Les Mains Des Esclaves
#1
Posted 21 October 2006 - 12:21 AM
La magie n'opère plus. Il ne reste que les silences qui s'entrechoquent. Cela ne produit aucun bruit. C'est ouaté. Du coton que l'on file entre les mains tranchées des esclaves.
Voleurs de rien. Ils pleurent. La douleur et la honte ne leur donnent plus la force de continuer.
Je reviens dans mon monde. Je n'éprouve aucune pitié. Je ne peux rien pour eux.
Je n'ai envie de penser qu'à moi. À ce manque de mots. Ces cadavres de phrases. Ces lettres détachées, éparpillées.
Je suis une enfant. Je joue avec des cubes. Des formes et des couleurs qui me plaisent. J'ai réussi à en prendre un dans ma main. C'est un M.
- Oui. M comme maman me dit la voix. Maman.
Elle articule. Elle force le trait. Le mot devient grotesque. Antipathique. J'ai jeté le cube. J'aime le petit bruit rigolo. Dong.
Un canard en plastique entre mes mains. Couic.
C’est totalement anachronique, impossible, mais je pense à ça, enfant, bébé, à ce petit canard jaune dans les mains coupées des esclaves.
Corinne
#2
Posted 21 October 2006 - 01:12 AM
Bisous.
#3
Posted 21 October 2006 - 06:55 AM
La première phrase me paraît problématique. Pour une fois, j'aurais mis un point plutôt qu'une virgule entre les deux segments - pour de simples raisons logiques :
Mais la question est digne d'être posée. Je ne sais si la suite s'y engage tellement d'ailleurs mais le rapport à la mémoire est intime, personnel. Le style coupé que tu affectionnes tant a des accents inédits, peut-être à cause des silences plus nombreux qu'à l'habitude, il me semble.
Eu égard à la première phrase, ce texte pourrait être le premier d'une série. Enfin, je dis ça de façon désintéressée : il ne faudrait pas imaginer que j'aie des actions dans la série.
#4
Posted 21 October 2006 - 08:57 AM
Corinne
Je n'ai envie de penser qu'à moi ...
Et parfois, dans la nuit, se permettre, quelques sanglots où l'on a simplement, envie de penser qu'à soi. A ce manque de mots... ces cadavres exquis qui brisent tout espoir.
#5
Posted 21 October 2006 - 11:55 AM
#6
Posted 21 October 2006 - 12:48 PM
Bisous.
Rires. je t'en prie Ds. Je fais des effets. Des essais. Là tu vois ces mots là me dessinaient un tableau surréaliste.
Bisous too.
#7
Posted 21 October 2006 - 01:07 PM
La première phrase me paraît problématique. Pour une fois, j'aurais mis un point plutôt qu'une virgule entre les deux segments - pour de simples raisons logiques :
Mais la question est digne d'être posée. Je ne sais si la suite s'y engage tellement d'ailleurs mais le rapport à la mémoire est intime, personnel. Le style coupé que tu affectionnes tant a des accents inédits, peut-être à cause des silences plus nombreux qu'à l'habitude, il me semble.
Eu égard à la première phrase, ce texte pourrait être le premier d'une série. Enfin, je dis ça de façon désintéressée : il ne faudrait pas imaginer que j'aie des actions dans la série.
Merci serioscal. Oui en ce moment je cherche. Je réfléchis. Je fais des essais. Les mots reviennent et je prends plus le temps de les rencontrer, de les apprécier. Je respecte toutes critiques à mon égard. C'est comme cela que je vais progresser.
Mes silences ce sont des rencontres avec moi et les mots. Au final, cela enfantera mon style.
Et parfois, dans la nuit, se permettre, quelques sanglots où l'on a simplement, envie de penser qu'à soi. A ce manque de mots... ces cadavres exquis qui brisent tout espoir.
Oui je pensais aux cadavres exquis. A toutes ces choses que l'on ne fait pas. Parfois simplement à cette incapacité à dire ce que nous ressentons profondément. Des envies de se remettre en question, avoir cette force et ce courage de tout recommencer.
#8
Posted 21 October 2006 - 04:47 PM
#9
Posted 21 October 2006 - 06:04 PM
La magie n'opère plus. Il ne reste que les silences qui s'entrechoquent. Cela ne produit aucun bruit. C'est ouaté. Du coton que l'on file entre les mains tranchées des esclaves.
