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Nouvelle De Nuit Parisienne


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  • Parcours poétique:?

Posted 02 October 2006 - 12:34 AM

1

Dans ma tête, je lutte pour la tendresse universelle. C’est un combat difficile car je ne connais personne. Enfin, je n’abandonnerai pas.

Cette nuit là, je sors de mon appartement après quelques bières, emportant les clés, de quoi écrire. Je met tout dans mon sac à dos. L’immeuble et ses habitants fatigués dans le mien, je pars marcher sur Paris de nuit.
Il n’y a aucune étoile pour me guider vers le ciel. De toute manière, les étoiles ont-elles jamais guidé les hommes ? Peut-être quelques rares élus, mis au parfum par je ne sais quelle force trop lumineuse pour mes yeux inexpérimentés. Ceux-ci doivent-ils garder un secret pouvant soulager les autres d’un poids incompréhensible ?
Je ne sais pas. Qui sait ?

Le boulevard de Grenelle a pour unique vocation d’aller se jeter dans la Seine. Ma cinquième et dernière bouteille de bière à la main, j’aime ne penser à rien et laisser la nuit engloutir mes pas.
Je m’apprête à dépasser un groupe d’hommes, tranquille. Le cul d’un break repose sur une portion du trottoir. Soudain l’un des types me barre la route et m’agrippe par le bras, sans raison apparente. Il a l’air jeune et bronzé dans les ombres.

‘Hé toi, putain, tu vas finir dans le coffre de la Laguna !’ me confie-t-il sans lâcher mon gilet, avec juste ce qu’il faut d’animosité sur le visage. Je l’observe sous la lueur crue du lampadaire. Non, pas de vrai haine, pas de vrai hargne. Il manque le motif.
‘Lâchez-moi s’il vous plaît, lâchez-moi.’ Je parle à voix basse et tâche de ne pas trop éviter son regard de macadam. Il me dévisage, je reste calme, il retire son emprise.
Je m’en vais sans donner aucune trace d’appeurement, il ne faut pas dans ces cas-là. Ma démarche transpire la faux flegme anglais. Cent mètres plus loin, je change de trottoir. Mon cœur aura quand même battu vite.

Enfin la Seine ! Je crois parfois qu’un fleuve vaut bien toutes les rages contenues du monde. Un bateau-mouche passe, emportant avec lui la dernière cargaison de touristes de la soirée. Je le quitte du regard et change de rive. Je ne me rappelle pas le nom du pont franchi alors. Pourtant je l’ai traversé et le traverserai encore – la ligne 6 est ma ligne disfonctionnelle et branlante que je maudis avec la gentillesse des vieux amis – après quelques cours séchés d’un sommeil étrange.
Je pense à une fille. Ma vie pourrait enfin commencer.
Je pense à l’écriture, au décalage croissant, au départ lancinant. Les fantômes peuvent-ils seulement voyager sans autre souvenir que leur vide flottant ? Est-ce sérieux, partir sans avoir vécu ? Ne faut-il pas avoir connu la douceur des femmes amoureuses, la société fumeuse d’écrivains, les ivresses géniales ? Ne faut-il pas déjà avoir été un vivant, non pas juste un cœur sur pattes suant, un malade d’angoisse ?
Je ne sais pas. Qui sait ?









2

La Tour Eiffel donne magnifiquement le change aux rats fouillant les quais. Je suis debout en face d’un éclair, un doigt métallique de 300 mètres. L’élève a bien appris sa leçon qui tend très fort sa main.
Combien de tonnes pèse le génie architectural des hommes ?
Napoléon préféra parler du poids des âges en Egypte, mais il avait tort, le temps n’est pas une construction humaine, et du haut des pyramides les foutus dieux de Romain Gary n’en finissent plus de rire.
De nombreux grands personnages de notre Histoire ont voulu, et veulent encore, partager la vue de ces divins esprits dont le seul but est de réduire l’homme. Moi, je leur dis merde.
C’est trop facile de ne pas combattre cette intoxication de nos actes que nous portons tous.
Certains sont beaucoup plus seuls que d’autres. Seuls avec leur dégoût de la condition humaine. Seuls contre toute une masse vibrante. Que ce ne soit pas une excuse valable. Être dix mille fois exposé de par ma solitude morale et physique forge ma passion pour une lutte sans fin. Comme je l’ai dit au début de ce récit, je lutte seul pour la tendresse humaine. J’y crois, vous savez. Je leur dis merde.








3

En dessous de la Tour Eiffel je ne vois rien qu’une cage d’ascenseur vide. Je la préfère qui s’élève insolemment à mes côtés, sexe français jeté par-dessus les toits, alliée rigide des amoureux, prélude… Autour de moi respirent des gens distingués en poudre d’or. Tristan Tzara.
Tous les trois ou cinq ans, un corps expéditionnaire vient vérifier sa pénétration dans le paysage des esprits ; à ceux-là qui prennent soin d’elle, elle crache quelques étoiles de remerciement sous les joues heureuses de jolies filles et d’imberbes russes ivres.

Et j’ai envie de vous écrire un refrain.

Des gars à moitié bourrés
Ils ne voient que leurs pieds enflés
Des gars à moitié bourrés
Emmerdent un clochard complètement défoncé.
Quatre brasseries fermées
J’aurais voulu m’empiffrer
De glaces de cornets de crêpes sucrées
Et au Nutella
Parce que y’a que ça de vrai.
Mais je me noies
Dans chaque bouffée d’ombre
Mais je me noies
Dans chaque bouffée d’ombre.


N’hésitez pas à le chanter à tue tête la prochaine fois que vous passerez par là. Je n’ai moi-même pas essayé.

