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La Table Du Seigneur (dernier épisode)


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3 replies to this topic

#1 D.GOLL

D.GOLL

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  • TLPsien
  • 1,406 posts
  • Location:Marseille France

Posted 31 July 2006 - 10:44 PM

L'automne s'avance et Saint Martial Viveyrols change d'ambiance. La végétation est devenue marron rouge, le froid s'installe peu à peu, mais la vie ne s'est pas pour autant arrêtée. Au contraire, le froid venant, les gens sont plus solidaires. On se rend chaque jour une petite visite, juste pour voir si tout va bien, papoter un instant, prendre un café. L'après-midi, l'influence anglaise aidant, c'est pour le père de Michel l'heure du thé. La théine étant mauvaise pour son cœur, il consomme désormais de la tisane. Très souvent des voisins lui amènent différentes herbes à infuser. Ces petites attentions font toujours chaud au cœur.
Ce matin, lorsque le père de Michel vient dans la cuisine, il me voit les deux mains dans la farine en train de pétrir la pâte. Cela l'étonne, et l'intéresse beaucoup. Je lui explique que comme autrefois, je vais faire cuire du pain dans le four traditionnel ; du pain à l'ancienne, comme il n'en a plus mangé depuis longtemps. Lorsque les voisins sonnent à la porte pour nous dire un petit bonjour, il leur raconte ce que je suis en train de faire. Dans ses yeux, on peut voir de l'admiration et de la fierté. Le premier pain que je fais, je le lui donnerai, je suis sûr qu'il en sera ravi.

Quelques heures plus tard, le four donne deux miches de pain chaudes et dorées. Cela aurait été vraiment dommage de laisser ce four éteint. J'en apporte une au père de Michel, qui est étonné de voir qu'un pain aussi beau et appétissant puisse sortir d'un si vieux four.
Le vieil homme hume le pain, ferme les yeux et se souvient. Il se revoit plusieurs années auparavant, lorsqu'il était enfant. Sa mère faisait le pain dans ce four. Cette dernière fut emportée rapidement par une "maladie" dont il a mis longtemps à connaître le nom. En fait, elle  était morte des suites d'un avortement mal fait. Depuis ce jour, il n'avait plus jamais senti cette odeur de pain qui sort du four, jusqu'à aujourd'hui. C'est un homme joyeux, optimiste, jamais nostalgique, mais là je vois une larme couler sur sa joue.
Il se ressaisit très vite pour me dire que, le week-end prochain, Michel et son épouse viendront pour fêter l'anniversaire de sa femme… Mon épouse, qui nous a rejoint, dit qu'elle s'occupera du repas, moi, c'est une évidence, je m'occuperai du pain. Pour faire la surprise à la femme de Michel, nous inviterons les voisins, et aussi Monsieur le curé.

Nous passons le reste de la semaine à réfléchir au repas, organiser la fête, inviter les convives. C'est un véritable plaisir. Le père de Michel est impatient, plusieurs fois, il établit le menu, rappelle les voisins de ne pas oublier le jour et l'heure du repas, et vérifie la liste des courses.
Vendredi soir arrive lentement, et finalement, on peut voir par la fenêtre les phares de la voiture de Michel. La soirée d'anniversaire se concrétise, c'est demain soir. Après s'être détendus du voyage et avoir déposé leurs bagages, nous prenons l'apéritif pendant que le repas finit de cuire. Nous débouchons la traditionnelle bouteille de pineau des Charentes, et  Michel profite que son père se soit absenté de la pièce pour nous remercier de nous être si bien occupé de lui. Nous lui répondons que cela fut un réel plaisir dans la mesure où, si nous étions retournés en ville, nous nous serions retrouvés rapidement à la rue vu que nous n'avions trouvé aucune solution pour nous loger. Lorsque le père de Michel revient dans la pièce, il nous dit qu'il a entendu la conversation, et veut ajouter que nous avons donné un renouveau à cette maison, qu'il insiste que l'on y reste de façon permanente. Cependant, nous ne pouvons pas rester indéfiniment à loger ici sans participer. Le vieil homme se met alors en colère arguant que nous avons remis en marche le four, nous avons remis en état le logis, chose que lui n'est plus en état d'assurer. Ma femme lance alors une idée : nous pourrions ouvrir une table d'hôte à Saint Martial Viveyrols, et si nous faisons du bénéfice nous pourrions à terme ouvrir une boulangerie traditionnelle. En attendant, je ferai le pain maison pour la table d'hôtes. "Et nous l'appellerions la table du Seigneur" lance le grand père avec une joie lisible dans ses yeux.

