pris le vague à l’âme

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[Ce texte est sensuel et l’on aimerait bien s’y assoupir]

Des jours révélés, des minutes -failles
Scandent l’éternité
La musique
Et le cœur en pagaille. Lectures,
Belles lectures,
Continue à nous écrire.

#3 Tyi

Tyi

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  • TLPsien
  • 614 posts

Posted 13 December 2006 - 01:42 PM

Décrocher le poème en italique à deux voix.

#4 Ariel

Ariel

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  • TLPsien
  • 538 posts

Posted 22 December 2006 - 04:09 PM

La passion reliait l’écriture en une histoire.
Quand la passion a réalisé qu’elle était passion,
elle a rejoint l’enfance,
au moment où l’enfance a éprouvé que l’été était arrivé.





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