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Vasavoirsi

Member Since 21 Jul 2006
Offline Last Active Dec 22 2006 10:42 AM
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Posts I've Made

In Topic: Le Clochard Et L'écrivain

23 November 2006 - 09:30 AM

Elle était là, devant moi, posée sur le bureau, blanche, livide. Totalement vide. Cela faisait un moment que je l’observais. De longues minutes, peut-être même des heures.
Je n’avais plus aucune réalité, que celle de cette absence-là des mots. Des dessins. Des ratures. Des ébauches de lettres, même de simples traits, de commencement d’histoires.
Rien. Absolument rien.
J’ai mis mes mains sur mon visage et j’ai pensé à eux.
D’abord avec crainte, une étrange peur de les décevoir. Vous savez quand vous promettez quelque chose et que vous ne tenez pas vos engagements. Je me suis dit que tout ce vide c’était ma faute. J’avais engendré le chaos. J’avais créé un univers instable, un beau château de cartes qui n’avait pas tenu au premier souffle du néant. Et eux, à l’intérieur, avaient péri, au milieu des batailles incertaines, joué et perdu sur un coup de poker. Je ne valais pas mieux que le reste du monde. Je ne valais surtout pas ce monde-là. Je ne valais pas Amosis. Eléonore m’avait quitté. Elle avait interdit mon nom dans ses histoires étranges. J’étais banni. Irsène m’avait relégué au rang de folles, schizophrène et psychotique et m’avait prescrit des doses de cachets orange. L’infirmière restait debout devant moi, voulant être sûre que je ne les jetterais pas. Que je les prendrais comme une patiente bien sage.
Je les ai pris, je crois. Il me semble. Je ne me souviens plus très bien. Il n’y a pas de couleur sur ma page. Pas de orange. Elle est simplement blanche.
Je la regarde et je me dis qu’il faudrait peut-être tout simplement arrêter. Arrêter de tenter d’écrire. Ou alors gribouiller quelques mots, jeter sur le papier des insanités, les raturer, en redire d’autres et prendre de rage la feuille, la réduire en boule, la balancer à la poubelle. Faire ça, ce serait bien. Mieux pour tout le monde. Il y a peut-être des vies dans les tas d’immondices. C’est sans doute sa place, son devenir. Rester là à attendre le camion-benne et traverser toute la ville, faire un étrange voyage entre une pomme à peine entamée et une canette de soda. Survivre à la cigarette mal éteinte. Suivre les autres déchets et arriver au milieu d’autres. Prendre la pluie puis le soleil. Résister tant bien que mal aux intempéries. Puis perdre les quelques mots écrits, les sentir s’effacer, perdre de sa texture, se désagréger. S’éparpiller avec le vent comme les cendres d’une vie défunte à qui l’on a rendu sa liberté.
La page est blanche. Livide de mon trop long silence, de mon devenir incertain, de mes lâchetés quotidiennes. Mes mots se sont tus avec une facilité déconcertante. Je n’ai pas eu à ressentir le poids pesant de la fin. C’est arrivé comme cela, un matin. Elle est là, posée devant moi, et je la regarde, translucide. Ouverture de glace sur un monde en transparence. Reflet de cette vie-là qui se montre et m’échappe. Histoire sans début ni fin. Brèves de comptoir et esquisses parjure.
Je vois mon monde que je ne peux plus atteindre. Je touche la glace, la caresse, efface la buée. Je les vois. Je les regarde. Je les vois au loin. Ils me regardent tous aussi. Ils me jaugent. Ils ne disent rien. Je sais bien qu’ils ne diront rien tant que je ne leur donnerai pas l’ordre. Tant que je n’aurai pas le courage des mots.
Eux. Tous mes personnages ont pris place là où il pouvait. Là où le roman s’était arrêté. Ils attendaient mon bon vouloir. Ils attendaient tous que je revienne. Il continuait à communiquer entre eux. Ils poursuivaient leurs vies.
Les personnages de roman ne meurent jamais. Ils sont comme ces jouets dans les malles. Quand les enfants dorment, ils se réveillent et ils vivent. Ils continuent les histoires. S’en racontent d’autres. Ces personnages-là, on leur a insufflé la vie. Ils ont rejoint le monde des vivants, des héros qui ne meurent jamais, même ceux qui succombent sous le coup de poignard, même ceux qui se pendent, même ceux qui disparaissent au fil des lignes pour des raisons moins graves. C’est magique. Il suffit d’une page en arrière. D’une page retrouvée. D’un nouveau mot, puis d’un autre mot. Une simple phrase et ils reviennent.
La page est glace. Terrible de toutes ces évidences. La page est miroir, devant, derrière mes ombres qui dansent. Dans la lumière de leurs étranges présences, je vois mon visage en transparence.

