Jump to content


Photo

Blip


  • Please log in to reply
No replies to this topic

#1 serioscal

serioscal

    serioscal

  • TLPsien
  • 2,179 posts

Posted 09 September 2006 - 08:13 PM

les ombres des arbres semblaient
fermer le saut de l'oeil
immobilité close
le cri n'aurait plus d'autres sons que ses frémissements lourds
instant où l'oeil jaillit
la scène était terrible et atteignait
l'ombre véritable serait la scie déréglée
et nos doigts tailleraient l'oeil dans
le coin des paumes à
vers murs



Voilà un poème glissant (une catégorie de poème que j'invente à cause du poème lui-même : il m'éclaire sur d'autres choses, même oubliées, que j'ai lues). D'elles, elle constitue un kaléïdoscope symbolique. J'en propose un cheminement personnel, relation à une écriture dont l'équilibre a quelque chose de magique, on ne sait pas bien le traiter. Les outils sont différents de ceux qu'on emploie pour la poésie métrique ou au sens clos ; pourtant, on peut essayer toucher du doigt cette parole aux formes latentes et fascinantes,dans leur suspension.



[
Citation
i]les ombres des arbres semblaient
fermer le saut de l'oeil[/i]


L'espace intime qui se produit ici nous enveloppe sans reste dans sa sohère de rêve : l'espace joue entre l'arbre et l'oeil, dans un temps imparfait. Cet espace créé produit tout le poème. Lui donne sa forme générale : le vers est un bras d'arbre.

Citation
Immobilité close


Voici un des bras les plus serrés, les plus tendus, qui clot tout de l'arbre à l'oeil en passant par le temps, une bulle dans le poème

Citation
le cri n'aurait plus d'autres sons que ses frémissements lourds


l'irrégulière tension du vers n'est jamais gratuite : ici le long lâcher du vers violente l'immobilité serrée que semblait pourtant infléchir le vers précédent !

La relation intérieur extérieur de cet espace oniropoétique se rejoue ici : l'intime dans la voix, l'extérieur ramené au néant. L'immobilité niée par le frémissement. Le mouvement du vers parait cette contradiction constante de la pensée ramenée à l'hypothétique de son passé.

Citation
instant où l'oeil jaillit
la scène était terrible et atteignait


La temporalité flexible est comme le sens même de cette versification tendue, toute en irrégularités. Le jeu disruptif se confirme dans cet "atteignait" rendu intransitif dans un vers qui s'étend. De la vue à la voix, de l'immobilité et de l'instant au frémissement et à l'atteindre, le vers fluctue comme le champ du sujet-espace-temps : nous ne savons encore si ce poème relève de la conception héritée de Hugo, de Rimbaud et des surréalistes, du poème comme vision.

Le poème relation du corps, mais de cet espace du sujet qui se meut à l'intérieur du système perception conscience, se noue dans la respiration très fluctuante et syncopée, si l'on peut se permettre une métaphore musicale.

Les mots peuvent effrayer mais nous ssommes radicalement au coeur de ce système perception conscience : les termes du poème - une scène, un arbre, une temporalité et un "était", un mouvement qu'on ne cerne qu'à peine, une sphère de négation, relate une posture symbolique du sujet.

Citation
l'ombre véritable serait la scie déréglée


Deux remarques préalables : l'ombre paraît l'objet du verbe intransitivé, "atteiignait" ; un terme radicalement nouveau intervient dans la sphère sémantique : la scie déréglée. Quel scie ? la scène atteignait quoi ? On ne sait rien de tout ça ! et le poème s'articule sur les ombres / l'ombre. Dans cet ordre latent et incomplet, qui plus est, l'une seulement est dite véritable ! Tout est fait ici pour que ce qui "semblait" se déplace, disparaît, se transforme.

Scie musicale ou scie pour les arbres, scie pour l'ombre ou les ombres, scie pour l'oeil, la scie à son tour marque une brèche dans le poème.

Citation
et nos doigts tailleraient l'oeil dans
le coin des paumes à
vers murs



Dérèglement du vers, qui se brise à la préposition, ouvrant encore l'effet de latence, c'est-à-dire d'ombre, dans ce "champ de perception". Les doigts, les mains ramènent la physique de cette sphère de rêve à la fameuse triade "oeil, voix / voix, main" sur laquelle travaillent l'excellents anthropologues.

La fin du poème - la pointe ! ce sont ces deux mots dont à la limite on ne sait pas desquels il s'agit, comme une lointaine connaissance qu'on ne se remet pas de suite, sans équivoque. Le jeu de mots avec "paumes" interfère à son tour dans l'interprétation de "vers", nom ou préposition lâchée là, pourquoi pas ?

Car c'est le sens qui se trouve affecté au résultat, on dirait : dans quelle mesure le sens et la succession ordonnée des mots de la phrase peuvent-ils rendre compte de cette "sphère de rêve" qui intervient en la réalité, doublement puisqu'en celle du poème aussi.

Le poème de i-i est un voyage par eau. Sa force est dans sa rareté et son économie, qui fait que sa poésie est un cheminement long et complexe. La phrase n'y est jamais une évidence en tant que sujet / verbe / objet ; i-i me semble poursuivre, au bout du compte, cette voie héritée du lyrisme, à la fois dans l'intime et dans le visionnaire. La poésie de i-i, si on me demande pourquoi je l'aime, je dirai : "C'est une apocalypse intime, en quelque chose."




1 user(s) are reading this topic

0 members, 1 guests, 0 anonymous users