Câest le quatrième livre de Werner Lambersy aux éditions Rhubarbe, et le second dont le titre sâattache à un lieu déterminé (après Achil island note book). Tout un pan du recueil tournera autour de cette donnée de base, sur zone, avec ce qui est lié au souffle de la mer, au travail des digues et à cet arrachement de la terre, ce sauvetage du sol contre la fatalité marine et cette prouesse de lâhomme. On est forcément sensible à ce thème du no manâs land, de la frontière impossible entre éléments contraires, paradoxe concret du polder. Il est souvent question aujourdâhui de poésie sans image, avec Werner Lambersy, à lâinverse, on pourrait inventer le concept inverse : la poésie tout images ! La métaphore, chez lui, nâest pas une simple figure de style, câest le moteur de sa poésie et de son écriture. Ainsi le thème de la mer au sens large est-il déjà omniprésent dès le titre, le second qui vient sâenlacer aussitôt, très présent chez le poète est celui de la femme, dans son approche à la fois amoureuse et érotique. De la sorte, avec ces deux axes déjà, toutes sortes de translations sont possibles que Werner tresse à lâenvi.
Lâombre calfate ta lèvre
Carène tes cils â¦
Ou bien
Le héron de
Tes lacustres jambesâ¦
Dâautres thèmes récurrents viennent se marier aux deux précédents : la nuit, le jour, le ciel⦠qui forment lâextérieur immédiat et sensible, et la mort, lââge, le temps⦠qui constituent lâinterne palpitant et métaphysique.
Quand tourne
Et retourne la cuillère
Dans la tasse
Presque vide des soirs
Ce qui étonne chaque fois demeure la facilité quâa le poète à assembler ces différents fils autour dâune même grâce.
Le bec
De lièvre du crépuscule
De lâaube
Sâouvre
Sur les canines du soleilâ¦
Vers la fin du livre, on peut lire aussi un poème-définition dont je ne donne que la première partie : Il y a trois sortes / De poètes // ceux qui parlent / Aux mots // Ceux à qui / Les mots parlent // Et ceux qui sont / Les mots⦠Inutile de préciser à quelle catégorie appartient Werner Lambersy !
Lâamour / la mort et lâeffroi / aux caudales de vahinés⦠Dans le livre chez Vincent Rougier, on retrouve la même plume simple et complexe de lâauteur. Ce style à la fois limpide et raffiné où se croisent semblables rêveries écarquillées sur le porte-poèmes et le monde qui lâéblouit alentour. Les images tombent comme à Gravelotte. Le lecteur les guette, ahuri, attendri, émerveillé. Celle-ci laissepantois : Les étourneaux / sont les bancs de morues de / lâautomne. Il faut souligner les petits livrets très soignés des éditions Vincent Rougier qui publie par ailleurs la collection-revue Ficelles. Opsimath serait le livre de lâexpérience, le poète ayant accumulé ses munitions bariolées et baroques les restitue avec prodigalité.
Puis le ciel
Passe et repasse
Le rabot dâor du soleil
Et il pleut
Des copeaux dâombresâ¦
[Jacques Morin]
Lâassèchement du Zuiderzee, Rhubarbe, 2013, 13 â¬
Opsimath, Rougier, 2013, 18 â¬
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