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(Note de lecture), Marcel Cohen, "Autoportrait en lecteur", par Anne Malaprade


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Posté 10 juillet 2017 - 09:56

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<p class="blockquote MsoNormal" style="text-align: justify; line-height: 125%; margin-left: 40px; margin-right: 40px;"><span style="font-size: 12pt; line-height: 125%; font-family: 'Garamond','serif'; letter-spacing: 1pt;"> <a class="asset-img-link" href="http://poezibao.type...a40e0970b-popup" onclick="window.open( this.href, '_blank', 'width=640,height=480,scrollbars=no,resizable=no,toolbar=no,directories=no,location=no,menubar=no,status=no,left=0,top=0' ); return false" style="float: left;"><img alt="Cohen autoportrait" class="asset asset-image at-xid-6a00d8345238fe69e201b7c90a40e0970b img-responsive" src="http://poezibao.typepad.com/.a/6a00d8345238fe69e201b7c90a40e0970b-50wi" style="width: 50px; margin: 3px 15px 5px 0px; border: 1px solid #969696; box-shadow: 8px 8px 12px #aaa;" title="Cohen autoportrait" /></a>On nâa pas obéi à lâéditeur, on nâa pas suivi son conseil (ironique ?) imprimé sur la quatrième de couverture : « Voici sans doute le seul livre de Marcel Cohen quâil est recommandé de lire en commençant par le début ». On a commencé par le cÅur du livre, on a poursuivi par ses notes bibliographiques, on a lu la dernière puis la première citation (de Proust à Wallace Stevens), on a tout de suite été traversé-bouleversé par lâabsence de guillemets autour de ces prélèvements divers, par cet accès direct aux phrases, à la prose, aux vers, aux dialogues, aux aphorismes que cette dénudation fluidifie. On a cherché des visages, des maîtres, des modèles ; on a trouvé, à la marge, des noms propres dâécrivains, de philosophes, de moralistes, dâanthropologues, de peintres, de photographes, dâactrice, de journalistes, dâhistoriens. Certains reviennent régulièrement (Kafka, Blanchot, Jabès, Jankélévitch, Beckett, Valéry, Reverdy, Joubert, Joyce, Pontalis, Dupin, Lacoue-Labarthe, de Vinci, van Velde, Oppen, Bataille, Benjamin, Pessoa, Rosmarie Waldrop, Lévinas), dâautres nâapparaissent quâune fois. Quelques propos restent anonymes (« Un officier français de la marine marchande », « musiciens de la Philharmonie de Berlin ayant joué sous la direction de Wilhelm Furtwängler pendant la Seconde Guerre mondiale », « Graffiti sur un mur de Londonderry, Irlande du Nord », « Journal <em>Madame Figaro</em>, Paris, du 23 novembre 1996 ») ; ils ont été prélevés à la radio, sur des murs, des enveloppes, ou ont été recueillis par le lecteur-auteur lors de conversations ou de discours. Dâautres sont des citations de citations : « Paul Klee, cité par Georges Perros, <em>Papiers collés</em>, Gallimard, Paris, 1973 », « Don McCullin, cité par Claire Guillot, journal <em>Le Monde</em>, Paris, 1er et 2 septembre 2013 ». On a pris acte de ce que tous ces énoncés sont en même temps transparents et anonymes, baptisés ou contextualisés cependant, et que les masques des artistes, et que le masque du lecteur, laissent passer la littérature, la pensée de la littérature, ou encore la parole, comme une paroi laisserait filtrer la lumière. <br /> <br /> Ensuite on a cherché un ordre dans le désordre, ou on a continué de désordonner notre lecture. On a repéré les chapitres, qui sont au nombre de cinq. On aurait souhaité dans un premier temps quâils portent un titre, quâils constituent un repère verbal, une indication ou un cheminement, quâils cadrent un mouvement, un élan, une narration, voire une fiction. On a compté les citations dans chacun des épisodes, pour voir sâil y avait recherche dâun équilibre numérique, ou loi plus ou moins cachée du nombre, ou contrainte dissimulée. Cela nâa pas donné grand-chose (37, 69, 46, 73, puis 73, soit presque 300 extraits). On a fini par reconsidérer le conseil de lâéditeur. On a recommencé le livre, par le début cette fois, chapitre après chapitre. On a cherché une direction aux regroupements successifs. Celle-ci nâest pas chronologique ni axiologique, plutôt thématique, mais avec des thèmes dans les thèmes, comme ces poupées qui renferment des poupées qui recèlent des poupées qui protègent des poupées. Et cela a donné, sur notre petit carnet intime, chapitre 1 : un questionnement métaphysique, existentiel (mais ces adjectifs sont prétentieux, lourds, malaisés, bien trop chargés dâautorité et dâHistoire), chapitre 2 : la question de la guerre, de la destruction, la Shoah (et on retrouve cette montée aux extrêmes qui, au vingtième siècle, néantise lâhomme, et toutes ses prétentions humaines, ou humanitaires), chapitre 3 : peut-on encore écrire, créer, peindre, représenter après Auschwitz ?, chapitre 4 : le silence comme forme, ou le principe de nudité intégrale, chapitre 5 : lâhumour malgré tout, et la place du lecteur. <br /> <br /> Et on sâest surpris à recopier dâabord certains extraits, à vouloir recopier finalement tous ces extraits, à convertir cette publication en carnet intime. Alors on sâest dit que le titre de lâouvrage â <em>Autoportrait en lecteur </em>â constituait, aussi, un miroir dont la réflexion épouse une forme de compagnonnage mise en abyme : chaque lecteur du livre rejoint le lecteur à lâorigine du livre, à savoir Marcel Cohen. Ce dernier a recueilli et organisé des énoncés, les a disposés selon un ordre signifiant ; il a brisé une continuité pour constituer une nouvelle architecture fragmentée. Il a créé un livre aérien et ajouré, constitué, aussi, de vides et de silences, de coupures et de manques, un livre qui pourrait sâappeler, dâune certaine manière, <em>La Disparition</em>. Lâécrivain Marcel Cohen sâest évanoui, et câest son double, le lecteur quâil ne cesse dâêtre tout en écrivant, qui apparaît en creux. Cet autoportrait ne figure ni un nom, ni une personnalité, ni une destinée, ni une biographie, ni une découpe représentative : câest une silhouette à la Giacometti qui se réduit à cette essentielle fragilité qui nous constitue et nous institue. Un regard, une perception, une attention, une voix. Et de même quâil existe des blasons du corps féminin, se profile ici un blason du corps littéraire, fait de la matière la plus volatile, la plus subtile, la plus infime qui soit : la voix dâun sujet qui sâest retiré, la voix dâun corps qui sâest décharné, « une voix parlant sans vie » (Maurice Blanchot), et cependant un timbre qui persiste à dire la vie des signes. Un murmure ajusté qui, citant (du latin <em>citare</em> « citer en justice, proclamer ») des contemporains, des frères, des ancêtres actuels, arrache une vérité au néant, au morcellement, à la dissémination : un infini au fini, ce qui ne peut être dit sinon par la désignation dâun silence creusant le verbe.<br /> <br /> <strong>Anne Malaprade<br /> </strong><br /> <br /> Marcel Cohen, <em>Autoportrait en lecteur</em>, Éric Pesty Éditeur, 2017, 150 p. 17â¬</span></p>
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