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Frère et sœur

Il était une fois : ni château ni roi
j’aurais bien aimé pourtant, mais pourquoi tout voir en grand ?
il était une fois : moi.
moi, plus… quelques décors,
une fleur, un jardin, une maison, une école
un père, une mère, une chambre et des crayons.
Rien d’extraordinaire ! Semblable à un million d’autres vies sauf,
sauf mes deux arbres.
A la clairière du bois, derrière la maison,
vivaient deux frère et sœur de choix, tout de bois et de tronc.
Moi enfant unique, eux cousins de cœur,
La nature est cruelle ! Je n’étais pas des leurs
sans doute s’aimaient-ils trop pour aimer quelqu’un d’autre.
J’ai tout de suite été éprise de cette jalousie
que seules connaissent les filles…
Mais peut-on être jalouse
sans être amoureuse ?
je n’y suis jamais parvenue.
Alors, j’ai aimé comme trois. Pour eux deux et puis pour moi.
Un brin peureuse, ces deux inconnus me faisaient rêver
Ils s’aimaient et je les aimais.
Quand il pleuvait l’un d’eux m’abritait :
pluie froide ? Le grand marronnier. Pluie chaude ? Le grand châtaignier.
Le grand marronnier était frère Chagrin
il soignait les cœurs en sang
petit, moyen ou gros, le souci disparaissait.
Aucune tempête ne lui faisait peur, et la plus faible de ses branches
était plus forte que mon père.
Le grand marronnier était frère Bonheur
il recueillait comme une maman tous les petits secrets
ensoleillés de la vie. Ceux que je m’inventais, et puis les vrais aussi.
La moindre de ses feuilles
était plus tendre que ma mère.
A chaque fois que j’étais nuage blanc ou nuage noir,
j’allais voir papa marron ou maman châtaigne.
Et l’orage se calmait pour laisser place au beau temps.
Près du bois je m’adossais comme une sage contre l’un d’eux,
yeux fermés, mains ouvertes vers le ciel.
Et d’année en année,
j’ai placé tous mes chagrins dans frère Chagrin
et tous mes bonheurs dans sœur Bonheur.
Puis un jour je suis partie
puis un jour je suis revenu.
J’avais bien grandi, quelques années de plus m’avaient fait oublier mes poupées, mais pas mes amours.
Maman châtaigne était resplendissante
elle avait fait des petits
de petits châtaigniers, tout autour d’elle,
pointaient peu à peu le bout de leur nez.
Papa marron…
n’avait pas passé l’hiver.
Pardonnes moi frère Chagrin
tous mes malheurs t’ont tué,
je te les ai donné sans les reprendre
plus tu m’en guérissais, plus ils te détruisaient
et moi, petite fille égarée,
je n’ai rien pu voir.
Pardon et merci !Tu m’as sauvé la vie
mais toute ton aide te sera rendue,
tu ne seras pas mort sans raison
car de la petite fille perdue à la femme retrouvée
j’irais désormais planter à travers les chemins
des châtaigniers
et des marronniers...