le sculpteur était las d'inscrire
dans la pierre les mêmes lignes,
les mêmes contours
appris, avec tant d'efforts,
de ses maîtres respectés,
défenseurs de la tradition,
il était plein du désir
d'habiter enfin son corps,
d'inventer de nouveaux gestes,
d'imaginer de nouvelles formes,
de créer son propre pas de danse
à l'ombre des cathédrales
et dans le secret des cloîtres,
couché à même le sol,
voilà qu'il découvre un matin
une plante inconnue,
étrangement belle, troublante,
au feuillage découpé, sculptural,
venue de la lointaine Asie,
à la hampe florale altière
et sobre à la fois
longuement, amoureusement,
il a suivi, du bout des doigts,
le contour du feuillage,
caressé cent fois sa nervure
cambrée et nerveuse,
dos de femme offert
dans sa nudité,
qui s'achève en volutes folles,
en une chevelure dénouée,
en signe d'abandon lascif
et tendre
alors,
quand le sculpteur se dresse
à nouveau,
seul parmi les blocs de pierre,
sous son geste et son outil
inspiré,
naissent les chapiteaux armoriés
où la feuille d'acanthe vient enfin,
comme dans son rêve,
s'entrelacer aux pommes de pin
et aux pampres de la vigne
comme l'Orient,
siècle après siècle,
vient se mêler à l'Occident
comme le soleil unit,
en un jour,
le levant au couchant