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[INFONTE]

L'ombre s'étire, immense, voile d'air et de nuit légère.
Je marche dans une allée, des pins, des chataîgniers, des souvenirs.
Mon pas s'allège d'une syncope.
La perspective fuit vers l'horizon tenu dans un point.
Je plisse les yeux. Je respire le souffle de la futaie.
Le monde a dû m'appartenir, ouais.
J'étais jeune, alors. Toi, aussi.
Dans le fossé cahote un ruisseau en petits morceaux de verre. La lune s'est levée et s'y reflète dans la tombée du jour.
Les graviers du chemin grincent en rythme.
Les fougères s'exhalent : c'est le premier jour des mondes.
L'ombre s'anime et se multiplie.
Des feux follets s'échappent des légendes.
Je t'aime.
Je cherche le dragon.
Mon coeur pourra-t-il tenir la cadence. Je t'aime et mon âme prend le tableau à l'aplomb.
Dans le creux de mes bras, je serai tes anneaux de Saturne.
Je ferme les yeux pour fixer les tiens sur l'écran bleu de mes paupières.
Dans ta pupille agrandie, je lis l'abandon de la confiance.
Je tuerai le dragon et je veux bien mourir.
M'aimeras-tu toujours ?
Tu es ma puissance, mon instant.
Je marche dans le noir qui est mon manteau, ma peau.
Dans la pénombre, sous mes cils mi-clos, un robe de lin se charbonne de gris.
Tes mains sont croisées sur ton ventre, mon trésor.
A tes pieds, des sandales. Dans tes cheveux de soie, un bandeau.
Je m'arrête.
Pourrais-je ainsi t'aimer toujours ?
Pourrais-je toujours t'aimer ainsi ?

A l'Occident, Osiris se meurt et entreprend sa traversée.
Nous ne lirons jamais le livre des morts car notre éternité est gagnée.
Nous serons à jamais ce couple adolescent, enfermé dans un point d'horizon.

Je m'enivre de la fraîcheur de tes cheveux. Ils sentent la pomme.
Je fais serment.
Nous reviendrons hanter ces lieux, vivants ou morts.
J'aurai tué le dragon.
Tu es mon amour.
Sur ta bouche, j'ai posé un baiser et d'un frisson je fus payé.
Avais-je déjà pleuré ?
Je souris car je m'abdique à mon trophée et mon trophée resplendit.

Et nos corps s'unissent au firmament d'un Occident où scintillent des carbones.

[Vasavoirsi]

L’allée est belle. Remplie de souvenirs. D’arbres chargés de fruits. Dans les branches. Sur le sol. Il se baisse. Il en ramasse un. La châtaigne a éclaté la coque. L’odeur est puissante. Force les émotions. Il prend le temps de sentir. Elle est là. Un peu plus loin. Elle sourit. Il lui sourit. Elle remplit son panier des fruits offerts. Elle le lui montre avec son petit air. Elle est heureuse.
Derrière, une ombre se montre. Elle avance. Doucement. Entraîne le néant avec elle. L’allée s’efface. Il la voit s’effacer. Il veut la prévenir. Il court. Il n’avance pas. Il n’arrive pas à avancer.
L’ombre se rapproche. Il veut l’appeler. Sa bouche s’ouvre.
Il voit le lent mécanisme des mots. Ils s’échappent lentement. Trop lentement. Le vide l’a rattrapé. Les mots disparaissent.
Elle a lâché le panier. Les fruits sont tombés. Emportés dans un tourbillon étrange. Les arbres ne sont plus que des parcelles de bois où l’on compte les années. Gravées. Elle n’est déjà plus là.
Osiris n’est plus le Dieu de la fertilité.
L’allée n’est plus qu’un passage. Droit. Il lui faut avancer. La trouver. Elle doit l’attendre là bas. Il voit de la lumière. Un cours d’eau. Il y a encore de la vie. Il se penche. Touche. Se blesse. C’est du verre brisé. Il saigne. Son visage est déformé. La goutte de sang fait éclater le ruisseau. La larme charrie une autre ombre dans le torrent.
Il est emporté.
Osiris est le dieu des morts.
Il se réveille dans un autre passage. Aussi étroit, aussi noir. Deux ombres lumineuses flottent. Des feux follets. Ils l’attendent. Il se lève. Il sent qu’il est proche. Il la ressent. Elle est là. Si proche. Il l’aime. Il le crie.
- je t’aime.

Le passage derrière lui s’illumine. L’allée redevient belle. Les souvenirs reviennent. Les châtaigniers. Les fruits. Le panier.
Osiris est le Dieu de la résurrection Eternelle.


Corinne

[Caliel]

mmmmmmm la pomme

[INFONTE]

J'étais seul et elle est venue à moi.
J'étais triste, elle m'a souri.
Je parlais aux ombres, elle m'a écouté.
J'avais abandonné, elle m'a pris la main.
La force à l'homme, l'esprit à la femme.
Qu'est ce que la force sans esprit ?
De la brutalité, de la sauvagerie, du désespoir.
J'étais seul, elle est venue à moi.
Peut-on imaginer la fatigue de l'attente ?
J'aime quand elle me sourit avec son petit air.
Peut-être ai-je ramassé le panier.

[Artemisia]

J'ai beaucoup aimé ce texte.
Il commence comme une simple ballade en forêt...

Mais la forêt n'est pas simple.
Non, non, ce n'est pas une forêt ordinaire, ou bien est-ce le promeneur qui n'est pas ordinaire.

Il a la connaissance de certains secrets: il sait voir.

C'est la forêt des contes et des légendes, la forêt du passé.
La grande forêt païenne, profonde, sombre et pourtant si lumineuse.
La forêt de nos rêves. Celle de notre enfance.

La forêt riche de symboles, ceux qui ont lu Bachelard me comprendront.

L'amour, le dragon à tuer.
Le dragon qui est en nous, notre part d'ombre et de danger, notre part dévorante et reptilienne.
Tuer le dragon en nous pour accéder à l'amour.

Osiris, le soleil couchant, l'éternité dans les renaissances.

Il y a dans ce poème un côté initiatique.
Les amants ont eu connaissance d'un secret, celui de l'éternité, celui qui se trouve juste là,
dans le point minuscule de l'horizon.

L'épreuve était de tuer le dragon. Le trophé l'éternité de l'Amour.

J'ai fait une très belle lecture,
Comme un beau voyage
Un voyage
Qui vous éclaire.

Artemisia