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(Notes sur la création) Caroline Sagot Duvauroux


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Posté 14 juin 2017 - 03:59

Jusqu'au jardin

                                                                                                                        Le jardin

6a00d8345238fe69e201b7c9026cb9970b-75wiLa quatrième personne du singulier

La poésie ? Qu'est-ce que c'est, dit Bernard Noël. C'est autre chose, dit Christian Hubin. Qui parle ? dit Nietzsche. Et Mallarmé répond c'est le néant du mot qui tremble. Wateau tient sa parole dans sa main. Ferlinghetti écrit la quatrième personne du singulier. Celle qui écrit ?
Quand on parle de la Beat Generation dont Lawrence Ferlinghetti fut le chantre et l'éditeur, et qui seul survit, on pense à Burroughs, à Kerouac, à Ginsberg, jamais à Bob Kaufman qui en fut le plus bouleversant matelot. Solitudes ! Qui a vu le vent ?... attention si vous bougez le vent...
Cette bataille s'est perdue aux bords de ses propres routes mais les semences y voyagent encore. Le rap et le slam, hors récupération, en sont des rejets, une misère vagabonde, chantante et révoltée.

Les souches restent, à l'état rélictuel, dans de petites poches de résistance qui
sont celles du tiers paysage
, (G. Clément).
Un tiers quelque chose.
Un territoire mental d'espérance, un jardin.

Toute la poésie est aux terrains vagues où ce dont personne ne croit avoir besoin partage avec tout ce qui n'a pas encore parlé, l'espace du poème. Seuls, écrit Gilles Clément, restent ces terrains vagues et le bord négligé des routes et les défaites publiques pour les herbes vagabondes chassées partout de nos jolis jardins de magazines. Seuls aujourd'hui, protègent la diversité, les jardins au ban donnés, parmi les pirates et les simples. Pendant qu'on imagine comment se partager entre états les nuages qui passent dans le ciel, au sol on répand le gazon uniforme engloutisseur de sources. Les poètes tentent comme ils peuvent de cultiver des lisières où tant de choses sont à nommer, où le vide est peuplé de rivages ignorés, d'espèces non répertoriées, où le participe futur d'aventure triomphe. Où on reste nostalgique du futur. Où on rêve d'astrophysique en épluchant ses radis. La raréfaction, nous y sommes, terre et langue, alors soignons nos terrains vagues et si décharge publique tant mieux. On jette tant de choses plus nécessaires que ce qu'on garde. Déchargeons-nous, déchargeons, ces mots sont excitants, un peu mal famés, avec le Pet d'Apollinaire et ses deux ailes comme dit en souriant Valérie Rouzeau. On prend. C'est gratuit. Ça ne prend rien c'est même donné par prendre. Comme la mayonnaise. On ne va pas pleurer toujours, du moins on ne va pas toujours dire je pleure pour je pleure. On va dire qu'est-ce que c'est ce sel ? Ce doit être bien important pour que les larmes et la mer recueillent l'éternité de soif d'un grain de sel (Jabès)

Poésie contemporaine, un vivier ? un mouroir ? Depuis qu'on dit qu'elle meurt la poésie on se demande si mourir n'est pas sa vie même. Comme la nôtre dans le fond. On pense à Denis Roche on avait tant goûté Louve basse.
Alors nous jouons, dans ce terrain incertain, aux semences non homologuées par les grands semenciers. Car après tout se dit le poète, le monde, ce qu'on appelle le monde n'est peut-être que la métaphore d'appeler le monde. C'est Antonin Artaud qui inventent dans Le théâtre et son double, les mots réalité virtuelle.
Il faut de la camaraderie de différences, du chacun dans son ton pour petit unisson. On pourrait dire différance avec Derrida. Que poussent nos solitudes sur les rencontres, et qu'apparaissent mieux au public les herbes et les zozios du jardin où nous convoquons et invoquons monts et vaux avec faune et lune. Pour que la vie invente. Et que les voix dissonent et se difractent, pour que le si peu visible poursuive le combat de l'invisible. Ça fertilise notre lopin de liberté. Imagine !

Pesquès, Pagano, Demarcq, Rouzeau, Azam, Raphoz, Meens, Rahmy, Emaz, Dubost, Beurard-Valdoye, Giovannoni, Bertina, Ch'Vavar, Heidsieck, Chopin, Prigent, Courtade, Tellermann, Wateau, Savitzkaya, Ferrat, Demierre, Pennequin, Noël, Bénézet, Viarre, Daive, Collobert ah Collobert, Fournier, Bouthonnier, Poyet, Xardel, Chapelle, Albiach, qui êtes-vous ? ... et toutes les maisons où habitent vos mots, au même endroit, joueurs. Au jardin.

Joueurs, nous disons car c'est égal : nicolas, emmanuelle, emmanuel, jacques, valérie, édith, fabienne, dominique, philippe, antoine, jean-pascal, patrick, jean-louis, arno, ivar, bernard, henri, christian, esther, eugène, stéphanie, jacques, charles, mathieu, guy, jean, pascal, victoria, marie-louise, anne-marie, claude, ou maël ou marie.... Et c'est le monde entier (juste avant droit d'auteur) dans un jardin.

Quand les vents sont favorables vient y voir, un vrai jardinier d'herbes et de simples pour nous récompenser d'avoir méprisé la rose d'or et celle d'argent. Gilles Clément guérit un peu de solitude où s'entête une Luciole.
Il faut bien chanter tout l'été pour engranger la musique et danser l'hiver qui ne nous quitte guère.

Non, ça ne veut pas rien dire, Arthur Rimbaud

Caroline Sagot-Duvauroux, un bout du pré, coll. En lisant en écrivant, éditions Corti, 2017, pp. 107 à 109.

 

 

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