Oiseau ô vieil oiseau aux paupières de pluie
Ouvre mes lèvres
Mes lèvres de neige et de mousse sous la neige
Pose sur mon pays qui fut l'automne
L'automne de tous les noms
Tes yeux d'orage qui tonnent les montagnes
Autour du pâtre et du troupeau qui passe
Trace entre les sentes des prairies herbeuses
Comme des bonds légers parmi les herbes
Trace qui passe parmi les vertes étendues
Aux senteurs humides d'un matin qui tarde
Point dans la rosée les premiers rais de l'aurore
Encore si fraîche, aube frêle comme perle
Sur le jasmin qui déjà se fane en son parfum d'encens
Oiseau ô vieil oiseau aux yeux de diamant
Cristal de la nuit sainte qui s'étend sur le labeur des pâtres
Tandis qu'un vent se lève en ouest
Langue de vent, du vent aveugle de l'oiseau aux yeux de nuit
Vent de la bouche où se naît le poème
Vent sur la neige et la mousse sous la neige
Crisse comme pas dans la neige sur ma langue
Un vieux tambour au timbre de choses immortelles
Et qui ne sont jamais nées
Ou se dit et se naît ce qui toujours vient à jamais
Promesse tenue par le vent de l'hiver
Par le vent qui porte les tambours de l'hiver
Vent aveugle qui tient ton regard ouvert
Cri selon cri de l'aigle à l'agneau
Et trace de sang sur la dernière neige
Saveur de sang sur mes lèvres craquées
Comme tambour tendu dans la première neige
L'aube tarde promesse d'une éternelle nuit
Rosée froide comme visage d'enfant
Dans l'effroi d'une première grâce
Et grâce selon grâce comme sang sur la neige
Un rire d'enfant dit ce qui a ton visage
Et toi vieil oiseau ferme tes paupières de pluie
Replie tes ailes sur la nuit sainte que tu couves
Solitaire parmi les cris et les visages de l'enfance