Oulchy â le â Château, décembre 1985. Sur la Suite Chancay.
Au fil des dessins que je travaillais dans lâattente habituelle dâune figure convenable (jâai, je crois, le secret pour me ménager, entre deux séries de travaux, ce désespérant espace où le doute le dispute à lâimpatience), tel un fantôme, une forme, disons de hasard est finalement et nécessairement apparue au bout de mes craies irritées et sâest imposée très vite à moi. Je crus dâabord y reconnaître un éventail â ce qui semblait dâailleurs aller de soi, comme coup de balai, coup dâéventail â et retrouvai aussitôt le geste frais du poignet dès les premiers dessins, après plus dâune année consacrée uniquement (avec la série des Nuits) à la peinture.
(A propos dâéventail, je repense ici au « coup dâéventail » du dey dâAlger â à lâécole, les illustrations de mes livres dâhistoire mâimpressionnaient beaucoup - et aux longs éventails de plumes, lentement et suavement balancés par des serviteurs muets dans les films de pharaons ou de maharadjahs de mon enfance. Des films qui pesaient leur poids de jeudis, soit dit en passantâ¦)
Le premier dessin de la série sâest donc ouvert sur la forme de lâéventail. Après un bref échange avec le cercle qui avait tendance à vouloir revenir, lâaffaire était vite entendue : câest bien autour de cette figure-là quâallait tourner tout mon nouveau travail.
Se sont alors successivement avancés, au cours de cette suite, les autres noms â les autres identités â de cette forme trouvée : le palmier (lié par un lointain cousinage au « palmier de chrome » des Eclats) ; la gerbe (de blé) ; le gouvernail ; lâos, le chevalet ; la nasse, le plectre ; la lettre Ï et le torii ; la hache, bien sûr, et le hachoir, le berceau et le tranchoir. Mais surtout lâombre dâune silhouette hiératique ; celle dâune petite terre cuite au crâne déformé et aplati (à son sommet, au-dessus des quelques légers traits de bistre qui semblent indiquer la coiffure, il est doux et coupant comme un instrument cérémoniel). Câest une statuette ancienne qui vient du Pérou, très représentative de la civilisation chancay. Chancay, câest aussi le nom de cette suite de peintures et de papiers collés qui, dâune certaine manière, lui rendent hommage.
Gérard Titus-Carmel â Au vif de la peinture, à lâombre des mots â Ed. LâAtelier Contemporain, page 74.)
Choix dâAntoine Emaz
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