Dans l'âme de celui qui le lit, le poème cherche un chemin. Les grands lecteurs de poésie ont la plus haute exigence : ils sont des amateurs de terres rares, de parfums subtils : ils se souviennent, à tout instant, de ces « terra incognita » qu'ils ont déjà découvertes, de ce flux d'émotions qui les a déjà traversés, – et qu'ils veulent redécouvrir sans cesse, sous d'autres formes, avec d'autres mots.
Celui qui écrit, lui, marche à l'aveugle, il ne sait pas ce que produiront ses mots, il n'est que le nautonier d'un navire ébranlé sans cesse sur l'océan des émotions.
C'est pourquoi la vraie rencontre d'un poème et de son lecteur est une rencontre rare, imprévisible, un instant sacré, – comme ces rencontres du destin, celles de deux âmes que le hasard bouscule et met en présence l'une de l'autre, faisant jaillir, simultanément, ces « doubles lumières », dans ces « deux esprits », ces « miroirs jumeaux » , dont parle Baudelaire ( Les Fleurs du Mal, CXXI).
2/3/17