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(anthologie permanente) Jim Harrison, "Cinquante-sept ans durant, j’ai tout compris de travers"


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Posté 13 janvier 2017 - 10:35

 

Les éditions de la Table Ronde publient dans leur collection La petite Vermillon un livre de poème de Jim Harrison, LâÉclipse de lune de Davenport et autres poèmes, édition bilingue, traduction de lâaméricain de Jean-Luc Piningre.

« Pour écrire un poème, vous devez dâabord fabriquer un crayon qui écrira ce que vous voulez dire. Pour le meilleur et pour le pire, ceci est lâÅuvre dâune vie ».
Ce livre est le neuvième recueil de poésie de Jim Harrison. Jim Harrison est mort le 26 mars 2016.


Le temps se rétrécit au fond de la nuit.
Le Christ est mort il y a quelques jours, mon père
et ma sÅur, juste avant le déjeuner. À lâaube
jâai pêché, puis sarclé le maïs. Marié la matinée,
pleuré une seconde. Nous fûmes un instant pauvres
le long dâune décennie. En quelques minutes jâai fait
lâaller et retour à Paris. Jâai bu et dîné le temps dâun défilé
dans ma chambre. Un clin dâÅil, et Red Mountain est toujours là.

Time gets foreshortened late at night.
Jesus died a few days ago, my father
and sister just before lunch. At dawn
I fished, then hoed corn. Married at mid-morning,
wept for a second. We were poor momentarily
for a decade. Within a few minutes I made
a round-trip to Paris. I drank and ate during a parade
in my room. One blink, Red Mountain's still there.

/

Partout sur mon chemin jâétudie les balafres du visage de la terre,
fleuves et lacs y compris. Sans jouer à être Dieu,
jâévalue les desseins. Se dire dans les montagnes de Patagonie :
« minuscules mines, morts misérables ». À Cabeza Prieta
des hommes ont bouilli dans leur propre sang, température au sol 77°.
Tissu terrestre troué de longues traînées dâavion, ruisseaux puant le soufre.
Or et cuivre pour payer le cheval décédé, la femme disparue.

Everywhere I go I study the scars on earth's face,
including rivers and lakes. I'm not playing God
but assessing intent. In the Patagonia Mountains
you think, "small mines, pathetic deaths." In Cabeza Prieta
men boiled in their own blood, ground temperature 170°
Contrails of earthen scar-tissue stink of sulfur.
Gold & copper to buy the horse that died, the woman who left.

/

Jâai mis fin à mes jours parce quâon mâa sans cesse estropié,
pris à rebrousse-poil, que la main-dâÅuvre et les pièces me coûtaient trop dâargent.
Cinquante-sept ans durant, jâai tout compris de travers
jusquâà ce que jâexamine lâenvers du miroir.
Pas de naissance sans mort. Ça marche dans lâautre sens.
Quel plaisir de descendre de cheval au beau milieu du lac.

Took my own life because I was permanently crippled,
put on backward, the repairs eating up money and time.
For fifty-seven years I've had it all wrong
until I studied the other side of the mirror.
No birth before death. The other way around.
How pleasant to get off a horse in the middle of the lake



Jim Harrison, LâÉclipse de lune de Davenport et autres poèmes, traduction de lâaméricain de Jean-Luc Piningre, édition bilingue collection La petite Vermillon, éditions de la Table Ronde, 2016. pp. 52/53, 84/85 et 128/129

bio-bibliographie de Jim Harrison

 

 

uCYJ5-et33k

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