Je vous fais confiance, je fais souvent confiance, j’ai beaucoup d’espoir dans les veines, c’est une tare de naissance.







4

Puis je traverse les eaux noires de la capitale. Je suis prêt à dévorer des kilomètres de quais, je suis prêt à m’enfoncer jusque dans le cœur de la ville.
Le cycliste arrêté contre la garde-fou semble aussi goûter à l’inimitable magie de la nuit enveloppant d’infini les cités mondiales. (Je ne m’étendrai pas sur le sujet, ne connaissant de ce charme incroyable que quelques bribes parisiennes et londoniennes. J’irai dire bonsoir à l’épine dorsale des autres plus tard.)
Le cycliste, donc, était une masse immobile. Voilà qu’il m’interpelle. Intrigué, je m’avance vers lui. Il est jeune, mince et un peu agité au fond des yeux.
Oui ?’ me semble une approche convenable.
Peut être un peu trop à son goût puisqu’il me demande si je veux bien me faire sucer.
Ce à quoi je réponds laconiquement :
‘Non, désolé.’
Il insiste (je ne me souviens plus si il est descendu ou non de sa bécane) et moi aussi j’insiste avec tout le laconisme dont je suis capable :
‘Non, désolé.’
Il abandonne.
Je crois que je n’ai pas encore réalisé la scène quand je croise un mec mi rasta mi dur qui me demande une clope. Enfin une personne non atteinte. Ni l’un ni l’autre ne prenons la peine de nous arrêter, et je fais alors preuve de répartie, enfin à vous de juger :
‘Ha non, désolé.’
Il me sort un
‘Pas grave mec, salut.’
assez salutaire après l’homosexuel transi.
‘Salut.’ Je réplique dans la seconde.
Un moment, j’ai envie de revenir sur mes pas lui donner tout un paquet de cigarettes imaginaires. J’aurais dû.

Le jeune homosexuel transi revient à la charge, me voyant à nouveau seul. Je suis prévenu par mes neurones anesthésiés d’un cliquetis approchant, sur lequel je mets sans hésiter l’étiquette ‘cliquetis caractéristique d’un pédalier de bicyclette’.
Passée une goutte de sueur durant laquelle je vois défiler en lettres d’imprimerie dans la page fait divers :

‘LE CADAVRE D’UN JEUNE ETUDIANT RETROUVE DANS LA SEINE AU PETIT MATIN PORTE LES STIGMATES DES SEVICES LES PLUS DIABOLIQUES JAMAIS RENCONTRES ICI OU AILLEURS. NOUS AVONS PERDU UN GRAND ECRIVAIN TEMOIGNA UN PASSANT QUELCONQUE DEVANT LA TETE DU PAUVRE GARCON PIQUE AU BOUT D’UN RAYON DE BICYCLETTE…’

je retrouve donc mon ami des berges.
Je vous assure qu’il tente d’abord le coup de l’explication plausible, laquelle ne l’est évidemment pas.
‘Tu comprends, ma copine rentre demain, et…’
Et quoi connard ? T’as plus qu’un jour pour assouvir tes putains de fantasmes ?
Après quoi il passe au stade de l’incompréhension pitoyable :
‘Mais pourquoi tu veux pas ? Tu vas voir…’ sa voix doucereuse me donne envie de gerber.
Quant à moi je fournis sans problème la cause de mon scandaleux refus, à plusieurs reprise :
‘Ca ne m’intéresse pas, je n’en ai pas du tout envie.’
Aux affres de l’agonie, croyez le ou non, il lance cette phrase mémorable :
‘Mais au moins, montre moi ta bite…’
Il abandonne. Mon faux flegme anglais est imparable.

Je cesse de jurer entre mes dents en maudissant cette enfoiré cinq minutes plus tard, déjà loin, et ce n’est que là, quittant ma colère enfantine, quittant mon nettoyage d’âme, que j’ai un peu peur qu’il me suive furtivement. Je scrute les ténèbres sans y voir personne d’autre que les voitures. En y repensant, j’aurais pu tomber sur un vrai malade en liberté.








5

Je décide de regagner mon petit appartement au plus vite, voyant ma ballade gâchée définitivement par la libido d’un pervers monté.
Malheureusement je suis peu enclin à l’angoisse quand je peux me retrouver tranquillement à parcourir les rues.
De plus, une jeune femme rentre chez elle avec une jupe. Il fait assez sombre pour que sa beauté soit indiscutable. Elle a quoi, 25 ans.
Hélas, elle n’est atteinte d’aucune perversion et ne monte aucune bicyclette, elle ne me demande même pas de lui montrer mon sexe. Dommage.
Je la viole quand même de mes deux yeux de velours grands ouverts, d’une furieuse volonté de luciole terrestre. Puis, au revoir à ses longues jambes.

Quelque peu désorienté, je finis par regagner mon antre sans même écrire une ligne et m’endors comme un combattant des tunnels profonds.

Le midi au réveil, la seule trace de mon voyage incroyable dans les méandres des âmes humaines est le cadavre songeur d’une bouteille de bière sur mon bureau.



















6

Elle est bien vide, pensais-je.

#2 jkounine

jkounine

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Posted 02 October 2006 - 01:30 AM

respect camarade.

#3 Gaston Kwizera

Gaston Kwizera

    The Fresh Prince Al Adriano

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Posted 02 October 2006 - 03:38 PM

oh oui

#4 ¤¤¤¤¤

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  • TLPsien
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Posted 02 October 2006 - 08:47 PM

Citation
Dans ma tête, je lutte pour la tendresse universelle

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#5 (cloud)

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Posted 02 October 2006 - 11:50 PM

oui, je n'abandonnerai pas. bien que je sois encore à côté de la vie. je ne déséspère pas.

smile.gif à tous les quatre.




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