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Face au livre

dansedes jours et des mots 0326

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2 réponses à ce sujet

#1 Invité_Marcel Faure_*

Invité_Marcel Faure_*
  • Invité

Posté 23 mars 2017 - 06:27

Lundi 20 août 2012 / 326-2

 

          Face au livre, à l’acte de lire, nous sommes passifs. Notre corps avachi dans le fauteuil, abandonné à ne rien faire, livré à lui même, s’enfonce voluptueusement dans une léthargie profonde, ou alors, installé plus inconfortablement, il finit par oublier la dureté du siège, les secousses du métro ou du bus. Notre oreille se calfeutre, fait abstraction des bruits externes et n’entend plus que la musique des mots que nos yeux lisent pourtant silencieusement.

          Car seuls les yeux travaillent, mais sans effort, comme une sorte de relais inusable construit dès l’enfance par nos premiers b à ba balbutiants, et garanti à vie. (À vie ? me chipote à juste titre Lloydia.) Nous voilà happés par le récit et seul son sens, venant heurter notre imaginaire ou notre bon sens, peut venir rompre cette connexion.

          Parfois, il me faut violemment m’extraire du récit, tant la fascination est vive, pour entrer dans le domaine de l’analyse. Où veut donc m’entraîner cet auteur par ce ton faussement débonnaire et une logique implacable qui m’éloigne sans en avoir l’air de mes convictions profondes. – Je lis un livre comme je regarde un film, complètement immergé dans l’histoire; (évidemment je parle de fiction) – Il m’incite à penser comme le personnage principal. C’est comme un rapt de ma personnalité dont je deviendrais complice par passivité.

          Le récit, prisonnier de sa logique interne est condamné à dérouler ses péripéties. Seul le narrateur ou l’entrée en lice d’un nouveau personnage pourrait venir moduler cette impression de viol de conscience. En introduisant une autre interprétation possible, l’auteur me rend alors mon libre arbitre. S’il n’en est pas ainsi, le livre est-il pour autant condamnable ? Non, bien sûr que non. D’autres lecteurs que moi y trouveront plaisir et confort moral.

          Mais il arrive que le livre se refuse à vous, qu’il vous juge indigne de lui. Alors, malgré tous vos efforts, chacune de ses phrases vous sera incompréhensible. Vous le mettrez en quarantaine loin de votre vue, sous la pile en attente par exemple, sans cesse repoussé à la dernière place, puis il ira croupir dans quelque coin obscur de votre bibliothèque. Et puis vous l’oublierez.

          En réalité, c’est vous qui êtes en quarantaine, puni de votre mal lire, de votre à priori.          Un jour il ressurgit inopinément. Vous l’ouvrez déjà prêt à lui claquer la page au nez. Et vous tombez en amour. Désormais son charme ne vous quitte plus. Dès le contact de vos mains sur sa tranche, vous frissonnez de plaisir. Un vrai bonheur que ce livre.

          Pour les livres, les bons, c’est un peu comme pour la plupart des fruits, il suffit d’attendre et de laisser mûrir. Leur contenu devient alors palpable, appétissant, juteux à souhait, et les yeux s’en lèchent les paupières en les dégustant.

 



#2 M. de Saint-Michel

M. de Saint-Michel

    Tlpsien +++

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  • Une phrase ::Je suis quelqu'un pour qui poésie et respiration ne font qu'un.

Posté 23 mars 2017 - 01:40

De livre en livre, nous voyageons (en partie) hors de nous...

#3 Invité_Marcel Faure_*

Invité_Marcel Faure_*
  • Invité

Posté 24 mars 2017 - 05:06

Merci M De Saint Michel.