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La Dame des buis 1


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4 réponses à ce sujet

#1 Artemisia

Artemisia

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Posté 23 mars 2007 - 09:00

Elle attendait. Debout entre deux mondes. Entre l’ombre et la lumière du jour déclinant. Je ne sus jamais qui elle attendait, ou ce qu’elle attendait, ni même qui elle était réellement. Encore aujourd’hui je m’interroge sur son mystère. Venue de nulle part, peut-être d’un autre temps, quelle était, ici et maintenant, la raison de sa présence ?

Je n’étais même pas certaine de l’avoir réellement bien vue. Peut-être mes yeux avaient-ils été trompés par un balancement des branches dans le vent… Ou la brume du soir commençait-elle à flotter entre deux airs, et de voiles troubles en ombres brouillées, ai-je crû seulement la voir ? Peut-être était-ce mon âme, mon cœur, ou quelque chose de moi qui désirait qu’elle soit là présente, comme l’émanation d’une image chère et attendue. Peut-être.

Je passais l’angle d’une allée bordée de buis. Ces grands buis qui délimitent le fond du parc, que le jardinier n’avait pas encore eu le temps de tailler. Redevenus sauvages et complices de la sauvagerie, ils se chargeaient déjà par endroits des lambeaux de la ténèbre insidieuse que le soir épandait sur la terre.

Les buis semblaient l’abriter, la protéger sous un refuge obscur. Je ne sais plus si elle était immobile, ou si elle marchait à pas lents et mesurés, flânant, le corps corseté dans une longue robe de velours sang de bœuf. Elle attendait. C’était une évidence. Cela se devinait dans son attitude, à la fois calme et tendue, au regard lointain, aux lèvres resserrées, à l’insoupçonnable balancement des mains légèrement impatientes. Elle se tenait de profil et c’est brièvement, entre deux massifs de feuillages sombres, qu’elle apparut sur un fond de ciel lumineux. J’ai songé à une Vierge de Léonard De Vinci. J’ai d’abord vu ses cheveux aux lueurs acajou qui se nouaient de lourdes tresses et de savants entrelacs. Des cheveux de rêve, des cheveux impossibles de fée, d’elfe ou de déesse. La silhouette épousait la courbe des arbustes, non, je devrais dire que c’étaient les buis qui épousaient sa silhouette.

Il faut situer ce moment entre le jour et la nuit, un moment de passage entre la lumière et l’ombre, cette heure étrange où les chiens du jour vont dormir, où les loups de la nuit se réveillent. Une heure indéfinissable sur une frontière, entre deux univers aux contours imperceptibles, glissants, qui semblent se fuir. Si l’on y fait bien attention, leur affrontement n’est qu’une lente aspiration de l’un dans l’autre, un avalement progressif, une prise de possession sournoise et interminable, infinie, périlleuse, l’effacement simple du jour par la nuit nonchalante et inassouvie dans une inexorable continuité.

#2 Pritos

Pritos

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Posté 24 mars 2007 - 10:15

Tu nous invites, semble-t-il, à nous engager sur le chemin d'une allégorie?
Je suis sûr que la suite ne démentira pas cette envolée poétique. Je suis volontaire pour la lire.

#3 Baptiste

Baptiste

    Baptiste

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Posté 26 mars 2007 - 05:15

moi aussi

#4 Artemisia

Artemisia

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Posté 26 mars 2007 - 10:04

Merci à vous deux,
Allégorique, oui... et onirique aussi.
La suite est en cours d'élaboration...
à bientôt

Artemisia

#5 Licorne Blanche

Licorne Blanche

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Posté 08 novembre 2008 - 08:30

J'ai aimé cet entre deux mondes, ce basculement d'un univers à l'autre, dans un espace temps indéfini, et ce refuge obscur...cette présence...ce mystère...la beauté de cette Vierge...cette frontière...un passage, peut-être...
Oui j'aimerais connaître la suite...
Ce texte-là est envoûtant et emmène sur des traces d'ailleurs...et d'ici...étranges rêves ou cauchemars...une frontière...
Ne sommes nous pas parfois à la frontière entre des mondes? Passerelles...

"Il faut situer ce moment entre le jour et la nuit, un moment de passage entre la lumière et l'ombre, cette heure étrange où les chiens du jour vont dormir, où les loups de la nuit se réveillent. Une heure indéfinissable sur une frontière, entre deux univers aux contours imperceptibles, glissants, qui semblent se fuir. Si l'on y fait bien attention, leur affrontement n'est qu'une lente aspiration de l'un dans l'autre, un avalement progressif, une prise de possession sournoise et interminable, infinie, périlleuse, l'effacement simple du jour par la nuit nonchalante et inassouvie dans une inexorable continuité."

Comme l'amour peut-être parfois qui soudain enserre?...

"Elle attendait. Debout entre deux mondes. Entre l'ombre et la lumière du jour déclinant. Je ne sus jamais qui elle attendait, ou ce qu'elle attendait, ni même qui elle était réellement. Encore aujourd'hui je m'interroge sur son mystère. Venue de nulle part, peut-être d'un autre temps, quelle était, ici et maintenant, la raison de sa présence ? "

Cette présence...

Allégorie...et rêve...oui...étrange...j'aime ton univers...

Tes écrits...te lire un jour...et se fondre dans le fantastique et la beauté de tes textes...

Volontaire, je le suis aussi...

Et nous voilà quatre...