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Pardon Beaudelaire!


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#1 -ALMADOR-

-ALMADOR-

    ALMADOR

  • TLPsien
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Posted 11 July 2006 - 04:06 PM

... Alors j'étudiais mon propre thème astral avec une intense concentration occulte, à la lueur d'une chandelle religieusement allumée. Après de savants calculs, je dessinais avec soin la carte du ciel pour le jour de ma naissance: Né le vingt-neuf février mille neuf cent soixante quatre, juste histoire d'avoir une éternelle jeunesse en ne célébrant son anniversaire que toutes les années dites olympiques, donc natif des poissons! Sujet révélé à la lumière des astres dans la Meuse, terre nourrie du sang des poilus où mûrissent en été, de juteux framboisiers, groseilliers pourpres et mirabelles d'or... Je tentais de déchiffrer mon ascendant sagittaire, signe d'aventure, de grands voyages et de liberté. Je ne savais trop que penser de cette lune noire, à cheval sur le cuspide du centaure orgueilleux. Mon intuition me persuadait que j'étais un être vivant dans un univers poétique, en proie aux doutes affectifs, et sensible aux tourments de l'existence...
Ces narcissiques études me rendaient quelque peu hermétique à la réalité cruelle du monde et je pensais avec sincérité que mon destin était gouverné par la course des astres. Il faut dire que les cycles lunaires mettaient mes nerfs à rude contribution et que pour tenter de contenir ce magnétisme naturel, seules les boissons fortes et les puissantes cigarettes de tabac vert pouvaient annihiler ces sournois états d'âme qui, à chaque changement de lune, me faisaient souffrir en silence. Mon émotivité était intense mais personne ne la remarquait. Alors comme je mangeais le pain pétri par le démon, je devins très vite de plus en plus taciturne et mon âme se mit à subir les affres de sinistres songes. Ce cœur blessé qui battait dans le néant de ma poitrine se vidait inéluctablement de tout son amour propre. Cette nausée sentimentale avec de forts relans d'angoisse m'avait poussé au fond d'un gouffre sombre. Je me noyais dans cette situation chaotique car je n'avais pas su déchiffrer dans les constellations, moi l'astrologue, moi le voyant, le message souverain qui aurait pu m'éviter un tel désarroi. J'étais plutôt aveugle et perdu comme un poisson fou dont le sonar s'est atomisé en sombrant trop profondément dans les abysses insondables de la vie...
Comme l'expliquent plus simplement les toubibs des banlieues grises, je sombrais, victime d'une banale dépression. Même les longues promenades au bord de la mer en solitaire ne me faisaient plus envie. Je n'avais goût à rien. Je buvais, je fumais et dormais toute la sainte journée, vivant exclusivement la nuit que je trouvais plus douce. Je restais à veiller jusqu'à l'aube et le chant des coqs, quand les pêcheurs partaient en mer.
Mon voisin possédait une petite embarcation baptisée "flor do mar";Comme dans un roman de Jorge Amado, Il s'en allait lui aussi au petit matin avec sa lampe à gaz, sa farine de manioc et son litre de ratafia. C'est lui qui me donnait le poisson frais. En échange, je lui fournissais de temps à autre, du Caporal gris qu'il trouvait excellent! Il m'épatait cet humble pêcheur, toujours souriant et tendre avec les siens. IL était pauvre mais semblait heureux. J'enviais la félicité de mon voisin. L'ennui, voilà le pire ennemi de l'âme! Il vous encercle de manière sournoise et tel un anaconda vous étouffe, puis vous avale pour vous digérer lentement durant de longues semaines...Pardon Beaudelaire !...

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