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(Note de lecture), Franck Venaille, "Requiem de guerre", par Pascal Commère


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Posté 14 juin 2017 - 09:32

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<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...5678a970d-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Venaille" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201bb09a5678a970d img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201bb09a5678a970d-75wi" style="width: 50px; margin: 3px 15px 5px 0px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Venaille" /></a>Difficile de dire ce quâest un poème. Ce quâil doit être, plus encore. On se souvient de la préface dâAragon au premier livre de poèmes de Mathieu Bénézet (<em>Lâhistoire de la peinture en trois volumes</em>) : « Il faut être fou pour écrire sur la poésie. La poésie se fait, elle ne sâexplique pas. » Mais je mâarrête ici à un mot auquel on nâest pas tenu de rendre allégeance. Je remarque, du reste, quâil nâapparaît pas sur la page de garde. Pour chacun de ses livres, Franck Venaille invente une forme et une écriture. Cette fois, il fait feu. À lâaveugle. Première phrase : « Jâai décidé de mourir avant de naître. » Ne nous y trompons pas. Un <em>je</em> vieillissant décide de regarder sa mort en face. « Sa » mort, câest vite dit. En fait, ce nâest pas <em>je</em> qui meurt, mais lâautre en soi ; ce <em>il</em> avec qui il converse. À moins quâil ne nous parle. Ou bien il soliloque, quand ce nâest pas le poème qui parle de lui-même. Et câest précisément dans ce jeu de miroirs et de dédoublements (auxquels Venaille nous a habitués depuis tant de livres) que se tient sa manière. Manière dâêtre avec nous, de dos ou de profil, de faire tomber le voile, pour sâen envelopper aussitôt, lui et son être intime sans quâon en prenne conscience, cette part souffrante inscrite au creux des mots. Mais quâest-ce que jâavance là ! Nâest-il pas question de : médecine hospitalière ? Un ton neutre, sâil vous plaît. « Je vais raconter ça. La mort de fin de vie. La mort au fur et à mesure. » Voilà pour lâintention, le projet. Façon de parler, de jouer. Encore que. Il y a <em>ça</em> quâon dit, quâon écrit, la fiction (manière de) à laquelle Venaille emprunte pour donner structure à son poème â appelons-le ainsi ; allumer dans la nuit une kyrielle de petites bougies dont la cire brûle les doigts, et le cÅur, quoi encore. Reste que lâexpression « fin de vie » sent la pantoufle malade, lâurinoir renversé ; toutes choses fort triviales qui vous ancrent au plus bas â ne sont-ce point là des mots de travailleurs sociaux ! Nous voici loin du crépuscule des dieux⦠Nâest-ce pas dans cet écart pourtant que résident lâhabileté et lâoriginalité de la démarche de Venaille ? Dans cette absence de pathos soudain, presque rien, quelques ombres, comment dire. De moins en moins dâeffet, la chose nue. Un jeu grave, et blessé. Non sans grâce, ô combien, « sous lâÅil absent de ceux qui sâenferment pour vivre. » <br /> <strong><br /> </strong>Lâheure serait-elle venue dâaspirer au repos ? Le titre ne le dit pas, qui choisit lâoxymore. De son côté, lâhomme marche. Le croit-il, il avance, fier soldat à la solde dâun corps qui se refuse. Guérit-on de la vie ? Permettez. Je mâen tiens au rapport, constatation clinique de « la motricité gravement atteinte des corps malades ». Voilà qui nâest pas <em>a priori</em> po-é-tique. Et pour cause. Lâunivers hospitalier, parlons-en ; les couloirs en fuite débouchant sur le vide. Lâangoisse. Vous y rentrez un soir. Détresse, dites-vous. Je reprends vos propres paroles : « Câest la nuit, dans la matière même du rêve, que nous mesurons le mieux son poids de détresse. » La nuit, celle de Rilke, souvenez-vous, <em>Les Cahiers de Malte Laurids Brigge</em>⦠Cette rencontre avec lâhumanité souffrante. Les gardes de nuit, jây repense, comment ne pas songer à ces