Nous levons nos verres à la bonne idée et la famille de Michel souhaite la bienvenue aux nouveaux habitants. J'ai une soudaine pensée pour ma grand-mère, la feue voisine, le souvenir de la phrase que j'avais dite un jour à l'église : "Si Dieu résout mon problème, je me convertis sur le champ !". Je me dis que l'émotion est telle que je ne sais plus trop quoi penser. Pourtant, je me suis engagé, j'ai donné ma parole, peut-être que Dieu me fait un signe. Alors, je tiens ma promesse, je décide de me convertir.
Lorsque le père de Michel apprend cela, il prend un air grave et me dit sentencieusement : "on ne joue pas avec ces choses-là. Si tu as promis de te convertir sur le champ, va immédiatement trouver un prêtre, et fais-toi baptiser au plus tôt."
Alors, je prends mon manteau, le parapluie, mon chapeau, et je quitte la maison.


Il est près de vingt heures. Le vent et une pluie battante d'une rare violence s'abattent sur Saint Martial. Dans les rues désertes du village, la lueur des lampadaires fait un halo de lumière qui laisse voir les gouttes transparentes et donnent au village un air lugubre. Une ombre noire longe les murs et se dirige vers l'église.

Cette ombre, c'est moi. Je tiens mon engagement. Le village ne m'a jamais paru aussi désert, le chemin vers l'église interminable. J'arrive à la porte du presbytère, et tambourine à la porte. Voyant que personne ne répond, je vais voir si le prêtre est à l'intérieur de l'église. La grande porte de l'église est  fermée à clé. Ce n'est pas la peine de frapper. Je me souviens alors que le curé habite à Verteillac. Je me dirige vers la route départementale pour rejoindre ce lieu. A la sortie de Saint Martial, je longe la route. Heureusement pour moi la lune est au rendez-vous et elle éclaire mon chemin. Un véhicule me dépasse sans s'arrêter. Tout au long du chemin, Je me remémore tout ce qui s'est passé, tous ces événements qui se sont bousculés et qui en moins de deux ans ont changé radicalement ma vie.

Après avoir traversé les deux ponts et pénétré dans Verteillac, je me dirige vers l'église et frappe à la porte du presbytère. Le prêtre s'inquiète de me voir arriver trempé de la sorte. "Que vous arrive-t-il, mon fils ?" me demande-t-il inquiet.
-  Rien de grave, répondis-je, je viens simplement vous dire que je viens pour réaliser une promesse, je veux me convertir.
– Entrez, mon fils.

#2 Кя!z™

Кя!z™

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  • TLPsien
  • 1,051 posts

Posted 02 August 2006 - 02:19 AM

Tous vos commentaires de ce style seront effacés sans préavis.


-moderateur

Edited by moderateur, 02 August 2006 - 04:46 PM.


#3 Deirdre

Deirdre

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  • TLPsien
  • 1,592 posts
  • Location:France

Posted 02 August 2006 - 12:30 PM

Denis
J'ai tout lu. C'est une belle histoire. Comme le bon pain.
t'occupes pas des grincheux, c'est mauvais pour la digestion.
Amitiés

#4 D.GOLL

D.GOLL

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  • TLPsien
  • 1,406 posts
  • Location:Marseille France

Posted 02 August 2006 - 03:38 PM

Merci beaucoup Deirdre !

Cette histoire a été assez difficile à écrire dans la mesure où je ne suis jamais allé à St Martial Viveyrols.

Amicalement

Denis




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