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Paulette


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3 replies to this topic

#1 -ALMADOR-

-ALMADOR-

    ALMADOR

  • TLPsien
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Posted 06 June 2006 - 02:56 PM

Paulette, ma grand- mère maternelle travaillait comme receveuse des postes et avait la grande bonté de m’emmener en vacances afin de soulager ma mère qui avait bien du mal à s’en sortir depuis que mon père s’était volatilisé dans la nature sans oublier d’emporter avec lui le téléviseur noir et blanc ; Paulette, c’était Mémère dans notre intimité et c’est ainsi qu’en septembre 70, j’ai vu pour la première fois la mer, grise et bouleversée, venant lécher le sable normand; Ce fut un moment magique, l’un des plus beaux jours de ma vie ! J’eus la sensation d’être un poulain ivre, les naseaux frémissant dans ce vent iodé la cervelle étourdie par les mugissements et le fracas des vagues, l’œil ébloui par l’écume sauvage …
Cet intense moment de bonheur, ce flash vivifiant de liberté allait contraster singulièrement avec la prochaine étape de ce voyage ; En effet, nous prîmes la direction de Paris dans la voiture, une 404 blanche que conduisait Roger marié avec Paulette qui s’était retrouvée seule après la mort de son unique amant Mario, survenue durant la seconde guerre mondiale, son bel italien, infirmier engagé dans la légion étrangère à Bastia pour fuir son pays et Mussolini qui l’avait condamné à mort pour désertion. La fièvre typhoïde l’avait terrassé sur le navire qui l’emmenait vers Marseille quelques jours avant la fin de la guerre…Paulette et Mario s’étaient connus près de Nancy et de leur amour est née Nicole, ma mère, qui a toujours détesté Roger qu’elle considère encore aujourd’hui comme un imposteur. Je n’aimais pas Roger non plus mais pas pour les mêmes raisons ; Je me méfiais de ce cinquantenaire chauve, très poule mouillée qui battait Sam, son pauvre chien noir qu’il était allé chercher à la S.P.A.Et puis surtout, ayant fouillé dans son bureau alors qu’il travaillait à l’usine sidérurgique de Rombas, j’y avais trouvé des revues "osées"; Cette découverte fut ma première expérience sexuelle...
Donc, la voiture contourna la capitale pour se rendre à Rambouillet, puis se dirigea sur une petite départementale pour s’immobiliser quelques kilomètres plus loin devant un grand bâtiment de style napoléonien dans le village de La Boissière-école.
Comme son nom l’indique, le cœur de cette petite commune était son école, la seule fierté pour son maire. Cet établissement baptisé Ecole nationale Edouard Herriot accueillait des orphelins de guerre et surtout ceux que l’on appelle pupilles de la nation. Ma grand mère qui trouvait que mon éducation allait de mal en pis, avait déniché pour ses petits enfants un modèle d’institution pour nous remettre dans le droit chemin. Mon père, pied noir d’Algérie, fraîchement expulsé de son pays natal, avait obtenu par compensation de la part de l’état, un poste dans l’armée française à la base d’Etain dans la Meuse. Et bien qu’il demeurait introuvable depuis quelques mois, j’eus donc l’honneur d’être inscrit comme enfant de troupe à La Boissière-école. Aujourd’hui, puisque le malheureux s’est éteint, je dirais qu’il a , semble t-il ,déserté en ne se présentant plus au rapport du matin.Ce n’est pas qu’il l’avait refusé ce putain d’uniforme ; Il était bien trop perturbé et la vie venait de lui donner un fils, son premier véritable enfant…
L’entretien avec le directeur, monsieur D’ancona ne dura pas plus d’une demi-heure et après avoir pris congé de Mémère et Pépère, les grandes portes battantes du parloir se refermèrent sur nous.. Par un long couloir glauque, un pion m’invita à le suivre et je fus brièvement présenté à mes nouveaux camarades ;Ils avaient tous un grand béret sur le crâne qu’on devinait tondu, le cou enflé par une cravate noire, la silhouette engoncée dans un uniforme bleu marine, en culotte courte, chaussettes épaisses remontées jusqu’aux genoux et de gros brodequins noirs étonnement bien cirés ; Ils souriaient en toisant ma tignasse bouclée qui tombait sur une chemise à carreaux écossais…
