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(Note de lecture), Cédric Le Penven, "Joachim", par Antoine Bertot


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Posté 23 juin 2017 - 12:49

 

6a00d8345238fe69e201b8d28f6bdf970c-50wiLe poète devient père. La venue de l'enfant, puisqu'elle touche au plus vif de l'émotion, s'inscrit dans les poèmes. Le recueil porte le prénom de cet enfant, Joachim, qui, par la joie et les doutes qu'il suscite, en inspire chacun des mots.

La première section, « Ce jour nu sur la table », décrit l'attente et la naissance de l'enfant. Période heureuse donc, où s'ancre aussi le sentiment d'être enfin libre (« nos regards portent loin / par-delà les blessures de l'enfance [â¦] // nous / sommes libres », p.31). Pourtant, une mémoire douloureuse, celle de sa propre enfance, se rappelle au poète. Il faut, à nouveau, en affronter les « plaies » (p.32, 33, 37, 43). Mais cette naissance impose aussi une question essentielle : « qu'aurai-je à donner / à cet enfant sans nom » (p.26). Car faire face à ce qui arrive, c'est éprouver d'abord qu' « un centre / se dérobe » (p.15), que nous demeurons étrangers à ce que nous voyons (« toute l'étrangeté d'un paysage / que j'observe tous les jours », p.17) et à ce que nous sommes (« moi qui sais que mon visage / ne me ressemble pas », p.24).

À défaut de comprendre ce qui, de toute évidence, ne se résout pas (« personne qui sache encore / comment il se fait que l'on puisse / conjuguer le verbe être », p.38), ces poèmes s'en tiennent à un savoir minimal : désigner et rechercher « les insectes, les oiseaux, les herbes / à nommer pour qu'il sache // que le monde entier réclame son nom » (p.34). Cet étonnement est une manière d' « être là » (p.35), d'aimer et de s'inscrire dans les infimes nuances du monde (p.35, 46). Il permet de donner toute sa place à cette vie qui vient, à ce « nous » qui, ainsi, se peuple : « (jamais nous ne fut si nombreux) » (p.48).

La seconde section décrit les sentiers le long de « la Gourgue ». Le poète les parcourt, les explore « obstinément » (p.97). Et au fil des pas et des mots, un travail introspectif se poursuit. Quelques pages avant la fin, cette tension est formulée ainsi : « voilà longtemps maintenant que je parle de la Gourgue // que je ne parle plus de la Gourgue » (p.103). S'élaborent en ce sens « un abécédaire, une géographie intime » (p.81) : ces lieux familiers désignent au poète le visage de l'enfant (p.61, 76), sa propre image (p.57, 81), sa mémoire (p.60, 71, 74).

Cette introspection sinueuse ne révèle pas le poète à lui-même tant ce « moi », si incertain, est un « assemblage informe de parties inconnues » (p.103). Seulement, ces mots, au cÅur du paysage, tentent de faire tenir une vie avec son « désordre » (p.108), de lui donner, plus qu'un sens, « une direction » pour continuer dans cet instable là.

Antoine Bertot


Cédric Le Penven, Joachim, Éditions Unes, 2017, 107 p. 19â¬

 

 

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