J'ai toujours eu sur mes épaules
La déraison du bout-en-train
Mais coulent des larmes de saule
Une fois dans mon dernier train
Puisqu'il me faut prendre mes restes
Pour m'en aller vers le trépas
J'empoche dans mes trous de veste
Tous mes souvenirs d'Ici-bas
A peine on prend le temps de vivre
Et d'apprécier le vin d'en bas
Que poings liés la faux nous livre
Chez Ceux dont on ne revient pas
Je chercherai comme refuge
Le bistrot des mauvais chrétiens
Sans nulle crainte qu'on me juge
Pour mes manquements quotidiens
En fréquentant nombre de femmes
En côtoyant bien des saoûlauds
J'ai voulu retarder l'infâme
Horloge à coups d'épées dans l'eau
Je tire donc ma révérence
Et m'en vais traverser le pont
Pour aller visiter Byzance
Ou -Dieu sait- les rues de Mâcons
Je ne veux pas de l'auréole
Ou des ailes par tous les Saints !
Tant pis si mon âme s'envole
Je ne suivrai que mes desseins
Où je pourrai encore vivre
Entouré de tant de copains
Les soirs où à table on s'ennivre
Les jours où l'on rompt bien le pain
Mais par malheur à ma fontaine
On pourra plus tirer mon eau
Je laisse ici quelques centaines
De regrets et bien des sanglots
Mais le bon Dieu m'a fait l'offrande
De mourir un peu avant vous
Je flâne sur la belle et grande
Route des prochains Rendez-vous
Enterrez donc mes feuilles mortes
En criant à mon souvenir
Car quand on a fermé la porte
On ne cherche qu'à revenir
Raillez bien la stèle qui coince
Ma dépouille dans l'Autre-bord
Et chantez en cœur du Brassens
Un peu de nos Copains d'abord