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(Note de lecture) François Cornilliat, "Envers toi", par Michaël Bishop


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Posté 18 janvier 2017 - 02:25

 

6a00d8345238fe69e201bb096e0dbf970d-150wiEnvers. Auprès de, en face de, à lâégard de. Et ceci dans le contexte de lâintimité, dâune profondeur sentie, précieuse, préoccupante, fatale. Envers toi est le livre, délicat, caressé, discrètement puissant dâune tension, du paradoxe de ce qui, dans ce pont entre pure intériorité et désir ou rêve de fusion, dâunion, doit avouer différence et distance, lâaltérité inaliénable de lâautre. Fatalement, toujours. Le moi-narrateur se trouve obligé de se replier sur sa propre spécificité, aveuglante, à jamais repensée, afin dâen saisir, méditer, vivre intensément, lâénigme, celle, relationnelle, intersubjective, de ce qui est ici et là et entre et dont on ne saurait trouver, dans sa définitivité, le mot : le poème un mouvement vers, envers, vers sur vers, suite sur suite, une mouvance sans fin, un rythme dansant, sans "aucune transparence", â"sans replique ni / supplique".

Inutile de se demander pourquoi ce poème quadripartite trouve sa place dans la collection LâExtrême contemporain : il est quête incessante, sans prétention, poursuite et enquête autobiopoïétique, son texte-marée déposant sur sa propre p/l/age les si fins, les si beaux, les si fragiles résidus dâune vie, océanique, infinie, indicible comme toute vie, mais ici comprise en tant que telle, travaillée poïétiquement dans les plus profonds abîmes dâun poïein, dâun faire, dâun créer exigeant, réfractaire et conciliant à la fois, souriant-grimaçant même au cÅur des turbulentes forces de lâinconscient. Et si lâesprit est le site de cette immense et si scrupuleuse et vertigineuse vassalité, celle-ci se vit simultanément sur "le bord de nos corps", sensuelle, loin des abstractions, viscérale, le poème ce geste qui consiste à "coud[re] sur // son cÅur un kit / syntaxique". "Fièvre et guérison de lâicône", écrit Salah Stétié : le poème comme, simultanément, la fureur remuante, frétillante de lâexister, le bref et minimal et beau soulagement quâil sait générer, la conscience de sa relativité, de lâimpossible transmutation absolue quâil peut rêver. Toute relation un "unbelonging", une intime adjacence malgré parfois le sentiment, et toujours le désir, dâune émouvante et idéalisante fusionalité. Envers toi est un livre plein de grâce, de délicate, spirituelle et libre discipline, le va-et-vient entre le français et lâanglais mimant quelque chose de ce que toute langue vise sans jamais éprouver le sentiment dâune convergence hautement rêvée de lâintérieur, de la conscience, et de ce que nous appelons lâextérieur, le réel de lâautre dans la royauté de sa propre conscience de son être-là.
Un très beau livre, subtil, profond, site par excellence du poïétique.

Michaël Bishop

François Cornilliat, Envers toi, 144 p., Belin, "Lâextrême contemporain", 2016, 19;90â¬,  


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