Vendredi 22 juin 2012 / 0275
Il ferait bon de rester seul dans le noir en oubliant d’appuyer sur le bouton de la minuterie du palier. Attendre le bon vouloir de l’ascenseur. Fermer les yeux. La folie du monde s’enfuirait dans un grand bruit de casseroles. Suis-je mort ? Une sorte de réverbération emplirait mes orbites. Je serais seul face à l'éternité. Sur les bas côtés, des spectateurs s'arracheraient une larme qu'ils mettraient bien en évidence pour preuve de leur profond chagrin. Un peu raide dans ce rôle principal, j'observerais ces convulsifs sanglots et déclamerais à l'envie que l’on ne pleure jamais que sur soi-même. Puis, revenir au présent, les yeux toujours hermétiquement clos sur l’abîme obscur, chercher à tâtons le bouton de ce foutu ascenseur et se faire prendre pour un idiot par la furie du palier d’en face qui hurle :
- Oh ! vous alors, vous m’avez fait peur !
pendant que, dans un immense mouvement de rotation, elle referme derrière elle sa porte qu’elle venait d’ouvrir subrepticement.
Vite refermer les yeux. Se laisser guider, au-delà du monde, dans les méandres du cosmos qui danse. Jouir de la luxure d’une grappe de raisins en lévitation. Faire un brin de causette avec un dictionnaire en goguette. Avoir pour tout vêtement un foulard d’arc-en-ciel. Au coin d’un soleil vert, croiser un homme à l’oreille coupée d’où s’écoule toute une voie lactée. Se prélasser longuement à l’ombre de tournesols géants. Sentir dans ses veines toute une giclée d’étoiles. La poitrine se soulève de tout un univers en expansion. Pulsar. Pulsion. Respirer. Souffler. Et prendre une énorme paire de claques dans la gueule tandis qu’une voix sirupeuse murmure :
- z’avez fait un malaise.