autres à lâarmée, factions interminables. Ce quâest : être malade. Ou si vous préférez, être cet « homme en proie à la maladie ». <br /> <br /> Ce nâest pas dâaujourdâhui que lâanimal claudique. Lorgnant de sa retraite les attelages en bas convoyant leur charge marchande â produits de première nécessité ! je vous entends. Mêlant sa voix à la rumeur exténuée des ruelles et couloirs (« Mais pourquoi chaque matin se lever avec la fatigue de la veille au soir ? ») avant de repartir, en avant, marche. Et marche, dût-on au fil des pas pactiser avec lâennemi, accepter de « guérir de lâenvie de guérir ». Le combat sâest déplacé, pénible est lâavancée. Nâempêche. Entend-on assez le cheval ? <br /> <br /> « Cheval Chagrin » fiévreux comme le sont tous ses congénères, « cheval malade / face énorme : christique à jamais ». Aurait-il vieilli, lui qui tirait charroi, ou serait-il atteint de fourbure, toutes douleurs inscrites dans les membres par les mauvais pavés. En marche, quoi quâil en soit, et cela depuis toujours. Depuis que « se perpétue le va-et-vient mouvementé (vie et mort) dâun monde / où je suis mon propre compagnon dâinsomnie ». Ce faux sommeil que préfigurent les rêves en poésie, autant de bouts de vie (réelle ou imaginaire) qui passent et repassent dans une prose entrecoupée de blancs auxquels la mémoire ajoute son habituelle brocante. Soldes-de-tout-compte, petits bobos, griefs<strong> </strong>; figures tutélaires â celle du père, « Modeste Commandeur ». Mais dâoù vient la voix du poème en cette polyphonie ? Sinon de lâautre en soi, des autres. Petites gens des faubourgs, ou grandes figures historiques (Maurice Thorezâ¦), unes et autres mêlées à lâargile des souvenirs. Dâoù surgissent, au fil des pages, quelques noms attachés aux années de jeunesse (Bertolt Brecht, Apollinaire, Kafkaâ¦) et auxquelles Venaille restera fidèle, citations en exergue : Laforgue, compagnon de toujours, Villon, dont une rue à Paris vient mourir dans la sienne. Proximité des pas, fussent-ils difficiles⦠Pour retrouver derrière la cocasserie des situations, au fil dâun présent/imparfait qui sâentrecroise ou se télescope, cette innocence première, petite vignette à la Chagall qui fait mouche à tous coups : « Je suis venu jusquâici rechercher mes jouets dâantan. » <br /> <br /> Le texte lui-même avance, puis chute, se relève puis repart. Ainsi la prose succède-t-elle aux vers, et réciproquement. Maître de soi, ah tant quâil est possible. Se surveillant de près, ne se ménageant guère : « Feu à volonté sur mes tristes souvenirs tristes ! » On ne flanche pas, allons. La main se fait légère, abandon passager. La versification, plus libre, moins étroitement surveillée â en apparence au moins. Moins scrupuleusement dessinée, comme si le temps était venu de laisser la phrase aller son cours. Lâensemble reste toutefois très composé : dix parties, chacune signalée par une longée de mots qui fait titre sans en avoir le tranchant ni lâautorité, et dont le fil permet au poème de se déployer, épousant dans la voix le relief du terrain intime, creux et bosses. Ainsi des changements de rythmes, de registres, lâexpression passant du tragique au burlesque, sans rien perdre de son goût de la fantaisie, pas plus que de lâhumour. La situation nâen reste pas moins préoccupante, pour autant. Quâon en juge : « Le bilan de lâincendie est lourd / cinq ours en peluche blessés aux jambes quâil faudra amputer / trois panoplies de pompier brûlées ». Lâ<em>Histoire de la médecine hospitalière </em>est en bonne voie.<br /> <br /> <br /> <strong>Pascal Commère</strong><br /> <br /> <br /> Franck Venaille, <em>Requiem de guerre</em>, Mercure de France, 112 pages, 11â¬.</span></p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"> </p>
<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <br /> <br /> </span></p><img src="http://feeds.feedbur.../~4/qd75qAutigw" height="1" width="1" alt=""/>

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