Je fus conduits à la buanderie où une grosse femme en blouse bleue me remit mon paquetage qui avait l’odeur du maquereau. Elle m’attribua le matricule 218 puis je découvris le dortoir et mon lit en fer. J’ai rangé mon linge en suivant le schéma affiché sur la porte de l’armoire. J’ai bouclé le cadenas et je suis allé dans la cour. Je venais tout juste de m’asseoir sur un banc sous les platanes qu’un type qui enfourchait une bicyclette , porta soudain un sifflet sous sa petite moustache et m’ordonna de le suivre. Nous nous retrouvâmes bientôt cinq à suivre avec difficulté le vélo, zigzagant dans la cour pour nous arrêter à bout de souffle, devant la porte d’une baraque en tôle : C’était un espace improvisé en salon de coiffure et le type après avoir ôter ses pinces à vélo, enfila une blouse brune et se saisît d’une tondeuse pour nous raser le crâne. Il fumait des gitanes maïs et écoutait son transistor ; A l’annonce des résultat hippiques, il stoppa net sa besogne et griffonna son journal. Visiblement irrité, il entailla légèrement l’oreille du petit roux qui se mit à hurler sur le fauteuil ;Je fus le suivant .Pas très rassuré, je lui ai simplement demandé de ne pas me faire du mal. Cette requête l’a si bien amusé qu’il s’est appliqué à me faire une coupe décente en n’utilisant la tondeuse que pour me dégager la nuque, préférant les ciseaux pour enlever le volume. Enfin,
.Il déplia un beau rasoir au manche en nacre pour égaliser les pattes puis comprenant qu’il ne pourrait jamais dompter les épis rebelles que j’ai sur le front, il m’enduisit alors les tifs d’une gomina parfumée et les lissa. Il me fit signer le registre puis m’indiqua le chemin du réfectoire .J’avais une faim de loup. Nous étions huit par table et c’est le chef de table qui se servait le premier puis ce dernier faisait passer les plats à son voisin dans le sens des aiguilles d’une montre .Bien entendu, retardé par le coiffeur turfiste, j’héritai du plus mauvais numéro à la corde .Mais il nous fut servi , ce soir-là, de la cervelle d’agneau au beurre noir avec des pommes vapeur et mes compagnons de tablée me regardèrent avec dégoût mêlé d’une certaine curiosité quand j’en eus terminé avec mon troisième cerveau. En revanche,
ma part de compote de pomme fut bien maigre…
Les pions réclamèrent le silence complet dans le réfectoire. Comme quelques voix continuaient de s’élever dans le fond de la cantine ;Un élève fut extirpé de sa chaise par un surveillant qui lui baissa la culotte pour le fesser devant l’assemblée médusée. En rang d’oignons, nous regagnâmes nos dortoirs respectifs. J’enfilai mon pyjama bleu ciel sous lequel il était interdit de garder son slip et je me glissai dans les draps de coton rêche .Ce fut l’extinction des feux à 21h précises et j’eus bien du mal à m’endormir tant les cervelles d’agneau me pesaient sur
l’estomac…
Le lendemain matin, nous fûmes réveillés par de la musique militaire diffusée par des haut-parleurs installés au quatre coins du dortoir ;Il était sept heure et notre pion nous ordonna d’aller faire notre toilette dans les lavabos ; Le reflet du miroir m’avait tout d’un coup métamorphosé ; Avec le visage bouffi, mes paupières chassieuses et mes cheveux ras, j’eus la sensation d’être devenu un grand garçon…Je notais aussi que torse nu parmi mes camarades, j’étais l’un des plus avantagé par la nature. Certes, il me manquait du muscle mais je les dépassais tous d’au moins une tête.
En quelques semaines, j’allais m’adapter à cet univers avec une belle volonté. Oui, je me sentais bien dans cette ambiance ;J’apprenais tous les jours parmi les autres et les règles de conduite strictes eurent un effet positif sur mon ascendant. La discipline me métamorphosait, me galvanisait et je devins " ALMADOR " : Ce surnom me fut alloué par mes camarades qui me respectèrent très vite tant ils avaient deviné l’originalité du personnage et son potentiel physique…Je fus sélectionné dès les premières leçons d’éducation physique comme goal de l’équipe de football de l’école dans la catégorie poussins .Je me souviens n’avoir encaissé que deux buts pendant la saison entière .Et comme j’avais le souffle exceptionnel, Je fus aussi engagé dans la fanfare comme joueur de clairon.
Une vive douleur pénétra dans ma bouche et je ne savait pas pourquoi ; En effet, mes dents de lait pourrissaient …


