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« Veilleur d'instants »


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Posté 24 avril 2017 - 08:07

C'est en veilleur que Philippe Mathy contemple la Loire du côté de Pouilly. Dans son regard et une lumière parfois « désemparée », un chant s'élève

Poète belge, rédacteur en chef du Journal des poètes, Philippe Mathy passe une partie de l'année à Pouilly-sur-Loire, en Bourgogne nivernaise. On ne s'étonnera donc pas que les poèmes de ce beau recueil soient baignés de la lumière du fleuve sauvage â « lumière désemparée » parfois, comme la qualifient les textes liminaires.
Ces « fenêtres sur Loire » s'ouvrent au printemps, en été et en automne sur cette « jeune fille espiègle qui se déhanche entre les îles ». Poèmes contemplatifs, ils tentent de saisir des impressions fugaces, quand un chant d'oiseau donne à voir l'invisible. « Ce qui n'imprime pas de traces s'inscrit parfois plus sûrement dans la mémoire », dit-il en soulignant la nécessaire médiation du poème : on porte au-dedans de soi des mots « cueillis aux alentours » et ceux-là parfois nous offrent un poème, ils nous livrent alors le monde en retour car « quand nous le lisons / nous découvrons les alentours. »
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La contemplation remue les tréfonds : « Tu es immobile / et tout bouge en toi ». Devant la beauté des paysages, on se demande « où est la peine ? Où est la joie ? » Le questionnement existentiel s'impose : « Où va la vie qui va / si vite / si belle / si cruelle ? ». Le silence creuse en nous un « trou béant » qui n'est pas loin de rappeler l'absurde de Camus. Pour faire face, il y a les « petits riens » qui donnent du mérite à la vie : « Lumière qui chante les chemins creux, les visages, les maisons que l'on croise, les fleurs enlacées, la terre qui porte nos pas, la patience des distances. » Là, ce sont des reflets de soleil fugaces sur le fleuve, quand « le ciel a laissé tomber ici un vitrail », ailleurs « la lune blonde creuse l'oreiller des nuages ». De ces merveilleux instants de grâce, s'élève une invisible voix qui délivre une parole qui respire : « pour peu que nous l'coutions avec une totale attention, elle nous conduit jusqu'au chant. »

A l'écoute

Nous qui courons, « convaincus de vivre » néanmoins, sommes absents à nous-mêmes et sans doute à l'essentiel, et vieillissons sous le regard perplexe de l'enfant que nous fûmes. On devine que nous l'aurons probablement trahiâ¦
Discrètement, l'écriture de Philippe Mathy le laisse entendre : chacun de nous est un être habité par son enfance encore et peuplé des fantômes des absents, « avec son ombre à l'intérieur de soi ». Ainsi sommes-nous lestés, même dans le bonheur d'être vivants, ainsi l'est notre regard lui-même, mais c'est peut-être aussi la chance de percevoir avec plus d'acuité et de profondeur notre passage ici-bas.

L'important est là, savoir se mettre à l'écoute, devenir ces « veilleurs » qui ne laissent rien perdre de l'instant. « Peut-être devrais-je d'abord tenter d'écouter le ruisseau qui me traverse », note l'auteur. C'est aussi à une quête de l'accord avec le monde que nous invitent ses poèmes en prose ou en vers libres. Un monde qui nous habite autant que nous l'habitons.
Ajoutons que le recueil est superbement illustré â ce qui ne gâche rien â par six peinture de Pascale Nectoux.

(144 pages. 16 euros. L'Herbe qui tremble éditeur)
Michel Baglin (avril 2017)

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