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Les autres

J'entends au loin les rires grasseyant des couples réchauffés par l'astre solaire. Et dans l'ombre, je reste seul. Leur Univers de lumière et de bonheur insolemment juxtaposé à ma pénombre m'obnubile ; Car la clarté n'est rien sans l'obscurité. Je sais qu'ils ne seraient pas si heureux si je n'étais si triste. Et je ne serais pas si terne si leur amour n'était si éblouissant. Ainsi va le monde. Il est parce qu'ailleurs c'est le néant. Malgré tout j'aime cette sphère. Je l'aime puisqu' elle renferme tout et son contraire. C'est cela qui est beau.

Les héros n'existeraient pas s'il n'y avait personne à sauver, ni si tout le monde pouvait faire ce qu'ils font. Je ne suis pas de cette trempe, et j'accepte sans amertume d'être étranger à l'éclat. Je ne sombre pas dans le pathos loin de là. Je dis simplement ce que j'ai dans le cœur ; le silence est un champignon.

Je les vois se bécoter, amouracher qu'ils sont par la pointe empoisonnée. Leurs émotions éclaboussent les lieux où mes pas les précèdent. Cela m'attriste. Je sais pourtant que la rotation incandescente inversera les rôles. Pour moi aussi ces caresses d'ors un jour viendront.

Je suis l'orphelin de l'Aurore, et je sais que la pénombre n'est pas l'obscurité. Je sais que l'espoir peut suffire à briser ce Crystal. Je sais que le long chemin sinueux, parfois entrecoupé ça et là de sentiers conduisant à des clairières dans un halo attrayant, mène aussi vers la lumière. Bien que lointaine et incertaine, elle me semble plus belle et intense que celles plus facilement accessibles. Je ne sais si ce chemin est le mien car l'extrémité disparut tantôt... Je la vois de nouveau, différemment. Est-ce Elle qui m'accompagnera au seuil du temps? Sera-t-Elle là quand mon lit froid accueillera mes dernières larmes? Lorsque cette fuite de l'âme dévalera les sillons de la vie, dans ce paysage d'émotions y aura-il plus de traces de joies ou de peines? La perle de sel finira-t-elle sa course sur un arc en ciel de sérénité ou d'amers regrets?

Je n'ai que 24 ans, mais je sais que c'est d'amour que je veux mourir. Je suis l'orphelin de l'Aurore, et c'est d'amour que je veux mourir. Je veux emporter avec moi cette certitude quand viendra le vent. Et cette brise continuera de souffler dans le coeur des poètes des mots impuissants à définir ce sentiment trop intense. Il y aura toujours des rires et des pleurs pour des maux impalpables. On continuera de croire que l'Amour est une oasis d'eau fraîche. Mais c'est un mirage. Malgré tout, je veux fermer les yeux, et continuer à chercher cette palmeraie au bout du chemin. Je sais maintenant que je ne dois rien attendre ni espérer des Autres. Chacun d'eux suit son dessein sans prêter attention à une souffrance étrangère. J'eu tort de croire que les mots avaient un sens pour eux. Chacun suit son chemin. Pensez-vous qu'il y ait encore des gens pour retirer une seringue des mains d'un enfant qui n'est pas le sien ? Pensez-vous qu'il y ait encore des gens pour empêcher un adultère quand ils ont le pouvoir de le faire ? Non, car chacun suit son chemin. Et c'est ce monde que nous avons en partage. Et pourtant je l'aime, et je continuerai de croire jusque sur le seuil de mon tombeau que ce monde est beau.


Simon GAMWO DONGHO
26 Juillet 2007