#2 Marygrange

Marygrange

    .............................

  • TLPsien
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  • Location:Paris, France

Posted 06 June 2006 - 04:34 PM

Il me semble que tu t'appelles aussi Mario comme ton grand-père, s'il s'agit bien de lui, non?... Quels temps que ceux des années soixante. J'ai connu ça, et la 404 blanche aussi de mon père, une familiale. Mais je n'ai pas été en pension, plutôt dans les hostos... Je suis très émue par cette histoire, Almador. J'attends la suite, si suite il y a wink.gif

Amitiés,
Béa

#3 -ALMADOR-

-ALMADOR-

    ALMADOR

  • TLPsien
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Posted 06 June 2006 - 05:41 PM

Citation (marygrange @ Jun 6 2006, 03:34 AM) <{POST_SNAPBACK}>
Il me semble que tu t'appelles aussi Mario comme ton grand-père, s'il s'agit bien de lui, non?... Quels temps que ceux des années soixante. J'ai connu ça, et la 404 blanche aussi de mon père, une familiale. Mais je n'ai pas été en pension, plutôt dans les hostos... Je suis très émue par cette histoire, Almador. J'attends la suite, si suite il y a wink.gif

Amitiés,
Béa

Nous nous comprenons alors!...Bisoux
La suite? je grandis...

#4 -ALMADOR-

-ALMADOR-

    ALMADOR

  • TLPsien
  • 280 posts

Posted 06 June 2006 - 11:07 PM

Citation (~wldp~ @ Jun 6 2006, 05:28 AM) <{POST_SNAPBACK}>
j'aime le voyage de ce passage "c’est ainsi qu’en septembre 70, j’ai vu pour la première fois la mer, grise et bouleversée, venant lécher le sable normand; Ce fut un moment magique, l’un des plus beaux jours de ma vie ! J’eus la sensation d’être un poulain ivre, les naseaux frémissant dans ce vent iodé la cervelle étourdie par les mugissements et le fracas des vagues, l’œil ébloui par l’écume sauvage …"

peut-être a t-il transporté tes années suivantes en rêves vers l'écume sauvage....

wldp

L'année précédente, j'étais avec Paulette sur une haute côte dans la Meuse...La butte MONT SEC..J'ai ouvert grand les yeux pour pouvoir voir le plus loin possible...Alors j'ai vu le bleu profond de l'océan et j'ai dit à ma grand mère:"Oui, je t'assure que je vois la Mer..il y a meme des voiliers!!" Ehehehe..l'année suivante, elle m'amenait en Normandie!!Je t'assure...Je voyais la mer..je respirais l'iode!!C'est vrai que je suis du signe des "poissons"..Amitiés!!

Citation (-ALMADOR- @ Jun 6 2006, 04:41 AM) <{POST_SNAPBACK}>
Nous nous comprenons alors!...Bisoux
La suite? je grandis...

Oui Béa..je m'appelle aussi Mario...et je suis aussi en Corse!!Je sais que ce n'est pas toujours facile pour toi mais "notre grand corps malade" en a vu d'autres.Ehehehe...Bisoux




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