« Au premier temps de la valse, toute seule tu souris déjà », ainsi commence, pianissimo, une chanson de Jacques Brel. Son rythme se fera, ensuite, progressivement, largo, lento, adagio, andante, moderato, allegro et enfin prestissimo. Ainsi vont nos vies. Dans l'enfance, puis dans l'adolescence, le temps ne semble pas avoir de fin, il est étale, à perte d'horizon. Dans ces moments-là, comme on voudrait qu 'il s'accélère ! « Quand je sera grand, quand j'aurai un métier » disent, dans l'impatience, les enfants, les adolescents, dont l'esprit, déjà, appareille vers ces « mille chemins ouverts », dont la société leur parle.
Il y a mille perspectives, mille portes. Au fur et à mesure que nous avançons, elles se ferment, à notre passage, silencieusement. Vivre, c'est choisir, – et tout choix est, aussi, une perte. Le monde semble, alors, un Himalaya, un Everest, un Anapurna qu'il nous faut, d'urgence, conquérir. « Se distinguer » , là est l'expression magique, à l'école, dans la vie, dans la politique, dans l'entreprise. La « fonction publique », andante, vous ouvre ses portes ! Vous êtes attendus ! La carrière est semblable à cette autre carrière, celle des courses de chars, dans l'Antiquité. On s'élance, sans se rendre compte que l'on ne sera jamais, à son tour, parmi tant d'autres, qu'un « serviteur », fût-ce du « service public ».
Mais tout a une fin. Le sablier a laissé passer le sable des jours de cristal, des jours dorés : viennent les jours crépusculaires, les jours de l'ombre grandissante, de la solitude glacée, de l'étrange sensation, d'une accélération du temps, largo, lento, adagio, andante, moderato, allegro et enfin prestissimo. A d'autres, désormais, de prendre la mer, sur le frêle esquif de leur vie : résonnent, alors, pour eux, à nouveau, pianissimo, les premiers accords : « au premier temps de la valse ... ».
2/1/17