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[Ariel]

Bleu – (horizon)


C’est toute une lumière qui éblouit les branches quand elle rompt son vœu de pénombre. Au pied d’un clocher simple, la broussaille encore permise aux cheveux, la besse s’effeuille parmi les parures sèches de l’être

Oeil rivé sur la poésie comme une fleur à la baïonnette de la boutonnière,
c’est le chant du départ
Sonne l’heure –Est-ce le jour ?
Dans un remous de fer les lèvres trempent les armes du dire

Fatigué de la vie qu’on a pas vécue,
attendre
Attendre que siffle l’allumée de la mèche au travers du front, et bientôt vivre ne sera plus qu’une plaie où s’accrocher au rebord de la douleur
Oui, le jour monte
De l’Est un tumulte de fer et de terre retournés
porte un deuil de l’autre côté du regard
Déjà il n’est plus temps d’inquiétude.
Dans le bois l’envolée du geai lance un chant de pierre fauve et bleu,
et sous les crosses demeurent les corps allongés des ordres en déroute
à faire grincer le portail des enclos

Horizon ! Bleu.
Comme une alouette la fumée tire droit dans le ciel
le chant qui va se taire
des dernières braises du camp
Horizon ! Rouge.
Horizon ... Fer
Ce cœur que tu tiens entre tes mains liées
de haine lavée
comme par la tendresse aux flancs des volcans éteints
Bleu.
C’est le jour, te dis-je
et le genou se lève par les vallées pour une campagne triste


(Turlande, le 2 novembre 2006)

[smoke]

De ce texte, comme d'habitude, pour moi, émane un sentiment d'irrémédiable solitude et tristesse. . Celle qui donne envie de pleurer.
Pleurer ? Non plus seulement. Envie de paix aussi. Envie que tu trouves la paix Ariel.
Je repense à Bleiben à ton univers.
J'ai appris la relativité de tout y compris du malheur.
Je sais que tout dérive sans cesse, Tout craque. Que même le bleu le plus bleu, le bleu le plus intense se délave et part en fumée.

Les mots de ce texte, comme les autres fois, m'attirent et me poussent à les fuir (et non seulement fuguer) pour m'éloigner à grandes enjambées de ce :
"vivre ne sera plus qu’une plaie où s’accrocher au rebord de la douleur "

Très belle phrase Ariel . Faut-il avoir autant souffert, ou encore autant souffrir, pour savoir si bien l'écrire ?
Je t'embrasse

[Ariel]

Chère griotte,

Te dirai-je que tu fais fausse route ?
- Oui, et je sais que notre vieille complicité n'en souffrira pas.
Aaaahh les approximations de ta boussole ...

Par ici le Nord :

Il y a à Pierrefort (département du Cantal, arrondissement de Saint Flour, bref, ces loins-de-tout où j'aime marner depuis l'oligocène...), sur la place de l'église, comme sur toutes les places de l'église, un monument aux morts. Petit coup d'oeil discret qui devient aussitôt de foudre ...
Notamment pour la gestuelle extraordinaire de ses deux avant-bras, je suis immédiatement tombé amoureux de cette femme, que le soleil venait d'éclairer d'un demi-contrejour glacé toute la rigueur de son profil de bronze.

Le temps d'une boucle jusqu'au rocher de Turlande, j'ai écrit quelques mots à cette femme.
Simplement construit à partir de ce que j'avais sous les yeux en marchant.
Non, je n'ai encore jamais fait l'expérience d'un éclat d'obus de 75 (peut-être le mériterais-je), mais j'imagine que la douleur, physique, palpable, immanente, tient jusqu'au bout en éveil.

Voilà, on ne me refait pas.


Si je dois un jour souffrir d'une quelconque souffrance morale, je ne la mettrai pas en écriture. Peut-être même je n'en parlerai pas à mon docteur...
La thématique de "Bleiben" est autre. C'est le regard sur la première fois, l'enfermement dans la mémoire, cette lutte pour en découdre et une sorte de fidélité à l'éternel retour. C'est un texte au sujet du doute sur sa propre lucidité, d'où cette sorte de lumière en arrière-plan. Mais je n'ai rien inventé, et d'autres l'ont écrit beaucoup mieux que moi.


Bon, comme d'habitude, je parle trop de moi et je ne suis pas sûr que ce soit très instructif.

De ce texte ... -quel canon ... mais c'est toujours prélude à fugue, n'est-ce pas ???

Je t'embrasse

Moi aussi chère fumée,
avec toujours autant de plaisir

Edited by Ariel, 16 November 2006 - 09:40 AM.

[Raoul]

Serein justement j'ai trouvé
a.

[Tyi]

Tes écrits sont comme des peintures avec ce jeu incessant premier plan/arrière plan que j'ai retrouvé chez Guillevic (tiens donc! Merci pour le tuyau) : Du Réel à l'intime, l'Etre nature.
Je rejoins a., sérénité, l'existence en dedans.
Suis toujours confuse quand il s'agit de dire j'aime.

Bises

"Craque
Alors, l'épure,
[...]
Qui dans l'espace
Dominait."


Réseau- Guillevic

[bohemia]

On retrouve bien cet ambiance de village, l'église avec son cimetière et la porte qui grince. et ce vieux monument aux morts, presque désuet, pourtant là. Tu nous amènes un peu d'amour et de sérénité de ce village des cévennes. Etrange quand même de parler d'amour devant le monument aux morts. Un peu comme si tout le village venait aux mariages, aux baptèmes et aux enterrements.

Joli ambiance de village en tout cas

Amitiés
Bohémia

[smoke]

et pour ce soir,
une fugue pour Turland ...

[Carla.]

Un étrange et beau lien au passé, à la mémoire, qui s'attache à beaucoup de tes textes. J'aime beaucoup cette première phrase qui nous dépose en quelque sorte dans le décor et au plus près de ce face à face, presqu'intimiste. On aimerait avoir tes yeux, pour ne pas trahir...

[Ariel]

Merci de ton passage, tois ....


Parler d'amour à un monument aux morts ...

C'est difficile à imaginer, oui.
Il existe bien un lien, mais je ne trouve pas l'image fidèle à ce que j'ai vu
à l'heure et dans la lumière où je l'ai vue ( Ah, mes yeux, dis-tu ...).

Cela vaut bien de sortir un peu - beaucoup, à un Aubrac près - plus au Nord que les Cévennes
(ici les cantons sont plus petits qu'en Suisse)

Je dirais que dans cette statue se lit tout l'amour
que pouvait avoir l'homme tombé au front, pour une femme capable d'une telle attitude
Mais je n'ai fait que lui répondre, timidement, et en restant à l'écart du débat,
bien au delà du village
par un gribouillis dont tout laisse à penser qu'elle ne le lira pas ...

Tes deux remarques sur l'ici et le maintenant, le là et l'avant ...
Si, si.
Merci.
Beaucoup.
Je ne crois pas que ce soit pré, ni même médité.
Mais j'ai remarqué, aussi, qu'écrire en poésie permettait cette superposition du "devant", du "loin", et de l'"en-dedans"
Que peut-être pour moi ce n'était guère plus que cela ...
Ou juste quelques oeillets à la boutonnière, pour atténuer la raideur de la redingote
- j'aime beaucoup les redingotes


Simple, non ?

[bohemia]

Je vois Lucie Aubrac, qui a déplacée des montagnes par amour. Les circonstances peuvent nous rendre lâche ou héros. Mais quelquepart, as-ton le choix de résister ou mourir?

Je t'imagine en redingote, avec un oeillet en boutonnière dans le village...

Amitiés
bohémia

[Pierre-Yves]

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