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(Note de lecture) Jean-Paul Michel, « L'art n’efface pas la perte. Il lui répond », par Geneviève Huttin


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Posté 25 avril 2017 - 09:44

<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"> </p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...45e60970d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Michel" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201bb09945e60970d img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201bb09945e60970d-75wi" style="width: 75px; margin: 3px 15px 5px 0px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Michel" /></a>Le titre du livre - recueil dâentretiens donnés de 1984 à 2015-par Jean Paul Michel à ses nombreux interlocuteurs, vient dâun carnet de voyage en Sicile. Devant les ruines dâun temple grec détruit, lâauteur avait noté cette phrase : « <em>Lâart nâefface pas la perte. Il lui</em> <em>répond</em> ». Il me semble quâelle engage aussi le portrait dâune génération. <em><br /> </em>La complexité de ce livre vient de là, et la montée en puissance quâon ressent dans les entretiens, gagnera à être confrontée à une relecture de lâÅuvre poétique de Jean-Paul Michel et de quelques contemporains. <br /> <br /> Dans <em>La vérité, jusquâà la faute</em>, en 1995, Jean-Paul Michel confessait déjà : « <em>Nous avons</em> <em>aimé les catastrophes, nous les avons recherchées comme le point solide où appuyer un peu de vérité </em>», et citant Descartes , « <em>le désastre aura tâil été le cogito des modernes ? </em>»<u><br /> </u>Sâéclaire alors le <em>faire-part</em> des ruines de Trapani, dâexprimer encore le choc, le retour de la Perte et lâex-tasis du souvenir, lâappel de la contre partie : lâexigence, lâespoir, le désir de recommencer, au lieu de lâabandon mélancolique.<br /> Lâauteur va nous parler des « arts » comme de « <em>sorcellerie</em> », des arts qui « <em>tout en participant à lâextension des régions du sensible, nous donne aussi le sentiment du vivant, de la présence même de ce qui sâest perdu </em>» (Richard Blin, sur Jean-Paul Michel dans « Vouer sa vie à des signes », <em>le Matricule des anges</em>, Juin 2016)<br /> « <em>Mais comment un effet de lecture pourrait-il se substituer sans perte à la chose même ? </em>» poursuit Richard Blin : «<em> Il y a là de lâimpossible, reconnaît Jean-Paul Michel, mais pour autant la parole nâest ni sans prix ni sans pouvoir </em>» <br /> Dans <em>Rappel à lâordre à Ferrare</em>, - écrit central sur lequel lâauteur sâappuie au long de ses dialogues -, à la question <em>« comment retrouver confiance en la parole </em>», la réponse aura été paradoxalement dâaccepter la perte et de risquer de se perdre. <br /> Mais dans une configuration particulière : celle de nos années de jeunesse où « <em>nos audaces théoriques </em>» naissaient <em>« dâun effondrement du sacré </em>», lui faisaient <em>« endurer outrage sur outrage (â¦) Nous sommes les enfants de cette violence continue faite au sacré - Nous le payons </em>» <em>La vérité, jusquâà la faute</em><u>,</u> (p70.)<br /> Dans la série des entretiens, le mystérieux processus de la résolution de ce problème nous est relaté, conté, câest la poésie qui a répondu, en acte : <em>« Pendant des années, des années et des années, on écrit avec le sentiment de se perdre de plus en plus et, un jour, à notre surprise, et sans quâon ait à le choisir, ni même toujours que lâon sâen rende compte dans lâinstant où cela advient, on a le sentiment que quelque chose sâest fait tout seul, que certaines choses nous ont été données. Par exemple une confiance nouvelle en la parole ». </em><br /> Câest très exactement ce que dit Dante, cité deux lignes plus haut. « â¦ <em>et comme il arrive quâon aille chercher de lâargent et que sans le vouloir on trouve de lâor, moi, qui tachais de me consoler, je trouvai non seulement remède à mes larmes, mais vocables dâauteurs, et de sciences et de livres </em>» (Dante. <em>Vita Nuova</em>, traduction Jacqueline Risset, un quatrain cité p158 ).<br /> <br /> Dans les livres et dans Le Livre, sur un chemin de catégories telles que Père(s), Nom, Loi, Trauma, Totalité, la parole cherche étayage, secours de la vérité, énergie.<br /> Un tel livre pourrait être aux jeunes poètes aujourdâhui lâaide, le soutien éclairé que représentait la main tendue de Rilke dans <em>Lettre à un Jeune poète</em>. Lettre à soi-même aussi⦠invitation à se (à nous) relire, avec objectivité. Car la poésie câest « <em>écrire avec objectivité ce quâil en est de toutes les vies » </em>(p 178)<em>.</em><br /> La poésie est objective, elle dit le réel. Rien ne peut la remplacer. On lira à cet égard les considérations sur la différence prose poésie.<br /> <br /> Livre - recueil de propos, étonnant miroir aux auteurs de poèmes, miroir amical et parfois suffocant, empreint de la profonde compassion, admiration pour lâhéroïsme des autres, poétique et intellectuel.