Aller au contenu

Photo

Cher Albert (journal 2)

Laideur vitale

  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 Darkrachid

Darkrachid

    Tlpsien ++

  • Membre
  • PipPipPip
  • 243 messages
  • Une phrase ::Qui aime trop, châtie mal.

Posté 19 avril 2014 - 10:06

Cher Albert,

     Aujourd'hui, je n'ai rien fait. Comme hier, d'ailleurs. Travailler ? Pour quoi faire ? Il y a bien une bonne raison à ce que les fainéants ne bossent pas ! pas uniquement le fait de ne pas vouloir en bouger une. Si elle procédait de ce seul facteur, alors personne ne bosserait. Réfléchis-y donc un peu. Il y a autre chose, j'en suis sûr, Albert. Sans doute, un désir de liberté. Pour l'instant, je me complais dans les bienfaits de mon chômdu. On ne me reprochera pas de voler le travail d'un honnête citoyen. Oui... j'ai enseigné et ça m'a plu, jusqu'à ce que je réalise l'inutilité de mes suées, face à des gangreneux abrutis par une époque sans fond, sans honneur, sans respect, sans même la conscience un tant soit peu du début d'une once d'une tête d'aiguille, que dis-je, d'un atome de ce que représente le respect. Je ne parlerai même pas d'autorité. J'ai perdu mon temps, Albert... Ces petits saligauds de puceaux ne pensent qu'à baiser, avant même de savoir conjuguer le verbe baiser correctement à tous les temps et à tous les modes. Et je ne parlerai même pas du verbe aimer. En connaissent-ils seulement le vrai sens ? Heureusement pour eux que non. Je m'ennuie, Albert... Tout m'ennuie; les enfants, les hommes, les femmes, les travelos, les plantes, surtout les enfants, même toi. C'est te dire à quel point je m'emmerde. Toutes ces bonnes gens sans gloire ni droite intelligence que j'observe, depuis mon écran, en train de ricaner, festoyer ou se plaindre, s'égosiller d’hystérie hypocrite pour des banalités, des états d'âme à trois kopecks, se persuadant que ce qu'ils vivent regorge d'exclusivité, d'intérêts, me plombent. Ils ne sont pourtant que les morpions amnésiques d'un cycle ontologique, voués à mourir, sur le pubis gras et sale de la postérité. Comment ça, qu'est-ce que je fous sur Facebook, dans ce cas ? M'enfin, Albert ! je fais comme tout le monde, mon vieux ! je m'excite sur des smileys, j'épie, je me moque, je me désole, j'abomine ! j'appuie sur « j'aime », quand il faut appuyer, je joue le jeune éternel dans l'ère du temps, pour qu'on me foute la paix, pour qu'on m'aime dans ma solitude ! pour que l'on m'aime un peu... Pas étonnant que cela te surprenne. Toi, personne ne t'aime, de toute façon ! bien... Que pourrais-je te raconter d'autre ? Tu sais tout de moi et tu m'en demandes quand-même plus, certainement parce que je ne sais rien de toi. Que veux-tu ? Ah, si ! je me rappelle une rencontre, cet après-midi, dans un supermarché. Tu sais, celui où le gérant a planqué des caméras de sécurité dans le rayon bricolage. Connerie. Qui irait voler des outils, franchement, à une époque où il ne reste même plus de vrais hommes pour bricoler ? Dispositif anti-gouine, peut-être, va savoir. C'est là que je l'ai vue, sortant indolemment du rayon fruits et légumes, l'amour d'un quart d'heure de ma vie. Elle était moche comme la Toussaint sous l'averse, mais elle avait l'air gentille. Elle m'a regardé, Albert. Te rends-tu compte ? À l'ère de l'ignorance et du nombrilisme où les gens ne se regardent plus ! j'aurais dû venir à poil. Rien que pour ce regard dépourvu de dédain et dépouillé de jugement, étonné, mais sans rien davantage, un peu comme celui d'un poulet qu'on aurait privé de grains, rien que pour ce regard, je l'aurais épousée, ma parole. Ensuite, j'ai vu le contenu de son caddie : légumes, salades, fruits, légumes et salades. Merde, quoi, Albert ! encore une foutue végétarienne ! mais d'où sortent-ils, tous ces putain de rongeurs ? C'est une secte ? Qu'elle soit laide comme l'édredon couleur taupe de ma tante Fatima, d'accord, mais je ne vais tout de même pas bouloter du gazon pour le restant de mes jours ! faut pas déconner ! non, pas question. Alors, je l'ai lâchée et j'ai rejoint le rayon boucherie. 
Il paraît que les françaises font partie des femmes les plus hideuses du monde. Tu le crois, ça ? Je sais que c'est relatif, Albert, je le sais bien, mais il semblerait que cela remonte au Moyen Âge : les chrétiens estimaient que les femmes trop belles, notamment étrangères, participaient de l’œuvre du Malin. Alors on empêchait le métissage et bon nombre de corps provocant le désir furent même brûlés. Puis, cette laideur générationnelle se serait empirée, à la bourgeoisie, de par les mariages consanguins, l'endogamie dont une bonne partie des femmes d'aujourd'hui porte encore le masque affreux sur le bout de leurs gros pifs. Tandis que les femmes russes font partie des plus belles, car elles auraient échappé à cette épuration religieuse, du fait de l'orthodoxie, moins stricte sur cet aspect et surtout du fait qu'elles avaient une impératrice à leur tête, une matriarche. J'avoue que c'est capillotracté, mais c'est vrai qu'objectivement, les russes ont des traits bien plus fins et plus agréables à l’œil que les nôtres. À Moscou, on ne peut faire trois pas sans croiser un top model. C'est un constat sociologique. Quoi ? Non, Albert, on n'ira pas en Russie ! comment ça, pourquoi ? Parce que la laideur resplendit d'authenticité, mon ami. T'as vu notre gueule ? Et tu sais combien ça coûte, une russe, avec la tronche qu'on a ? Sans compter qu'on a la bourse serrée... Au mieux, on pourrait se payer une viet', elles sont en solde, en ce moment. Non ? Finalement, tu préfères consommer local, hein, mon cochon ! t'as bien raison, c'est pas si mauvais, après tout. Question d'adaptabilité, je suppose. Au moins, comme le chantait Gainsbourg ; « La beauté des laids se voit sans délais. ». Et puis, nous sommes de fiers et braves patriotes soucieux du terroir ! ne l'oublions pas.

 

 

©