Corinne

In Topic: Les Petites Vieilles

21 November 2006 - 01:39 PM

suite...


La jeune femme s’avança vers elle. Elle la fixa de ses yeux bleu acier et lui sourit.


-Bonjour, Eléonore. Je ne savais pas si tu aurais un jour, le courage de venir me voir. Souvent, j’attends en vain. Les gens n’osent pas. Ils pensent que je fais partie de leur imagination, ou alors bien trop ancrée dans la réalité. Une excentrique de plus dans le paysage. Qui joue avec ses mains, qui danse, divague. La folie n’est elle pourtant pas le chemin le plus court vers le passage ?

Eléonore ne disait rien. Elle écoutait la jeune femme parler. Elle n’était pas plus étonnée que cela qu’elle connaisse son prénom. Elle avait, elle aussi ce sentiment de déjà vu. Cette émotion puissante qu’elle comparait à l’amour. Elle n’avait jamais ressenti une sensation si forte. Comme une évidence. Plus que cela. Une révélation. Cette femme faisait partie de sa vie. Elle avait quelque chose à avoir avec sa vie. Elle ne savait pas comment ni pourquoi mais elle en était certaine. Tout se bousculer dans sa tête. Elle était désorientée. Et devant, derrière elle, le paysage fondait. Le soleil se transformait en lumière orangée. Le vert dominant s’épaississait. Le bleu du ciel coulait. Aucune des couleurs ne se réunissait. Aucune ne se mélangeait. Tout était bien distinct. Rien n’était dû au hasard. Cette rencontre même, était prévu depuis des années. Depuis un temps fou, perdu à jamais.

In Topic: Avant La Fête.

23 October 2006 - 07:16 AM

Citation (le hamster @ Oct 22 2006, 10:12 PM) <{POST_SNAPBACK}>
Dans les textes de Corinne, c'est toujours la chute qui tue...!  tongue.gif  wink.gif


Sourire.
En ce moment, j' y peux presque rien, j'écris des romans policiers. Il me faut bien quelques morts. Cela dit grande question, peut on écrire des romans policiers sans tuer ?

Je t'embrasse.

Corinne

In Topic: Les Mains Des Esclaves

21 October 2006 - 01:07 PM

Citation (serioscal @ Oct 21 2006, 07:55 AM) <{POST_SNAPBACK}>
Moi j'aime bien !

La première phrase me paraît problématique. Pour une fois, j'aurais mis un point plutôt qu'une virgule entre les deux segments - pour de simples raisons logiques :
Mais la question est digne d'être posée. Je ne sais si la suite s'y engage tellement d'ailleurs mais le rapport à la mémoire est intime, personnel. Le style coupé que tu affectionnes tant a des accents inédits, peut-être à cause des silences plus nombreux qu'à l'habitude, il me semble.

Eu égard à la première phrase, ce texte pourrait être le premier d'une série. Enfin, je dis ça de façon désintéressée : il ne faudrait pas imaginer que j'aie des actions dans la série.


Merci serioscal. Oui en ce moment je cherche. Je réfléchis. Je fais des essais. Les mots reviennent et je prends plus le temps de les rencontrer, de les apprécier. Je respecte toutes critiques à mon égard. C'est comme cela que je vais progresser.
Mes silences ce sont des rencontres avec moi et les mots. Au final, cela enfantera mon style.

Citation (missix @ Oct 21 2006, 09:57 AM) <{POST_SNAPBACK}>
Je n'ai envie de penser qu'à moi ...

Et parfois, dans la nuit, se permettre, quelques sanglots où l'on a simplement, envie de penser qu'à soi. A ce manque de mots... ces cadavres exquis qui brisent tout espoir.


Oui je pensais aux cadavres exquis. A toutes ces choses que l'on ne fait pas. Parfois simplement à cette incapacité à dire ce que nous ressentons profondément. Des envies de se remettre en question, avoir cette force et ce courage de tout recommencer.

In Topic: Les Mains Des Esclaves

21 October 2006 - 12:48 PM

Citation (.ds. @ Oct 21 2006, 02:12 AM) <{POST_SNAPBACK}>
J'aime pas !
Bisous.


Rires. je t'en prie Ds. Je fais des effets. Des essais. Là tu vois ces mots là me dessinaient un tableau surréaliste.
Bisous too.