Voleurs de rien. Ils pleurent. La douleur et la honte ne leur donnent plus la force de continuer.
Je reviens dans mon monde. Je n'éprouve aucune pitié. Je ne peux rien pour eux.
Je n'ai envie de penser qu'à moi. À ce manque de mots. Ces cadavres de phrases. Ces lettres détachées, éparpillées.
Je suis une enfant. Je joue avec des cubes. Des formes et des couleurs qui me plaisent. J'ai réussi à en prendre un dans ma main. C'est un M.
- Oui. M comme maman me dit la voix. Maman.
Elle articule. Elle force le trait. Le mot devient grotesque. Antipathique. J'ai jeté le cube. J'aime le petit bruit rigolo. Dong.
Un canard en plastique entre mes mains. Couic.
C’est totalement anachronique, impossible, mais je pense à ça, enfant, bébé, à ce petit canard jaune dans les mains coupées des esclaves.
Corinne
Moi ça me fait l'effet d'un début d'introspection, d'un début de descente dans le puits. Une peur d'aller plus loin, mais un grand désir de savoir ce qu'il y a au fond.
Oui, je pense aussi que ce texte en appelle d'autres.
Tu caresses les mots du bout des doigts, du bout des lèvres. On sent que certains mots t'écorchent, ils sont comme des épines qui t'effleurent à peine, et toi tu veux quand même les caresser. Les apprivoiser. Leur ôter la cruauté. Leur donner de la tendresse...
Artemisia
#10
Posted 21 October 2006 - 07:02 PM
Mes silences ce sont des rencontres avec moi et les mots. Au final, cela enfantera mon style.
Hé, hé [il manque un smiley avec un air sadique].
Puis-je ?
La critique concerne moins ce texte que l'ensemble de ceux que j'ai lu. J'ai déjà eu l'occasion de la formuler mais en d'autres circonstances.
Ton style est actuellement orienté vers une phrase courte, lapidaire. Tu es impeccable dans ce style. Mais je crois qu'il est justement souhaitable, quand on a trouvé ses marques dans une forme d'écriture, d'aller à l'inverse et de tenter ce que jusqu'ici on n'a jamais pu faire. Par exemple, tout à l'heure, j'ai écrit un texte sur la téléphonie !
Il me semble que tu gagnerais à tenter une phrase plus ample, plus construite, et un point de vue moins dominé par le "je". L'effort se répercutera tôt même sur ce style (disons "coupé", pour dire vite).
C'est pourquoi ce texte m'a intéressé : bien que les deux choses que je viens de désignere soient présente - phrase courte et prédominance du je - il s'y glisse quelque chose d'inconnu jusqu'ici. Peut-être le discours moins narratif et plus proche de l'évocation. Peut-être les onomatopées aussi qui donnent une saillie qui pouvait manquer, çà et là. Et puis le canard, forcément...
Comment être insensible à un canard même en plastique ?
#11
Posted 22 October 2006 - 10:26 AM
Je crains que non si le sacré demeure une enclave dans le profane de notre monde.
L'onirisme ne peut envahir le réel. Le monde n'est pas un songe, ce que parfois je regrette.
L'écriture ne peut se relâcher, sinon je préfère qu'elle s'efface.
#12
Posted 23 October 2006 - 01:39 PM
Je crains que non si le sacré demeure une enclave dans le profane de notre monde.
L'onirisme ne peut envahir le réel. Le monde n'est pas un songe, ce que parfois je regrette.
L'écriture ne peut se relâcher, sinon je préfère qu'elle s'efface.
Le sacré, une enclave dans le profane ?
Et si c'était le profane, une enclave dans le sacré ?
Je ne sais pas, je viens de me poser la question. Pour moi le sacré a une grande importance dans ce monde. (pas de contre sens, je ne parle pas de religion).
Etymologiquement, sacré, c'est "une chose que l'on ne peut toucher". Et c'est le même mot que maudit. On ne touche pas ce qui est sacré, non plus ce qui est maudit.
Même durant les périodes où l'on cesse d'écrire, les mots continuent leur quête dans nos coeurs ... je le ressens ainsi. On porte notre écriture en nous avant de lui donner son existence extérieure, alors on la rend sacrée. parce qu'il n'y a que nous qui ayont le droit de la toucher... et encore car souvent on garde aussi les anciennes versions de nos textes...
Amitié
Artemisia
#13
Posted 23 October 2006 - 03:12 PM
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