<br /> Il cite John Taylor, critique américain et poète lui aussi, pour qui Jean-Paul Michel est un « <em>thinking poet à la</em> <em>française </em>», clin dâÅil pertinent, page 153, à la tradition anglaise dont la poésie française aurait peu de représentants⦠Et Jean-Paul Michel avoue que longtemps il était déçu dans les années 60 en lisant les poètes publiés. On trouvera dans ce livre des sortes dâexpériences réalisées et méditées en profondeur, la poésie comme expérience. La chasse, la course, la mort, la joie. Comme disait Rilke, « l<em>es poèmes ne sont pas des vers, ce sont des expériences ».</em> Câest la main tendue, câest le don, la poésie est <em>don</em>, sacrifice, cérémonie. Lâart, nâest pas loin de la profanation et du fétichisme.<br /> Parfois, on pourra en isoler des préceptes à travers le sens de la « formule » de lâauteur.<br /> Ecrire, câest :<br /> <em>« Fabriquer du père, son visage absent </em>»<br /> « <em>on écrit de</em> <em>nâavoir pas de père </em>» (p 171)<br /> Trouver la Loi. <br /> Eviter la narrativité comme piège. <br /> Faire le deuil de la musique, (accepter de ne pas être musicien, dâêtre tenu aux limites des mots) mais pas de la peinture !<br /> Apprendre que la typographie est un art du signe, une écriture : la «<em> griffure </em>» de la typo comparable à celle de la touche de Van Gogh ! (p 173).<br /> Se rappeler <em>ce que peut</em> une image poétique : <em>« Aux images, pour ce quâelles rachètent les crimes » </em>(p 160<em>).</em><br /> Sâappuyer sur « la physique du langage », découverte à lâépoque de <em>Rappel à lâordre à Ferrare</em>, « <em>point tournant de la perspective, où, au terme dâune expérience touchant à lâêtre même du langage (oserai-je dire à sa mysticité), bascule la tentative initiale dâélever le poème à un ordre de réalité où il puisse échapper à toute narrativité pour nâadmettre rien â nâétaient les propres les plus archaïques de toute profération humaine possible : cadence, rythme, transe, éclat » (â¦) Et puis voilà quâà Ferrare, la méditation de Mallarmé aidant, se découvre imprévisiblement, comme lâessence de tout langage, cette fiction même à laquelle je voulais échapper à tout prix - Avec les effets de vertige qui peuvent résulter dâune découvert à ce point contraire à toutes mes postulations poétiques initiales » </em>(p176). <br /> Mais penser la poésie, ce nâest pas la poésie, alors Jean-Paul Michel nous dit aussi comment il a écrit : « <em>comme on écrit et monte un film. Dâabord il y a des prises de vue, des élans les plus lyriques aux notations les plus froides et puis, un jour cela tombe à sa place dans un livre. De petits scénarios donnent très explicitement leur structure à ces poèmes. Le livre se compose par enlèvement. Je monte des séquences brèves en recherchant la fraicheur dans la succession des plans, de même que je dispose avec soin les voix dans le chÅur (les ressources de la typographie matérialisent, visiblement avec des moyens très simples, immédiatement</em> <em>lisibles, ce souci polyphonique (â¦) dois je</em> <em>ajouter que jâaccorde la plus grande importance à la qualité du chant, à sa matière ? </em>» (p 188).<br /> Jean-Paul Michel qui nâa laissé à personne le soin dâéditer ses livres, cérémonie, sacrifice et cri de tentative de sortie de lâère dépressive qui a suivi la deuxième guerre mondiale, notre « thinking poet à la française » est aussi asiate, au bord de la Dordogne, confiant dans les forces de sa vie profonde, inconnue, dans lâélan qui le dépasse, dans son geste : <br /> « <em>le poète classique de lâAsie peignait lui même son poème </em>» (p 184).<br /> <br /> Je propose de relire son Åuvre de poète depuis <em>Le fils apprête, à la mort, son chant </em>(1981), à la suite de ces entretiens, pour ressaisir notre chance dâêtre ses contemporains⦠Car comme lâécrivait Hilda Doolittle à propos de Ezra Pound, à la <em>Fin du tourment </em>infligé à celui-ci, « <em>on attrape ou on nâattrape pas le feu </em>» .<br /> <br /> <br /> <strong>Geneviève Huttin<br /> </strong><br /> <br /> Il chante :<br /> <em>Les Garçons vont dans la mort les poumons pleins<br /> de fumée  ils  tirent  sur  des  ci<br /> garettes  bon<br /> marché  plissant  le  front  commâ  Hum<br /> phrey  Bogart  les  phares  des  bagnoles  dâen<br /> face  t âa <br /> veuglent  beau  matin  de<br /> chasse  on<br /> roule  à  quatre  dans  la  vieille  D<br /> S  le  pare<br /> brise  est  plein  de  chies  de  sang  dâailes  dâin<br /> secte le <br /> jour  nâest  pas <br /> levé (â¦)<br /> </em><br /> (Extrait de <em>le fils apprête à la mort son chant</em>, Cahier deuxième)<br /> <br /> <br /> Jean-Paul Michel, « <em>L'art nâefface pas la perte. Il lui </em>répond<em> »</em>. Entretiens 1984-2015. Éditions Fario 2016.<br /> <u><br /> </u><em>La vérité, jusquâà la faute</em>. Gallimard 1995. Réédition Verticales 2007.</span></p>
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