Aller au contenu

Photo

« Souvenirs de la maison du temps »


  • Veuillez vous connecter pour répondre
Aucune réponse à ce sujet

#1 tim

tim

    Administrateur

  • Administrateur principal
  • PipPipPipPip
  • 5 689 messages

Posté 26 juin 2017 - 05:41

Se souvenant de l'enfance, quand « le Temps était venu s'asseoir à notre table » et revisitant les traces d'une vie, Lionel Ray une fois encore se confronte à la fuite des jours et à ce que l'on peut sauverâ¦.

ray_souvenirs-de-la-maison-du-temps-a490( Gallimard. 104 pages. 14 euros)

« Se pourrait-il que je ne sois qu'une ombre / Cette fumée qui s'échappe criblée de pluie / Et de lumière » se demande l'auteur, inscrivant ainsi sa poésie dans le questionnement sur une présence au monde jamais totalement établie ni acquise. Et sur une identité toujours flottante, surtout lorsqu'elle tente de se dire dans la fuite du temps. La quête d'un « Moi entre le possible et l'impossible / Cherchant une improbable clé » se mène « dans la broussaille des mots », quand les mots sont « façons de voyage / Au plus profond de soi ».

« Je vous salue mes terres de l'au-delà des jours »

Ainsi Lionel Ray poursuit-il une introspection commencée il y a bien longtemps â proposant au passage une définition de la poésie quand il note : « Tu écrivais comme on se parle au plus secret de soi » â et menée de recueil en recueil. Pour autant, il ne s'agit pas tant ici de souvenirs d'égotisme que de discerner des traces, peut-être des jalons, dans un parcours de vie, et le mystère de vivre.
« ô solitude ! Y a-t-il un reliquaire
Pour les soleils épars pour le froissé des sources
Pour l'écriture des traces ? »

S'il est un reliquaire, il faut le chercher dans ces mots qui sont « comme les ponctuations heureuses d'une piste perdue ». C'est en eux que l'être trouve peut-être son unité, ou son salut. « Il y a des paroles qui sont des arches / Pour le dernier voyage des errants ».
L'âge rend l'interrogation plus taraudante. « Vieil homme les mots muets à ta bouchent montent / que cherches-tu dans cette obscurité profonde ? » La nuit est prégnante, qui est à la fois la part obscure de chacun et la mort promise - « cette nuit présente en moi » - l'obsédante compagne du jeu des jours. Mais « donner un nom à la nuit » n'est pas aisé, une vie de poésie n'y suffit probablement pasâ¦

L'enfance, le temps...

Ray-Lionel-8aa9e.jpg
« Le plumage bleu des aubes » ou ces « derniers balbutiements des feuillages » que le poème de Lionel Ray salue si souvent n'empêchent nullement l'enfance de se frayer sa place et la mémoire de rappeler ces « journées buissonnières » quand la vie était si forte et souveraine que « quelquefois le monde s'absentait ». Lionel Ray n'a de cesse de saluer cette ferveur - « une affirmation de présence » - en quoi se résume l'aventure d'être au monde pour la jeunesse. Et « l'ange des solitudes », celui qui veille « près d'une horloge qui ne sonne pas » ne saurait occulter cette force qui se survit dans l'âge mûr.

Le titre le dit et les vers ne cessent de la répéter : « C'est le Temps qui s'approche à pas comptés ». On touche là au vrai leitmotiv du recueil. A l'énigme cardinale. Quand on se remémore, non sans nostalgie, comme le fait souvent le poète, il semble que le temps se retourne et la question vient aux lèvres : « ai-je vraiment grandi ? » Lionel Ray n'en finit pas de s'étonner du jeu des sabliers, au point de le pousser à l'oxymore⦠« jusqu'aux cimes du temps profond »â¦
Ce qui reste ? Ce que les mots, la poésie auront sauvé :

« Que voulez-vous qu'on fasse de tout cela /
Le seul monde qui vaille est imaginaire
Le seul qui brille d'un pur éclat
Nerval, Michaux, Verlaine, Apollinaire ».

Michel Baglin



Voir l'article complet